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Liberté - Page 1529

  • Le King


    Edito du 7-8  -  Radio Cité  -  Mardi 09.09.08  -  07.05h

     
    Il a gagné. Il est assis par terre, les avant-bras tendus vers le ciel, il hurle, il expurge tous ces mois de tension, il exorcise l’adversité. Il a gagné, il est redevenu le roi. Le King.

    A New York, Roger Federer nous a donné une leçon. Il nous dit : « Dans la vie, il faut se battre, se battre, et se battre encore ». Ne jamais baisser les bras. Que viennent les revers, les défaites, que s’en aillent les faux amis, qu’exulte la criticature, qu’importe. Un champion de cette espèce n’a pas d’état d’âme. Il ne se plaint pas. Il se bat. Et c’est tout.

    Roger Federer est un champion de toute grande race. Lâché, ce printemps et cet été, par une bonne partie des observateurs, il a continué son chemin. A terre, il s’est relevé, il est reparti au combat. Ce qui ne tue pas renforce. Sa victoire de New York, cette nuit, est l’une des plus belles de sa carrière. Elle n’est pas seulement une victoire contre Andy Murray. Elle est une victoire sur lui-même. Contre la fatalité. Contre la facilité. Une étape de son destin. Et elle est, pour nous tous, que nous nous intéressions ou non au tennis, une magnifique leçon.

  • Les camarades et l’AFP



    Sur le vif  -  Samedi 06.09.08  - 21.40h

    Les socialistes, c’est connu, n’ont jamais beaucoup aimé la presse. La liberté des idées, le choc des antagonismes, le plaisir de la disputatio, la jouissance d’affronter un contradicteur, ne sont guère leur fort. Qu’on les caresse dans le sens du poil, tout ira bien ; qu’on les critique, et les épines, sous la rose, viendront lacérer votre insolence.

    Dernier exemple en date, Micheline Calmy-Rey. Je ne fais pas partie de ceux qui tirent à boulets rouges sur la conseillère fédérale, je me réjouis même que la Suisse ait une politique étrangère claire, souvent courageuse, active, imaginative. Toutes choses qui ne m’étaient pas apparues avec éblouissement sous les très riches heures de Joseph Deiss. Mais, dans l’affaire de l’AFP, Micheline Calmy-Rey a montré un très vilain visage : celui de la presse qu’on veut contrôler, et dont on cherche à se venger.

    Le 25 août, suite au discours de la cheffe du DFAE devant la Conférence des Ambassadeurs, où elle avait bel et bien eu une phrase, très claire (et, selon l’Hebdo de cette semaine, dûment relue, donc préméditée) sur Ben Laden, l’AFP avait titré « La fin d’un tabou ? La Suisse prête à dialoguer avec Ben Laden ». Colère de MCR, dévastatrice. Embarras au DFAE. Chasse aux sorcières contre l’impudent agencier, qui avait osé un titre interprétatif. L’AFP, à très juste titre, a rappelé à la ministre que les rédacteurs des dépêches étaient des journalistes, avec un devoir de décodage et de mise en perspective, et non des greffiers au service du Prince.

    L’affaire ne s’est pas terminée là. Il a fallu que le maire de Genève, Manuel Tornare, homme pourtant pétri de culture et de bonne philosophie, se croie obligé, devant l’Association de la presse étrangère en Suisse, d’en rajouter, en grande obédience à sa suzeraine, dans le registre de la morale à la presse. Et se permette de parler « d’erreurs grossières » de certaines agences.

    Il y a des moments, Monsieur Tornare, où la clarté de la Lumière philosophique s’aveugle dans la nuit de la discipline de parti, et du conformisme devant les puissants de son propre camp. L’agencier de l’AFP n’a fait que son travail : au lieu de n’être que l’écho moutonnier du pouvoir, il a élargi le champ en pointant le titre vers l’essentiel. Ce qui gênait. Il a juste fait, en cela, son travail de journaliste.

    Pascal Décaillet



  • Les Rijabons de Carabule

    Sur le vif  -  Vendredi 05.09.08  -  15.45h

     

    Vous avez sans doute en tête la dernière page d’Astérix et les Goths, ce pataquès généralisé où les chefs germaniques se neutralisent en se combattant les uns et les autres. Il y a aussi les Ouménés de Bonada, merveilleux poème d’Henri Michaux, où s’entremêlent Nippos de Pommédé, Bitules de Rotrarque, Rijabons de Carabule. A faire lire, à haute voix, par tous les élèves de toutes les classes, tant les sonorités de ces noms de tribus imaginaires flattent l’oreille, excitent le désir anthropologique, donnent envie de croquer, à dents de requins, l’aigre-douce dérision du pouvoir.

    Tout cela, en ce vendredi d’arrière-été, me fait penser à l’actuel Conseil fédéral. Ce collège de l’après-10-décembre, expurgé de la bête immonde, dont on nous promettait la plus parfaite des sérénités. En lieu et place de ce rêve, naïf comme un oiseau blanc dans le ciel d’automne, voilà que la réalité nous rattrape : plusieurs ministres attaqués, simultanément, comme jamais, par plusieurs partis gouvernementaux, pour des raisons différentes, dans la plus glacée Bérézina du sens et de la raison.

    Entre partis gouvernementaux, on ne se parle plus : on s’écrit des lettres ouvertes. Le ministre de la Défense est en état de siège, prêt à bouffer du rat plutôt que de se rendre. Celle des Affaires étrangères est invitée à ne plus mettre un pied à l’extérieur du pays. Dernier missile en date : celui des radicaux, qui, dans leur service de presse d’hier, qualifient Moritz Leuenberger « d’ancien conseiller fédéral » ! A moi, Michaux, à moi les Ouménés, les Odobommédés, à moi Rijobettes de Billliguette, à moi Prochus d’Osteboule, à moi Goscinny, Uderzo, à moi Mazarin qui divisa les Allemagnes. A moi, je vous en supplie, pour m’aider un peu à comprendre.

     

    Pascal Décaillet