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Sur le vif - Page 542

  • Pourquoi Macron a peur de la proportionnelle

     

    Sur le vif - Vendredi 21.12.18 - 10.56h

     

    Pourquoi Macron a-t-il si peur de la proportionnelle ? Pour une raison simple : au second tour de la présidentielle de 2017, il a certes gagné. Mais il n'était tout de même pas aveugle au point de ne pas voir l'explosion du nombre de voix - EN VALEUR ABSOLUE - de sa rivale.

     

    Les législatives, depuis l'erreur majeure qui s'appelle le quinquennat, n'ont plus aucun intérêt. Em associant le temps parlementaire au temps présidentiel (donc en supprimant le génial décalage 5 ans, 7 ans, qui précédait), on élit un Président, puis dans la foulée, on lui donne logiquement, six semaines plus tard, les moyens de son action. Le législatif n'est donc plus qu'une annexe de l’Élysée, une écurie du Château.

     

    Si vous ajoutez cela à la liquéfaction totale des partis traditionnels en ce printemps 2017, vous aboutissez à une situation unique. Elle a permis à Macron de créer, à son effigie, et même en reprenant ses initiales, un mouvement totalement artificiel, jouant sur les ambitions nationales de notables locaux, des Homais jaillis de leurs officines, des Rastignac aux dents étincelantes, en un mot l'actuelle bande de godillots, Maréchal Ferrand en tête, servant à l'Assemblée de vicaires législatifs à l’Élysée.

     

    Mais si Macron devait dissoudre... Alors là, même dans le système actuel, adieu les godillots ! Et si en plus, une nouvelle élection devait se produire à la proportionnelle, alors là, bonjour la France profonde, la France des colères, la France des jacqueries, la France des gilets jaunes.

     

    Dans cette hypothèse, une Assemblée enfin représentative permettrait assurément aux millions de voix ayant voté, au second tour de la présidentielle 2017, pour la rivale d'Emmanuel Macron, de faire leur grande entrée au Palais-Bourbon. Ou tout au moins leur grand retour, depuis 1956, l'année de la percée poujadiste.

     

    Tout cela, Macron le sait. On peut donc imaginer qu'il préférera créer un dérivatif du côté de la démocratie directe (quitte à le faire fort mal, précipitamment), plutôt que de réformer en profondeur un mode de scrutin qui lui a permis, en 2017, le parfait artifice de son avènement.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Un enfant capricieux de la modernité

     

    Sur le vif - Mercredi 19.12.18 - 07.05h

     

    En mars 1986, Mitterrand a dû cohabiter avec Chirac. En 1993, avec Balladur. En 1997, Chirac a dû cohabiter avec Jospin.

     

    Si Macron dissout l'Assemblée, la bande de godillots qui y siège, sous son label, depuis juin 2017, sera chassée. Il y aura une nouvelle majorité, dans laquelle Macron devra choisir le Premier ministre. Cohabitation, donc.

     

    S'il ne dissout pas, alors il ouvre, pour une période indéterminée, une page totalement nouvelle sous la Cinquième : un Président qui doit cohabiter avec... le peuple !

     

    Dans ce second cas, les corps intermédiaires volent en éclats. À commencer par l'Assemblée : les godillots de juin 2017 demeurent au Palais-Bourbon, mais n'ont définitivement plus aucun pouvoir. Ils regardent passer les missiles entre le peuple et le Prince. Pendant trois ans et demi !

     

    À titre personnel, cette situation très plébiscitaire ne me déplaira pas. Mais alors, à quoi bon Mirabeau, à quoi bon juin 1789, à quoi bon le Jeu de Paume, à quoi bon la volonté du peuple et la force des baïonnettes ?

     

    En mai 2017, les Français ont choisi Macron. Ils ont choisi d'envoyer au pouvoir suprême un ancien associé de la Banque Rothschild, un arrogant ultra-libéral, soutenu par la finance internationale et cosmopolite, totalement dépourvu de culture historique et politique. Un enfant capricieux de la modernité. Un Président à contresens, aveugle et sourd aux mouvements de libération des peuples en Europe, méprisant envers l'expérience italienne, accroché à la déclinante Mme Merkel, et aux douze étoiles en extinction de l'Union européenne.

