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Sur le vif - Page 1112

  • Doris, Vancouver et le son du silence

     

    Sur le vif - Dimanche 07.02.10 - 16.20h

     

    Présidente de la Confédération suisse, la conseillère fédérale Doris Leuthard passera quatre jours aux Jeux olympiques de Vancouver, cette ville magique dont Véronique Samson, dans l’une de ses plus belles chansons, nous dit qu’on n’y voit jamais le matin.

    On en est très heureux pour la Présidente. On ne doute pas une seconde du précieux réconfort de sa présence pour nos athlètes sur place. On n’a rien contre le principe. Mais là, comme dirait Didier Cuche, on a envie de crier : « Pouce ! ». Nous vous aimons bien, Madame Leuthard, mais nous ne sommes pas sûrs qu’au plus fort de la guerre économique que nous mènent nos chers voisins et amis, quatre jours de Colombie britannique constituent, en termes de communication, le meilleur des signaux.

    Oh certes, cette absence ne changera pas la face du monde, ni ne dégarnira le front de manière fatale. Mais le signal ! Notre Suisse, attaquée de toutes parts, n’a pas de gouvernement, tout le monde en convient : juste sept chefs sectoriels juxtaposés. Cette faiblesse de structure, précisément, prévue pour le calme plat, montre ses limites lorsque souffle la tempête. Pas de gouvernement, pas de cohérence, pas de force de frappe, pas de cabinet de guerre, pas d’unité de parole, sept langues, sept discours, et parmi eux combien de dérapages. Une imprudence de Micheline Calmy-Rey. Les gaffes répétées de M. Merz. Des conditions de crédibilité très difficiles pour le Conseil fédéral.

    Des conditions, désolé de casser la fête, qui ne rendent pas très opportun un déplacement présidentiel de quatre jours dans les embruns du Pacifique canadien. « Le son du silence, il faut l’avoir connu », chante Véronique Sanson dans « Vancouver ». On ne saurait résumer mieux la situation.

     

    Pascal Décaillet

     

  • M. Merz ne pourra plus se maintenir longtemps

     

    Sur le vif - Samedi 06.02.10 - 18.50h

     

    Jusqu’il y a un an – jusqu’à son année présidentielle – Hans-Rudolf Merz était le conseiller fédéral que j’admirais le plus. Excellent ministre des Finances, lucide et déterminé dans sa lutte contre l’endettement, homme de culture, parfait polyglotte, l’Appenzellois m’apparaissait comme une synthèse des qualités des Suisses : travailleur, pragmatique, allant son chemin contre vents et marées, sans trop se soucier de ce qu’on disait de lui.

     

    Hélas, il y eut 2009. Pour mille raisons, l’homme se révéla beaucoup moins bon comme fédérateur d’un collège que comme ministre sectoriel. Il est vrai, aussi, qu’il ne fut pas épargné par la Providence. Il n’est pas question de faire ici le procès de cet homme de valeur qui, face aux circonstances, a manqué de chance. D’autres, dans les années calmes, bien moins compétents que lui, sont passés entre les gouttes. Parce que la Suisse de ces temps-là était une Suisse sans enjeux. Parce que l’argent coulait à flots. Parce que Paris, Berlin (ou plutôt Bonn), Rome, Bruxelles et Washington, tout heureux de profiter de nos avantages, nous foutaient la paix. C’était le temps où on ne connaissait même pas, dans la rue, les noms des conseillers fédéraux. Ce temps-là, je ne le regrette pas une seconde : je préfère mille fois la douleur d’aujourd’hui, dans sa vérité et sa mise à plat des enjeux de pouvoir, à l’anesthésie béate de cette période.

