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Sur le vif - Page 1144

  • De la Kabylie à Ravensbrück, une très grande dame

    Et maintenant, Germaine Tillion ! Deux jours après Aimé Césaire, l’une des plus éclatantes figures de l’intelligence humaine et de la lutte contre le colonialisme, nous quitte. Elle avait 101 ans. Elle avait traversé le siècle avec la passion de comprendre, de transmettre, de rassembler les hommes. L’avoir interviewée, à plusieurs reprises, est l’un des plus grands honneurs de ma vie de journaliste.

     

    Jeune ethnologue, elle décide, dans les années trente, d’aller vivre au milieu des Berbères, dont elle deviendra une spécialiste. Résistante, chef du Réseau du Musée de l’Homme, elle connaît la déportation, et Ravensbrück. A ses compagnes de détention, elle enseigne la grammaire kabyle.

     

    Elle écrira, plus tard, sur l’univers concentrationnaire. Après la guerre, un autre combat l’attendra : la lutte contre la torture en Algérie. Et tant d’autres luttes, aussi, où elle se jette, infatigable. Il y a peu de temps encore, elle répondait au téléphone d'une voix douce, acceptait toujours de parler, disait ses vérités.

     

    Lundi, j’appellerai Jean Lacouture, dans son Vaucluse, et lui demanderai de témoigner sur Germaine Tillion, lui qui en a écrit une si belle biographie : « Le Témoignage est un combat, Seuil, 2001 ». Ce soir, en apprenant le départ de cette si vieille et si grande dame, je pense à une autre déportée de Ravensbrück, Geneviève de Gaulle. Et à toutes ces populations du Maghreb, aussi, qu’elles a tant aimées et tant respectées. C'est une figure majeure, ce soir, qui nous quitte.

     

     

  • Les visionnaires à la canne blanche



    Sur le vif, dimanche 13.04.08 – 22.35h



    Et maintenant, Nidwald ! Au surlendemain de la Schlumpfmania qui a déferlé sur Berne, voici encore un scrutin cantonal, depuis le 12 décembre, qui tourne en faveur de l’UDC. Après Schwyz, Saint-Gall et Thurgovie. Là, ça n’est pas la foule, ça n’est pas l’opinion ; c’est le peuple qui tranche dans les urnes : le démos.

    Le plus fou : à peine ce nouveau succès est-il connu, que deux éminents observateurs, s’exprimant ce dimanche soir dans l’émission Forums, continuent de s’enferrer dans le déni : le peuple est dupé, le peuple vote mal, le peuple vote faux, le peuple n’a rien compris.

    Ces deux scrutateurs oraculaires, delphiens comme un vol d’oiseau, sont le vice-président du PDC suisse, Dominique de Buman, et mon confrère le rédacteur en chef de l’Hebdo, Alain Jeannet.

    Ce dernier, alors qu’on lui parle résultat démocratique sorti des urnes, répond sondages. On lui parle d’un message, sonnant et trébuchant, que vient de délivrer, dans un canton, le souverain, et il répond mouvements d’opinions. Singulière conception de la démocratie !

    Quant à l’ancien syndic de Fribourg, il réussit le tour de force de nous expliquer que cette victoire est une défaite, que le sommet de la vague est atteint, que l’heure du déclin a sonné. Il est des heures, comme cela, où l’on peut sérieusement se demander si la fermentation de la casuistique est encore soluble dans les eaux de la raison.

    Mieux inspiré, Pascal Couchepin, dans la presse alémanique, constate la lame du fond d’une révolution conservatrice. Et si c’était cela qui était en train d’atteindre la Suisse ? Un mouvement tellurique, bien plus important que la question Blocher / Widmer-Schlumpf. Mais cela, nul, pour l’heure, en Suisse romande, ne veut le voir. Du déni au délire, il pourrait bien n'y avoir que la translucide longueur d’une canne blanche.

  • Carla et la raison d'Etat



    Donc, le très doux Hashim Thaci, actuellement Premier ministre du Kosovo, naguère chef de guerre de la très douce UCK, l’Armée de libération nationale, aurait, en 1999, fait déporter 300 Serbes vers l’Albanie, aurait fait prélever sur eux des organes, qu’il aurait vendus à des trafiquants internationaux. Cet épisode, gravissime s’il s’est bien produit, c’est Carla del Ponte qui l’avance. Une femme que nul, ici bas, ne pourra suspecter, vous en conviendrez, de serbophilie aiguë.

    L’important, dans cette affaire, n’est pas le devoir de réserve, par rapport à son Département, de celle qui est aujourd’hui ambassadrice de Suisse en Argentine. Ne vouloir, comme beaucoup le font ce matin, présenter le problème que sous cet angle organique, c’est épouser la vision du DFAE. Et c’est, surtout, faire bien peu de cas du fond du problème, s’il se vérifie.

    La question est : Hashim Thaci, aujourd’hui l’homme fort de Pristina, auprès de qui une bonne partie de l’Europe fait des courbettes, a-t-il, oui ou non, en 1999, commis cet acte ? Faut-il rappeler les yeux de Chimène, à l’époque, de nombre de journalistes romands, au nom d’un romantisme christo-guevaresque, pour l’UCK ? Ces horreurs de la guerre, qu’on a tant condamnées chez les Serbes, faudrait-il, les yeux mi-clos, feindre de les ignorer, dans l’autre camp ?

    Reste la question de la soudaine sévérité du DFAE face à la promotion du livre par Carla del Ponte. Que de doctes leçons, ce matin, sur les ondes et dans les journaux, pour saluer l’application ferme de la ligne par Berne ! Que cet index soit pointé, précisément, par un Département en pleine histoire d’amour avec Pristina (où Madame Calmy-Rey, parmi les premières, vient se de rendre, et de rencontrer Hashim Thaci), ne semble pas exagérément exciter les esprits. Point n’est besoin, pourtant, d’avoir lu Machiavel ni le saisissant « Bréviaire des politiciens » de Mazarin, pour savoir qu’il existe, en politique, des vérités bonnes à taire. Cela porte un nom : cela s’appelle la raison d’Etat.