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Sur le vif - Page 702

  • La terreur du convenable

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    Sur le vif - Mercredi 09.11.16 - 17.04h

     

    Ô Lumières, puisqu’il paraît qu’il faut vous invoquer, ne nous délivrez ni du mal, ni des ténèbres, ni de la tenace noirceur de nos âmes, ni de notre condition de mortel, tout cela hélas nous constitue : il nous faut faire avec.

     

    Mais peut-être pourriez-vous nous absoudre du plus pernicieux des écueils : la terreur du convenable. L’Histoire est pourtant tragique, ceux qui ont lu des livres le savent, elle est hantée par la mort, les batailles, le sang versé, le culte de la mémoire, le souvenir des ancêtres. Prenez la Grande Guerre : entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918, mille morts par jour, en moyenne, en France, pendant quatre ans et trois mois. Certains pics (la Marne, la Somme, Verdun, le Chemin des Dames), plus de 25'000 morts par jour. Lors des assauts les plus terribles.

     

    La terreur du convenable sévit principalement chez ceux dont le recul historique, la mise en perspective, la confrontation des sources, devraient amener à une considération lucide du réel : les journalistes. Par malheur, c’est à l’intérieur de ce métier (le mien, que je ne troquerais pour nul autre) que sévit, depuis quelques décennies, ce fléau dévastateur : refuser la dimension tragique de l’Histoire, ne plus étudier les guerres ni les traités, ne plus respecter la mémoire des sacrifiés. Parce que tout cela fait peur. Oui, la réalité du monde est effrayante, circulaire comme l’Enfer, sans issue, sauf à se projeter dans la transcendance, qui n’est pas ici le propos.

     

    Dans l’élection américaine, il fallait à tout prix que l’élue fût Mme Clinton. Non qu’on la trouvât particulièrement inspirée, mais enfin elle était femme, démocrate, bien élevée, parfaitement inscrite, depuis plus de trois décennies, dans l’Etiquette de la Carrière américaine : First Lady de l’Arkansas, First Lady tout court, puis Sénatrice, Secrétaire d’Etat. Le cursus parfait pour parvenir aux plus hautes fonctions. Après la Révolution de la Couleur (Obama, 2008), tout était prévu pour la Révolution du Genre. Les lendemains pouvaient enfin apprendre à chanter juste. En soprano.

     

    La terreur du convenable ne se contenta pas d’idéaliser la femme, puisqu’elle était femme, mais elle eut l’aubaine d’avoir, face à elle, la parfaite contre-figure, celle du malotru, rougeaud, rouquin, tiens « Emperruqué », pouvait-on lire encore hier, dans une chronique du Temps, rédigé par une femme. Vous imaginez une telle attaque sur le physique, dans le sens contraire ?

     

    La terreur du convenable, ici en Europe, notamment dans une presse de Suisse romande qui fut au-dessous de tout (RSR, le Temps, principalement), c’est encore, aussi loin que remontent mes souvenirs, d’idéaliser les Démocrates, vitupérer les Républicains, se pâmer devant le beau Kennedy, diaboliser le vilain Nixon, bref on pense, on respire, comme les deux grands journaux de la Côte-Est, l’un de New York, l’autre de Washington, porte-voix de la ploutocratie et du cosmopolitisme, et si souvent du bellicisme interventionniste.

     

    Eh bien, pour ma part, seul contre tous dans la presse romande, cette terreur du convenable, je l’ai refusée. J’ai été combattu par les partisans de la candidate démocrate, ce qui est bien normal, je ne leur en veux nullement : la guerre, c’est la guerre. Mais j’ai vu aussi des amis s’éloigner, et même l’une d’entre eux, qui m’est chère, me sommer de m’expliquer sur la singularité de ma position. Alors que les autres, en face, leur choix était considéré comme « normal ». Où est la démocratie ?

     

    Ce matin, peu avant neuf heures, j’ai regardé le discours de Donald Trump. Je suis tombé sur la tonalité d’un homme d’Etat. Calme, déterminé, rassembleur, rendant hommage au travail d’équipe, mentionnant nommément chacun de ses soutiens, pour les remercier. Nous n’étions peut-être pas à Brazzaville en 1944, ni à Bayeux en 1946, ni à Alger en 1958, mais enfin nous étions dans un discours de type présidentiel.

