Sur le vif - Lundi 20.11.23 - 16.27h
Il fut un temps, dans ma jeunesse, où la Suisse avait une politique arabe. Je pense notamment aux années où le Neuchâtelois Pierre Aubert était aux Affaires étrangères, avec comme Secrétaire d'Etat le brillant Édouard Brunner, que j'ai eu maintes fois l'occasion d'interviewer. Mais déjà sous Max Petitpierre, entre 1945 et 1960, la Suisse avait sens aigu, avisé, des bons offices, alors que sévissaient les guerres coloniales. Celle d'Algérie, notamment.
Cette époque-là, avec Ignazio Cassis, est révolue. La Suisse est amie d'Israël, je m'en félicite. Mais combien de liens, officiels ou informels, avec le monde arabe se sont distendus depuis des années ! Lorsque j'étais à Ramallah, il y a dix-neuf ans, en novembre 2004, pour couvrir en direct, au milieu d'une foule immense, les funérailles de Yasser Arafat, présentant un Forum spécial à vif sur l'événement, la présence suisse dans les Territoires était sensible, palpable. Nous étions bien accueillis, par tous les partenaires : Israéliens, Palestiniens de toutes tendances. Aujourd'hui, que reste-t-il de ces liens ?
On dirait que M. Cassis ne s'intéresse pas au monde arabe, dans son infinie complexité. Il pourrait, tout au moins, encourager chez ses diplomates les voies de la connaissance. Ca passe par les langues orientales, par une immersion dans l'Histoire et dans la culture de tous ces peuples. Idem pour l'Islam. Quand je vois certains esprits prétendument "éclairés", chez nous, mettre dans le même panier, à la Zemmour, Islam et islamisme politique, voire guerrier, je mesure le chemin à parcourir.
M. Cassis, vous laissez s'évanouir les voies de la connaissance. Votre obédience au camp "occidental" (pour ma part, je n'utilise jamais ce mot), à l'atlantisme, aux Etats-Unis d'Amérique, toutes ces génuflexions devant les puissants ne sont pas à la hauteur de la politique étrangère suisse. Celle-ci doit être neutre, c'est sûr. Mais la neutralité n'est pas l'ignorance. Au contraire, elle doit se nourrir de toutes les langues du monde, toutes les civilisations, sans en mépriser aucune.
M. Cassis, je n'ai strictement rien contre vous. Mais vous serviriez peut-être mieux la Suisse dans un autre Département.
Pascal Décaillet