     

    Homme de valeur, oui. Manque de chance, oui. Mais aussi, à entendre des langues qui se délient, en coulisses, jusqu’à l’intérieur de sa famille politique, un profil qui n’est pas celui d’un chef. Et, dans la parole publique en temps de guerre économique (oh oui, c’en est une), des glissements aussi ahurissants que coupables : à cet égard, le patron d’economiesuisse, son camarade de parti Gerold Bührer (ancien président du parti radical suisse) a raison de condamner aujourd’hui, sur la radio DRS, l’allusion de M. Merz, mercredi dernier, à l’échange automatique d’informations. Imagine-t-on un général faisant savoir à l’ennemi qu’il est prêt à abandonner telle part de terrain ? C’est tout bonnement suicidaire.

     

    Quand on ajoute cette gaffe à toutes les autres, en particulier dans l’affaire libyenne, on se dit que ça commence à faire beaucoup. Et franchement trop. Et ce murmure, grandissant, provient, de plus en plus, de son propre camp. Ce sont là les premiers signes d’un procédé de lâchage. Il est donc fort probable, au soir de ce samedi 6 février 2010, que Monsieur Merz ne puisse sans doute pas accomplir son mandat jusqu’au terme de législature, soit l’automne 2011. En clair, son départ devient, pour le pays, une option plus souhaitable que celle de son maintien.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Des méthodes d’Etats voyous

     

    Paris et Berlin se seraient-ils donné le mot pour faire exploser l’UDC, en octobre 2011, bien au-delà de la barre des 30% ? Ces deux capitales seraient payées directement par Christoph Blocher, elles ne s’y prendraient pas autrement. L’insupportable arrogance avec laquelle nos deux grands voisins (et, jusqu’à nouvel ordre, amis, mais ça ne se voit pas beaucoup, ces temps) traitent notre petit pays, dans l’affaire dite des données volées, a pour résultat immédiat, dans la majeure partie de la population, de développer le vieux réflexe de cohésion nationale face aux grands ensembles qui entourent la Suisse. Même ceux qui ne sont pas d’ardents défenseurs du secret bancaire en viennent, par lassitude, à en avoir assez des pressions et des tonalités suzeraines de la France et de l’Allemagne.

     

    Les Suisses, dans leur grande majorité, ne sont pas des idiots. Ni des naïfs. Ni des idéalistes. Enfants d’un petit pays, sans grandes ressources naturelles, ne devant sa prospérité qu’à la seconde moitié du vingtième siècle, ils savent d’instinct ce que sont les rapports de force, les vrais raisons derrière les paravents de la morale : ils ne sont pas dupes. Ils savent, les Suisses, à quel point les fiscalités de la France et de l’Allemagne sont confiscatoires, à quel point les collectivités publiques de ces deux pays sont gourmandes, les Etats dépensiers, sous prétexte ici de jacobinisme, là d’héritage bismarckien, en effet fondateur des assurances sociales en Europe, à la fin du dix-neuvième siècle. Ils savent, les Suisses, que la France et l’Allemagne sont aujourd’hui des géants endettés, aux abois, donc prêts à aller chasser l’argent là où il est, à n’importe quel prix. Là sont les vraies raisons, elles n’ont rien à voir avec la morale.

     

    Payer officiellement des informateurs, c’est une méthode d’Etat voyou, il n’y a pas d’autre mot. Dans ces conditions, le président du PDC suisse, Christophe Darbellay, a raison d’exiger le gel des discussions sur l’accord de double imposition avec l’Allemagne, tant que la question n’est pas réglée. La Suisse n’a aucune raison de se laisser impressionner par ces deux chers voisins, dix fois plus grands qu’elle, dix fois plus puissants, mais dont les systèmes fiscaux, la gestion de la dette publique, sont tout simplement moins bons. Nous sommes dans un état de concurrence aiguë, il faut savoir serrer les coudes, dissocier l’intimidation de la morale. Bref, garder son sang-froid. Comme notre pays, finalement et malgré les sarcasmes, a toujours très bien su le faire lorsque sont survenues, par le passé, des crises majeures.

     

    Pascal Décaillet