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Sur le vif - Page 934

  • Guy, la mémoire, la survivante

     

    Sur le vif - Jeudi 05.01.12 - 22.49h

     

    J'ignore s'il convient de lire dans toutes les classes de France, comme le demande M. Sarkozy, l'ultime lettre de Guy Môquet à ses parents. Mais je suis sûr d'une chose : ce texte est bouleversant. Voilà un garçon de 17 ans, militant communiste du groupe des otages de Châteaubriant, qui s'en va au peloton d'exécution, le 22 octobre 1941, en réconfortant sa famille.

     

    Ce texte, sur l'admirable chaîne « Toute l'Histoire », je viens de l'entendre une nouvelle fois, à l'instant, dans une émission consacrée aux premiers temps de la Résistance française. Il y eut, comme on sait, beaucoup de résistants fin 1944, pas mal déjà en 1943, beaucoup moins en 1942, si peu en 1941. Très jeunes, souvent communistes, ils aimaient leur pays. Ils en ont payé le prix, très fort.

     

    L'émission que je viens de voir nous montre une ancienne otage de Châteaubriant, survivante. Elle retourne sur le mémorial des exécutions, soixante ans après. Tous les trois mètres, un poteau. Avec une photo. Elle passe en revue ces camarades de détention qu'elle a tous connus, Certains, comme Guy, étaient amoureux d'elle. Pour chacun, elle a un mot. L'évocation de ce qu'il avait de vivant, de coloré, de talent, ou de rire dans la voix. Dans ce sinistre lieu glacé, elle réinvente leurs vies. Elle n'a, cette survivante, jamais nulle plainte, nulle haine, juste le souci de restaurer la vie, là où plane la mort.

     

    Ce soir, je vais relire un peu les « Lieux de Mémoire » de Pierre Nora. La mémoire n'est pas seulement une faculté du cerveau, ce qui est déjà remarquable. Elle est l'une des marques les plus éminentes de la reconnaissance. Et de la civilisation.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le doux silence de l'ordre qui règne

     

    Sur le vif - 05.01.12 - 20.41h

     

    Oh comme ils ont l'air nombreux, à Berne et ailleurs, dans deux des quatre partis gouvernementaux (PLR + PDC), dans la nomenklatura de la presse redevancée, à pouvoir se frotter les mains, suite à la conférence de presse de M. Hildebrand, et se dire: "Tout cela va bien s'estomper, se calmer".

    L'ordre continuera de régner à Berne. Leur ordre. Juste une voix, pour casser cela, encore lui, admirable et droit dans ses bottes en ce début d'année: Christian Levrat. Il ose, lui, pour le moins, articuler les mots de "faute morale". L'affaire n'est évidemment pas finie.


    Pascal Décaillet

     

     

  • Messieurs les Onglets, tirez les premiers !

     

    Sur le vif - Jeudi 05.01.12 - 11.32h

     

    Mon éminent confrère Jean François Mabut se fend d'un billet, en forme de mode d'emploi, pour expliquer le nouveau moyen d'accéder aux blogs, depuis le site de la TG. Auparavant, il suffisait de cliquer sur l'onglet « blogs », ce qui me semble, belle marquise, d'amour me font, vos beaux yeux, mourir, le moyen en effet le plus direct d'accéder au désir de l'internaute. Aujourd'hui, cet onglet direct a été tué, au profit d'un onglet « services », contenant, au même titre « qu'immobilier, emploi, concours et décès », l'onglet « blogs ».

     

    Jamais les blogs hébergés par la Tribune de Genève ne se sont aussi bien portés. Des plumes insoupçonnées, des tempéraments d'écriture, en surgissent. Des gens dont on n'aurait jamais entendu parler sans ce formidable moyen d'expression. Non seulement le commentaire en émerge, dans toute sa palette, mais souvent, plus basiquement, l'information : oui, on apprend des choses en fréquentant ce monde. Par exemple, avec le chasseur d'images Haykel Ezzedine.

     

    Par sa diversité, sa réactivité, sa rapidité, son intervactivité, cet univers (j'évite le mot plateforme, qui fait prospection pétrolière) est devenu un exceptionnel vecteur de la liberté d'opinion à Genève. Il relègue, bien sûr, les courriers de lecteurs des journaux papier, où il faut des jours avant d'être publié, au paléolithique. Il défriche, précède, invente : c'est ce qui, dès le début de mon expérience, il y a quatre ans, m'avait attiré. Journaliste, j'aime innover, créer de nouvelles émissions, m'adapter aux nouveaux vecteurs que nous offre le génie de la science. Cette passion, je l'ai en commun avec Jean-François Mabut, infatigable tête chercheuse en l'espèce. Ainsi, ayant boudé Facebook les premières années, j'y ai trouvé tout récemment un terrain de dialectique, voire de duels, qui me semblent, dans leur concision et leur nécessité de densité, au service de la langue et du propos. Cette nuit encore, avec mon confrère Benoît Couchepin, fin fleuret, j'ai croisé le fer avec plaisir et, malgré l'antagonisme absolu de nos positions, un solide respect mutuel.

     

    Mais las ! L'onglet « blogs » a disparu, et les textes rédactionnels de ces centaines de personnes qui convergent sous cette appellation se trouvent désormais relégués avec l'immobilier et les décès. Aurait-on, en très haut lieu de la Tribune de Genève, délicatement, discrètement, signé l'arrêt de mort des blogs ? À quand le faire-part ? En page toute voisine : celle des décès.

     

    À la vérité, il y a conflit de générations et conflit d'intérêts. Celui de générations : tout plongé que je suis dans l'univers d'internet, je suis frappé par le nombre de gens (par exemple un ancien maire devenu conseiller national) ne faisant référence qu'à mes écrits sur papier. Ils considèrent encore, à tort, l'univers éditorial d'internet comme un joujou, un gadget. Conflit d'intérêts : et si les huiles de la Tribune de Genève, dépassées par le succès des blogs, leur liberté de ton incomparable avec le carcan de la Tribune papier (où, Dieu merci, émergent quelques esprits libres, comme Olivier Francey), entraient dans une période de repli protectionniste (oui, je sais, j'y suis favorable en politique, bonjour Philippe). Pédale douce sur les blogs, pour sauver le navire du papier. Amusante hypothèse, non ?

     

    Hypothèse, et singulière coïncidence : tout ce que la Tribune de Genève compte d'anciens rédacteurs en chef recyclés dans d'éminentes fonctions régulatrices ou moralisantes, débattait, juste avant Noël, au demeurant entre eux (c'est plus simple) de l'opportunité de mieux cadrer le monde des blogs. Incomparables dans la posture du Grand Prêtre, ils laissaient entendre que l'heure était grave, que des mesures allaient être prises. D'avance, on en tremble.

     

    Savent-ils, ces doctes gens, que la libre parole, l'alacrité d'une plume, la sonorité d'une syllabe, ne dépendront jamais des vecteurs ? La fonction critique - pas seulement celle du journaliste, celle de tous - viendra toujours se nicher là où on ne l'attend pas. C'est précisément sa fonction. Sa fragilité. Sa vertu. Et parfois, on l'espère, son utilité. Excellente Année 2012 à tous !

     

    Pascal Décaillet