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  • L'industrie, le latin d'église, le cambouis

     
    Sur le vif - Samedi 09.09.23 - 13.05h
     
     
     
    Les snobinards de cocktails qui ont laissé la Suisse, et notamment Geneve, se désindustrialiser, portent une écrasante responsabilité devant l’Histoire.
     
    D’abord, leur vocabulaire : « start-ups, cleantechs, biotechs », nous faire miroiter un monde plus doux, « sciences de la vie », parce que l’industrie, oui, c’est salissant, ça suinte le cambouis, le mazout, le charbon.
     
    Leurs mots à eux sont toujours en anglais. Histoire que le pekin moyen, ici bas, s’extasie sans vraiment comprendre : le latin d’église, la magie en moins. Dies irae !
     
    Tout pays qui se veut souverain doit maîtriser les pôles essentiels de sa production. Importer, c’est dépendre.
     
    Regardez l’Allemagne, dont j’étudie l’Histoire industrielle (en me rendant sur place !) depuis des décennies : elle a, Dieu merci, conservé son incomparable puissance de production, mais elle se mord les doigts de sa dépendance en pièces détachées, pièces de rechange, composants de base. Et elle veut réintroduire ce qui fut, depuis Frédéric II de Prusse jusqu’à Schroeder, son fleuron : le charbon.
     
    Les plus beaux souvenirs de ma jeunesse, au même titre que des mosquées, des églises, des temples antiques, les musées de Rome et ceux des Allemagnes, oui mes plus grandes émotions, ce furent les visites d’usine. En Allemagne, principalement.
     
    Ça peut vous surprendre, mais je suis aussi habité par la passion dans une friche industrielle en Prusse, en Saxe ou en Thuringe, que dans un musée étrusque en Toscane. Il y a quelque chose de puissant, qui me parle, comme dans une chapelle cistercienne.
     
    À Genève et dans toute la Suisse, nous devons réinventer une ambition industrielle. La métallurgie n’est pas morte. Elle est juste délocalisée. Nous avons su garder l’horlogerie : rapatrions d’urgence l’industrie !
     
     
    Pascal Décaillet

  • Un ministre, ça réussit ou ça s'en va !

     
     
    Sur le vif - Vendredi 08.09.23 - 12.08h
     
     
    Le ministre suisse de la Santé n'a pas à regretter, comme il le fait dans le Tages Anzeiger, l'explosion des primes. Ni à en reporter la responsabilité sur d'autres.
     
    Le patron, c'est lui. Réformer le système, c'est son job, à lui. Convaincre les multiples acteurs, c'est lui.
     
    Un ministre ne se plaint pas. Il ne commente pas. Il réussit, ou il échoue. Dans le deuxième cas, il doit partir.
     
    Il part, justement. Mais sans invoquer son échec dans la gestion des coûts et des primes. Et nous, les Suisses, nous sommes beaucoup trop gentils, tous échelons confondus, avec les élus qui échouent. Une certaine presse leur cherche noise sur des affaires de vie privée, sans le moindre intérêt pour le bien public, mais jamais sur leur bilan.
     
    Ruth Dreifuss : échec.
    Pascal Couchepin : échec.
    Didier Burkhalter : échec.
    Alain Berset : échec.
     
    La LAMAL est vermoulue, de l'intérieur. Face à ce constat, il faut arrêter d'articuler des réformettes. Et oser un changement de matrice. Retrouver le courage visionnaire des pères fondateurs de l'AVS, en 1947.
     
    C'est valable pour les retraites, Et aussi pour notre système de santé, qui doit être revu de fond en comble. Avec la clarté d'une vision. La grandeur d'un dessein. L'audace d'une nouvelle donne. Et surtout, après trois décennies d'errance libérale, le grand retour de l'Etat.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'anti-wokisme

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.09.23

     

    A quoi sert l’enseignement de l’Histoire, sinon à développer la curiosité, le sens critique, le travail sur les sources, pour parvenir, après des milliers d’heures passées sur une période donnée, à en restituer, dans son cerveau, la complexité, les lignes d’antagonisme, la cohérence ?

     

    Cette démarche, c’est l’anti-wokisme. Parce qu’elle n’est ni morale, ni judiciaire. Lire les textes, c’est entrer en immersion. Comment voulez-vous, par exemple, accéder à un minimum de lucidité sur la Guerre d’Algérie (1954-1962), sans vous plonger dans toutes les perspectives ? Celle des Pieds-Noirs, celle des indépendantistes, celle du FLN, celle de ses concurrents (car les factions rivales étaient nombreuses), etc.

     

    Idem pour toutes les époques conflictuelles. Prendre connaissance d’une cause, ça n’est pas l’embrasser, loin de là. C’est, simplement, tenter de saisir sa logique. Et il faut les appréhender toutes, y compris celles que la postérité (entendez : l’Histoire écrite par les vainqueurs) a ostracisées. Cela, jamais un moraliste n’y parviendra. La démarche historique exige froideur, analyse, sens de la polyphonie. Elle exige le temps de lire, de se pénétrer des archives et des témoignages.

     

    La démarche historique est l’opposé diamétral des gémonies wokistes. Elle ne cherche pas à faire triompher une morale. Mais à établir ce qui fut, dans toute sa complexité.

     

    Pascal Décaillet