Sur le vif - Jeudi 19.07.12 - 09.55h
Toute ma vie, je me suis battu pour le journalisme politique. Celui qui parle des affaires de la Cité, met en débat les énergies contradictoires, fait connaître au public les enjeux citoyens et les acteurs de la politique, décrypte leurs intentions, commente leurs décisions. Partout où je suis passé (Journal de Genève, Radio Suisse Romande, radios et TV privées), j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour qu'existent des pages, des émissions où l'on parle de politique. Ce combat, à l'intérieur des rédactions, n'est jamais gagné d'avance. Il est même le fruit d'un travail de persuasion qu'on peine à imaginer.
Pourquoi ? Parce que le politique, au sens large, disons l'intérêt pour les grandes aventures communes, les institutions, l'Histoire, les assurances sociales, les combats syndicaux, le choc des idées, n'est pas nécessairement l'obsession prioritaire des rédactions. Depuis un quart de siècle, le journalisme dit « de société » a gentiment phagocyté les paginations, pas toujours pour le meilleur. Ne parlons pas du « people », qui a transformé, ces dernières années, l'un de nos bons journaux populaires romands en une véritable machine à tout dire, à commencer par n'importe quoi, sur la vie privée des gens. Pour ma part, je ne supporte tout simplement pas cela.
Lancer une émission politique, dans un média, que ce soit Forum à la RSR ou « Genève à chaud », sur Léman Bleu, ou bien d'autres encore, nécessite d'abord de persuader ceux qui vous font confiance, parfois contre l'avis de nombreux pairs, qui maugréent en ruminant que « la politique, ça n'intéresse personne ». Le seul moyen de leur prouver le contraire, c'est évidemment de faire l'émission, et de se battre pour qu'elle réussisse. Affirmer que ce combat est mobilisateur de toutes les énergies, c'est peu dire, et sûrement pas assez par rapport à la réalité, qui est dévorante.
Mais enfin, les résultats sont là. Depuis qu'existe Forum (et le défi a été parfaitement poursuivi après mon départ), on n'a jamais autant parlé de politique, sur les ondes, en Suisse romande. Depuis qu'existe « Genève à chaud », on n'a jamais autant parlé de politique à Genève. On aime ou pas, certains détestent, d'autres adorent, mais les faits sont là : le champ du débat politique a été considérablement augmenté. La presse écrite, d'ailleurs, mise en concurrence par ce style d'émissions, a superbement réagi en lançant ses sites « online », attaquant de front l'audiovisuel sur sa vertu cardinale : la rapidité de l'information. Et cette concurrence, entre les rédactions, est formidablement stimulante.
Une chose encore : la part d'émission citoyennes, et de débats politiques, dans les TV privées (Léman Bleu, La Télé, Canal 9) par rapport aux mêmes segments du service dit public. Elle est infiniment supérieure ! Alors que la RSR diffuse Formule 1 et séries américaines, ainsi qu'un nombre incalculable d'émissions n'ayant strictement rien à voir avec le service public, ce sont les privés, paradoxalement, qui augmentent, d'année en année, le champ du débat citoyen. Et culturel. Et sportif, sur leurs zones de diffusions : regardez comme Léman Bleu, par exemple, donne la parole aux petits clubs locaux, aux acteurs sportifs d'ici. Des milliers d'entre eux y passent, chaque année. Idem sur La Télé. Idem sur Canal 9.
Toute ma vie, là où je serai, que ce soit sur le papier, dans les ondes radio ou TV, et de plus en plus sur internet, je continuerai de me battre pour la présence de la politique. Parce qu'elle me passionne depuis la campagne présidentielle de décembre 1965, parce que je ne remercierai jamais assez mes parents de m'avoir abonné au Nouvel Observateur dès l'âge de quinze ans, parce que je connais très bien la politique en Suisse, et ceux qui la font. Parce que j'aime ce pays, son Histoire, ses 26 Histoires cantonales, sa fragilité. Parce que je veux croire en l'action politique. En déceler, de la gauche à la droite, les jeunes talents. Toute ma vie, oui, comme journaliste, je conduirai ce combat.
Pascal Décaillet