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Sur le vif - Page 1144

  • Le Maire, la Régente, l’Ukase

     

    Sur le vif - Mardi 08.09.09 - 10.05h

     

    C’est un si beau nom, « Pravda », ça veut juste dire « vérité ». Celle qui vient d’en haut. Comme la flamme, sur le Chemin de Damas.

    C’est doute dans cet esprit apostolique que le maire de Genève, Rémy Pagani, et la conseillère administrative Sandrine Salerno ont adressé, le 4 septembre dernier, une toute belle lettre, digne des plus torrides échanges de Valmont et Merteuil, à l’ensemble des fonctionnaires de la Ville. Pour leur dire, très amicalement, qu’ils doivent voter non aux baisses d’impôts soumises à votation cantonale le 27 septembre. Lettre que j’ai eue sous les yeux cette nuit, et qui m’a fait voir cent mille étoiles.

    Une lettre de l’employeur à l’employé. Celui qui vous paye. Celui qui juge et évalue votre travail. Celui qui peut vous virer. Celui qui doit veiller à la protection de votre personnalité. Une lettre, pour dire, dans la fonction la plus césarienne du mode impératif, « Votez non ! » (en exergue), puis « Votez et faites voter non ! », dans une conclusion au demeurant dépourvue de toute formule de politesse.

    Voilà au moins qui est clair. Et qui rappelle l’époque des régimes paternalistes, ou corporatistes, fort prisés dans le monde méditerranéen, péninsulaire ou lusitanien, autour des années trente. L’employeur te couve, il te choie, il te dorlote. En échange, juste un minime détail : tu votes juste.

    Ah, les braves gens ! Bonheur du cocon. Ne pas avoir à se casser la tête pour savoir comment répondre, de façon citoyenne, à un scrutin. Non. Juste appliquer les consignes du Maire et de la Régente.

    Elle est pas belle, la vie ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Martine, Valence, la guillotine

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    « Qu’on mette en place la procédure ! Qu’on les poursuive ! Qu’on les taxe ! Qu’on leur fasse payer des pénalités ! Et puis, qu’on saisisse les tribunaux ! ».

    Elle en a du talent,  Martine Aubry, dans le registre injonctif, façon Fouquier-Tinville, non ? Elle est pas belle, la rhétorique, quand elle va puiser ses ferments dans la justice de classe, la haine revancharde du salaud de riche. Aux doigts crochus, pendant qu’on y est, ça en rajouterait dans la saveur de l’évocation.

    Vous savez à quoi elle me fait penser, cette succession d’impératifs saccadée, anti-ploutocrates ? Au Congrès de Valence, 23 au 25 octobre 1981. Le régime Mitterrand-Mauroy au bout de son état de grâce, les capitaux qui s’évadent de toutes parts, et Quilès, le Robespierre aux yeux de feu, qui réclame « des têtes ». Des têtes, et encore des têtes. Je venais d’avoir 23 ans. Badinter, quinze jours plus tôt, venait de faire abolir la peine de mort, ce qui était pour moi une immense nouvelle. Et, là, tout à coup, « des têtes, encore des têtes ».

    Oui, ce jour-là, nous étions quelques-uns, pourtant loin d’être hostiles à François Mitterrand (nous ne goûtions guère l'orléanisme de Giscard), à avoir un peu frémi.

    C’était Valence, octobre 1981. Vous vous souvenez, Martine ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Laissons dormir Pol Pot, Monsieur Halpérin…

     

    Vendredi 28.08.09 - 18.55h


    Ancien bâtonnier, voix sombre et profonde, rhétorique exemplaire, homme de culture, Michel Halpérin impressionne. En donnant pas mal de son temps d’avocat de renom à la politique, l’homme a réussi – pour un temps – le bel exploit de remettre un peu de calme dans un parti dévasté par deux présidences à côté desquelles le Chaos originel fait figure d’ordre cosmique. Hommage lui en soit rendu.

    La fin de la récréation sifflée, on pourrait même imaginer les libéraux genevois sur orbite, voire en voie lactée vers le zénith, puisqu’ils offrent à la Suisse, et jusqu’aux ultimes vallées rhétiques, le spectacle de deux candidats au Conseil fédéral. Ils auraient même, paraît-il, deux candidats au Conseil d’Etat, mais l’information reste à vérifier. Bref, le bonheur. A deux doigts du pré.

    Dans un tel état d’Irénée, était-il vraiment nécessaire, Monsieur le Bâtonnier-Président-Humaniste-Rhétoricien, de nous sortir le coup de Pol Pot ? Pensez-vous vraiment que l’alliance des socialistes et des Verts, à Genève, avec le Parti du Travail de Jean-Luc Ardite et Solidarités de Pierre Vaneck, mérite référence à l’un deux ou trois pires régimes du vingtième siècle ? Ce que vous venez de faire dans un communiqué, où vous n’omettez pas, dans un souci d’exhaustivité qui vous honore, de mentionner la Chine de Mao et la Russie des Soviets.

    Cette référence, Cher Maître, ne constitue-t-elle pas, en symétrie, une exagération aussi manifeste que l’évocation de chemises brunes ou noires, des ultimes soubresauts de la République de Weimar, de Thomas Mann, Visconti ou des Damnés, chaque fois qu’on parle de l’UDC ? Que les alliances du groupe adverse commencent à faire peur dès le moment qu’elles s’étendent, cela se peut concevoir. Mais faut-il à tout prix les diaboliser ?

    Surtout, cela est révélateur d’une grande nervosité, dans vos rangs, en cette deuxième partie d’été. Evocation hypertrophiée du thème sécuritaire, quitte à faire passer Genève pour une sorte de Bronx-sur-Léman. Radicalisation d’un discours qu’on avait connu, dans votre auguste voix, plus riche de nuances. Que se passe-t-il ? Viendriez-vous, peut-être, sourdement, à couver quelque doute sur la magie triomphatrice de votre double ticket pour le Conseil d’Etat ? Auriez-vous un maillon faible ? Deux maillons ? L’ensemble du maillage donnerait-il des signes de délitement ? Rêvez-vous de ponts qui s’écroulent, de mondes qui se terminent ?

    Une campagne politique est toujours un moment d’ivresse et de magie, avec des masques qui tombent, et la vérité des fureurs. C’est bien ainsi. Mais laissons juste dormir Pol Pot. La qualité habituelle de votre discours n’a pas besoin de lui pour s’imposer.

     

    Pascal Décaillet