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Sur le vif - Page 936

  • Sept personnages en quête de hauteur

     

    Sur le vif - Vendredi 20.01.12 - 16.21h

     

    Il n'existe pas, à Genève, de gouvernement. Il existe, aujourd'hui, sept personnes, dont une ou deux de qualité, jetées là pour tenter de faire quelque chose ensemble. Ces sept personnes ne nourrissent guère d'estime les unes pour les autres, ne montrent aucune espèce de solidarité - si ce n'est de façade - lorsque l'une d'entre elles se trouve en difficulté, proviennent d'horizons politiques, idéologiques, culturels profondément différents. Elles se tutoient, certes. Tout le monde se tutoie. Et ce tutoiement ne veut strictement rien dire : il n'est l'indice d'aucune affection, d'aucune vraie proximité, surtout d'aucune fraternité. A Genève, on se tutoie. Et on trinque dans les cocktails. Ça fait partie du jeu. De l'Etiquette. On se tutoie, et on se tue. On tutoie ceux qu'on tue. On les flingue, mais à la deuxième personne. Singulier, non ?

     

    Jetées là, par hasard. A l'automne 2009, il n'y a pas eu d'élection, on a juste procédé à un casting. Verrouillé par les listes électorales. On a reconduit les sortants, bien sagement. On a écarté l'emmerdeur. On s'est dit qu'on allait continuer de gouverner entre soi, entre gens de bonne compagnie. Ceux qui n'élèvent jamais la voix, ne trempent jamais leurs guêtres dans la boue, assistent, petit four en main, aux assemblées transfrontalières. Les gentils. La montée du mécontentement, les souffrances des gens, on n'a pas trop voulu les écouter. L'emmerdeur, notamment pendant l'année présidentielle du ministre des Affaires sociales, on l'a traité comme un gueux. Dans l'affaire libyenne, on l'a pris de très haut : on était sur la dune, il était dans la sable brûlant, on fermait les yeux. Le soleil était trop fort. Ce qui n'a pas empêché, tout récemment, qu'on lui pique allègrement l'une de ses idées, de type Julien Clerc, « Ma préférence », en se bouchant le nez s'il s'approchait  pour en revendiquer la paternité.

     

    Le vrai problème de Genève, ce ne sont pas les errances nocturnes de M. Muller. Ni les erreurs d'aiguillage de Mme Künzler. Non, le vrai problème, c'est la politique de ces gens-là, l'arrogance de ce ministre-là, et de son double. Les bricolages autour du centre, avec l'active collaboration des Verts, pour obtenir des majorités de fortune. Le mépris pour les Marges. Et le plus fou, c'est qu'on leur reproche, aux Marges, de faire de l'opposition ! Vous n'êtes pas d'accord avec une idée de l'équipe en place (l'Entente, avec l'active collaboration des Verts), on vous traite de destructeur d'institutions. Comme si la démocratie, ça n'était pas justement la mise en opposition des idées, la tension dialectique, et pourquoi pas une bonne engueulade de temps en temps. Mais non : leur démocratie à eux, c'est  être d'accord avec le pouvoir en place aujourd'hui. Il paraît même - j'ai appris ça hier soir - qu'il existe une opposition « constructive » et une opposition « destructrice ». Et qui, je vous prie, définit ce qui est « constructif » ? Ben, la clique au pouvoir, of course ! Elle est pas simple, la vie ?

     

    Sept personnes, jetées là. Sept singletons, en aucun cas un ensemble. Chacun, de son côté, fait ce qu'il peut. Et voilà qu'aujourd'hui, face à trois crises n'ayant certes aucun rapport entre elles (police, TPG, errances nocturnes), on nous promet un rafistolage. « Ça va mal, Monsieur, nous le savons, nous en prenons la mesure, mais croyez-moi, tout va changer : nous allons faire des dé-lé-ga-tions". On n'ose pas dire tutelle, on n'ose pas se désavouer en allant jusqu'à la rocade, alors, au sein de l'ensemble à sept éléments, on s'apprête à créer tout un fatras et un fracas de sous-ensembles, avec des intersections, A inter B, A union B, A différence B. Intellectuellement, j'adore, tout comme j'ai adoré les maths modernes. Politiquement, foutaise.