     

    La terreur du convenable, je vais vous dire comment elle va évoluer, ces prochains mois : peu à peu, les mêmes qui le conspuaient vont trouver au nouveau Président des qualités, peut-être. Et certains d’entre eux auront même le culot de nous déclarer : « Je l’avais bien dit, cet homme est convenable ». Ce jour-là, la terreur du convenable aura encore marqué des points. Dans une cible circulaire. Comme l'Enfer. Excellente soirée à tous.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le Temps, l'Emperruqué, le mot de Cambronne

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    Sur le vif - Mardi 08.11.16 - 13.56

     

    On en aurait voulu au Temps, totalement unilatéral contre Trump pendant toute la campagne, de ne pas nous gratifier d'un bouquet final dans le feu d'artifice qu'il nous propose depuis des mois. En cette journée d'attente du verdict, le Temps, Dieu merci, a pensé à nous, et ne nous laisse pas sur notre faim.

     

    Ainsi, coup sur coup, deux ultimes missiles contre le candidat républicain. Ici, il est traité "d'Emperruqué" (sic !) par une chroniqueuse de la convenance. Là, bien mieux, une revue de presse nous balance toutes les preuves glamour de l'excellence de la Présidence Obama. On y apprend que, si l'homme est grand, c'est d'avoir été félin, élégant, excellent danseur. Et son épouse aussi, Michelle, ah Micheeeelle ! La future présidente, pour huit ans, après les huit de Mme Clinton. Pour seize ans, on est tranquilles.

     

    En attendant la fusion du Temps avec Gala, puis "Points de vue et images du monde", nous voilà donc invités à juger la qualité d'un homme d’État, non à son legs, ni à sa trace dans l'Histoire, mais... à la grâce élancée de son corps. Où le félidé de race, le Guépard viscontien, allez disons Delon, au bal, face à Claudia Cardinale, aura quelque avantage sur le gros lourdaud, rouquin et vulgaire.

     

    Assurément, à cette aune-là, le pauvre Donald Trump, plus rustique dans l'ordre des apparences, sera moins chanceux dans la cotation.

     

    Nous sortons, Mesdames et Messieurs, de la campagne américaine la plus scandaleusement mal couverte en Suisse romande, depuis des décennies, peut-être depuis toujours.

     

    Il faudra s'en souvenir. Pas tellement contre le Temps, qui est un journal privé, et a bien le droit de défendre qui il veut. Mais face à ceux qui auraient, par hypothèse, commis un tel déséquilibre en provenant d'un "service public", audiovisuel par exemple, dont ils sont les premiers, à longueur d'années, à brandir à la fois le fleuron, l'exigence et l'exception.

     

    Quand on est de l'ultime carré dans la dernière bataille de la dernière des guerres, face à Blücher et Wellington, ne reste qu'un seul mot - ce sera le mien - pour conclure en demeurant debout : le mot de Cambronne.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • La rose, les épines, les mirages

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    Sur le vif - Lundi 07.11.16 - 12.38h

     

    Que les libéraux soient favorables à la libre circulation, cela se peut aisément concevoir : c'est le cœur de cible de leur engagement politique. Mais que des partis de gauche, en Suisse, par exemple un grand parti historique, comme le parti socialiste, puissent réaffirmer leur soutien à ce principe, il y a quelque chose qui m'échappe.

     

    Qu'ils fussent en accord avec l'ouverture des frontières il y a une quinzaine d'années, lorsque cela fut voté par le peuple, on peut le comprendre. Mais enfin, aujourd'hui, ils devraient quand même voir que leurs fameuses mesures d'accompagnement, notamment pour éviter la sous-enchère salariale, aucune d'entre elles n'a été mise en oeuvre. On commence seulement aujourd'hui à le faire, et encore, avec des moyens dérisoires.

     

    Alors non, décidément, je ne comprends pas qu'un parti comme le PS, plus que centenaire, gouvernemental depuis 1943, ayant donné de très grands hommes à notre pays (Tschudi, Chavanne, etc.), puisse ainsi s'accrocher à un dogme né de l'ultra-libéralisme de la seconde partie des années 1990. Et refusent de prendre en compte la souffrance de toute une série de Suisses, sur le marché du travail (ou celui, hélas, du chômage), en lien direct avec les flux migratoires. Notamment dans les cantons frontaliers, comme Genève ou le Tessin. Mais pas seulement.

     

    A noter qu'il y a vingt ans, justement, en plein délire de cette submersion ultra-libérale, où les marchés financiers étaient sanctifiés, le citoyen remplacé par le client, les nations, l'Histoire et les frontières méprisées, pour ma part, là où j'étais, je prenais la plume ou donnais de la voix pour dénoncer ces dérives.

     

    C'était l'époque où un certain Pierre-Yves Maillard, très seul dans son parti où régnait un parfum de blairisme, luttait contre la libéralisation du marché de l'électricité. Déjà à l'époque, j'étais 100% d'accord avec lui.

     

    La position des socialistes suisses sur la libre circulation est incompréhensible. Autant que celle des syndicats. Ont-ils encore vocation à défendre les travailleurs suisses ?

     

    Pascal Décaillet