     

    Ils ont aujourd'hui la rançon de leur erreur. "Cinq ans de répit pour l'Ancien Monde", écrivais-je, ici même, à la minute de l'élection, donc au second tour à 20h. Je n'imaginais pas que ce répit ne durerait que 18 mois.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Que l'esprit, Monsieur le Président, vous accompagne !

     

    Sur le vif - Mardi 18.12.18 - 15.56h

     

    Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,

     

    Le 16 juillet dernier, vous avez eu des mots, envers la Suisse, qui ont choqué une bonne partie de mes concitoyens. Vous n'étiez pas encore le quatrième personnage de l'Etat (vous l'êtes devenu le 12 septembre), mais enfin vous étiez député français, à la tribune de la Chambre, ce qui n'est pas rien.

     

    Vous vous en prenez au système suisse de démocratie directe, estimant que les thèmes de votations "sont souvent le fait de quelques cliques affairistes et de quelques lobbyistes".

     

    Ce que vous dites n'est pas entièrement faux : il peut exister un risque de dévoiement de nos droits populaires par les forces de l'Argent. Nous, les Suisses, viscéralement attachés à ces droits, sommes parfaitement conscients de cette possibilité de dérive : il n'est pas normal, par exemple, qu'un milliardaire puisse "s'acheter des voix", par clientélisme, dans les récoltes de signatures.

     

    Ce qui est dévastateur, Monsieur le Président, n'est pas la réserve que vous avez émise sur notre démocratie directe, mais c'est que vous la réduisiez à cela. Connaissez-vous le système suisse ? Avez-vous entendu parler de l'immense aventure de notre État fédéral, depuis 1848 ? Savez-vous comment a pu naître notre démocratie directe, le droit de référendum, mais aussi les initiatives depuis 1891, le triple échelon Commune, Canton, Confédération, la dialectique étincelante entre la voix du suffrage universel et notre démocratie représentative ? Tout cela crée, dans notre pays, une vitalité de l'expression politique, souvent par l'antagonisme, que beaucoup nous envient.

     

    Vous ne trouverez pas en moi, Monsieur le Président, un ennemi de la France. J'aime ce pays, j'en suis passionnément les joutes politiques depuis décembre 1965, un certain second tour dont les adversaires s'appelaient Charles de Gaulle et François Mitterrand. Vous reconnaîtrez qu'il y a pire, comme duo de finalistes, pour se mettre en appétit dans une carrière de commentateur politique. J'aime la France, j'en étudie l'Histoire depuis des décennies, et, si je suis un Suisse fondamentalement attaché à la démocratie directe de son pays, je me garderai bien de l'exporter vers la France : ce serait faire preuve du même paternalisme dont nous détestons les effets, en sens inverse.

     

    Sans doute pourtant, Monsieur le Président, avec une forme de démocratie directe (à inventer par la France, selon son génie propre), votre pays n'eût pas connu la crise des gilets jaunes. Car ce qui, chez vous, s'exprime, faute de mieux, par la vocifération de rue, se canalise en Suisse dans les voies du démos : nos droits populaires sont parfaitement constitutionnels, ils ne relèvent pas de l'anomalie, mais de la norme de notre fonctionnement. Maintes fois, ils servent de soupapes pour éviter l'explosion sociale. Il sont, à bien des égards, les garants de notre cohésion sociale.

     

    J'aime la France, j'aime la Suisse. Et puis, incidemment, j'aime aussi l'Allemagne. Je respecte vos institutions, votre Histoire m'habite, j'en connais tous les contours, notamment depuis ce jour de juin 1789 où un certain Mirabeau, évoquant à la fois la volonté du peuple et la force des baïonnettes, a posé la première pierre de l'institution remarquable que vous présidez aujourd'hui. Entre la France et la Suisse, entre vous et nous, il n'y pas de place pour l'insulte, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il n'y a de place que pour le respect mutuel, la connaissance partagée, la curiosité sans cesse renouvelée.

     

    Je vous adresse, Monsieur le Président, ainsi qu'à vous 576 collègues, mes meilleurs voeux pour les Fêtes de fin d'année. Que l'esprit, avec ou sans capitale, vous accompagne.

     

    Pascal Décaillet