     

    Sept personnes, dont une ou deux de qualité. Jetées là. Sans rapport entre elles. Sans la communauté d'une épine dorsale idéologique, ou philosophique. Sept intendants. Sur quelle terre ? Pour quelle politique ? Quelle ambition commune ? Avec quel chef ? Juste le hasard d'un casting d'automne. Putain, encore deux ans !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Routes nationales : le Conseil fédéral se fout de l'Arc lémanique

     

    Sur le vif - Mercredi 18.01.12 - 16.24h

     

    Un Conseil fédéral peuplé de gentils représentants du Mittelland, sans la moindre sensibilité de l'Arc lémanique (eh oui, hélas, PYM fut recalé), vient de prendre l'ahurissante décision d'exclure la traversée du lac, à Genève, de son message, adopté aujourd'hui, sur le réseau des routes nationales. C'est un grave échec pour Genève, mais aussi pour nos amis vaudois et français, nos compagnons de routes, de tunnels et surtout de bouchons sur un réseau de plus en plus saturé qui eût évidemment exigé que Genève fût doté d'un véritable périphérique. Donc, d'une traversée du lac.

     

    A juste titre, les présidents des gouvernements vaudois et genevois, MM Broulis et Unger, protestent vivement, cet après-midi, contre ce scandale. Mais des questions se posent. Que fait notre délégation genevoise à Berne ? Quelle lobbysme ont actionné nos onze du National et nos deux des Etats ? Ce dossier a-t-il suffisamment été mis en œuvre, en synergie, de la part de Genève ? En un mot, notre canton existe-t-il, simplement, à Berne ?

     

    Au niveau national, on demeure frappé par le provincialisme du Conseil fédéral, sa méconnaissance totale des axes de communication autour de Genève, de la nécessité de les étendre, de leur donner une cohérence. Ces sept intendants de grasses terres de notre arrière-pays n'ont aucune idée de Genève, qu'ils considèrent au mieux comme un folklorique et lointain Finistère, au pire comme un vaudeville permanent. A leur décharge, il faut bien reconnaître que nous leur offrons, ces temps, sur plateau d'or, de quoi alimenter l'hypothèse no 2.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Faits d'hiver

     

    Sur le vif - Mardi 17.01.12 - 16.22h

     

    Eh quoi, que voudraient-ils, tous ces puristes ? Ils voudraient des purs ? Des saints ? Mais ils se trompent d'ordre ! Qu'ils entrent en religion. En carmel. Qu'ils se défassent de leurs biens, les donnent aux pauvres, sillonnent le désert dans la foulée du premier prophète. Mais la politique, la fonction exécutive, c'est autre chose. La politique, ça n'est pas la morale. Ni, bien sûr, l'immoralité. Simplement, ce qui fonde l'action politique est d'un autre ordre. Ni celui du mal contre le bien. Ni vraiment celui du bien contre le mal.

     

    A quoi devons-nous juger un ministre ? A l'efficacité de son action publique. Oh, à cette aune-là, un Mark Muller aurait assurément des comptes à rendre : on ne peut pas dire que ses dossiers avancent très vite, on attend désespérément le début d'érection de la moindre tour du côté du PAV, on prend acte avec inquiétude de la fronde des communes contre le Plan directeur cantonal. Tout cela, oui, qui est d'ordre public, parlons-en. Mais ce qu'il a fait, ou n'a pas fait, au Moulin à danses dans la nuit du réveillon, ne relève, comme je l'ai écrit ici dès le premier jour, d'aucune espèce d'intérêt public. Il est en conflit juridique avec un barman ? Eh bien que la justice tranche ! C'est une voie de fait parmi des centaines d'autres, à Genève. Un fait d'hiver.

     

    Ma position, vous la connaissez. Je n'en changerai pas. Mais je lis les commentaires, un peu partout. Et je vois bien que la majorité de l'opinion publique ne l'entend pas de cette oreille. Et va dans le sens, que je déplore profondément, d'une américanisation de notre vie politique. Pour ma part, je n'en veux à aucun prix. La vie privée des magistrats - comme d'ailleurs, plus généralement, la vie privée des gens - ne doit pas nous intéresser. Un conseiller d'Etat a le droit d'être amoureux de qui il veut, de sortir dans les bars qu'il veut, de faire la fête comme il veut. Et une altercation, un soir de réveillon, avec un barman, ne constitue aucunement, à mes yeux, un cas de démission ou d'impeachment, procédure qui n'existe d'ailleurs pas chez nous.

     

    Ce qui me gêne le plus, c'est l'effet de paravent. Avec Muller le castagneur au premier plan, voilà que disparaissent dans une ombre salutaire les carences de Mme Rochat. Qui sont, en termes de fonctionnement républicain - l'autorité élue qui doit s'imposer, anticiper, inventer le langage plutôt que de le suivre - d'un autre danger que les faits d'hiver. Mais peut-être, en cette période où le thermomètre descend, le fait d'hiver échauffe-t-il davantage nos esprits et nos sens. Nous, humains, trop humains. Et la politique, elle, n'est ni humaine, ni morale, ni inhumaine ni immorale : elle est la politique. Et c'est dans sa logique propre qu'elle doit être jugée.

     

    Pascal Décaillet