Sur le vif - Lundi 07.11.22 - 15.34h
Soyons clairs. Il y a déjà deux Romands et un Tessinois au Conseil fédéral, soit trois "Latins". Dans ces conditions, à moins de ne rien connaître aux équilibres suisses depuis 1848, il n'est pas question d'envisager l'élection d'un quatrième "Latin" au Conseil fédéral, le 7 décembre.
Nos compatriotes alémaniques constituent, en population et en nombre de Cantons, l'écrasante majorité de notre pays. Il doivent avoir quatre d'entre eux au Conseil fédéral. Parfois cinq, parfois quatre. Mais seulement trois, désolé, ça ne va pas. La majorité doit respecter les minorités, mais n'a pas à s'écraser elle-même jusqu'à devenir minoritaire.
J'ajoute un élément, capital, et c'est peut-être en moi le germanophone, tellement tourné vers la langue et la culture germaniques, qui le dit. Bien sûr que la Suisse romande, la Suisse italienne, la Suisse romanche, doivent avoir leur juste représentation. Mais enfin, à mes yeux, et même si j'ai fréquenté de près de nombreux conseillers fédéraux romands, dont deux radicaux, et l'un d'entre eux dont je me suis senti très proche (Jean-Pascal Delamuraz), cette affaire de "représentation" linguistique n'est pas d'importance première.
La Suisse n'est pas un concours d'ethnies rivales dont les champions devraient arborer leurs couleurs locales, comme des bannières de tournoi, au gouvernement fédéral. Non. La Suisse est plus et mieux que cela. Elle est un pays à la fois divers (26 Cantons) et uni, par le miracle de son Pacte fédéral. Siéger au Conseil fédéral, ça n'est pas "représenter" son Canton d'origine. Non, c'est incarner le septième du pouvoir exécutif de toute la Suisse, indivisible.
Je suis Genevois, d'origine valaisanne, ou Valaisan de Genève, comme on voudra. J'aime profondément ces deux Cantons. Je suis certes heureux qu'ils aient pu être "représentés" au Conseil fédéral. Mais je n'en fais aucunement une affaire primordiale. Dans le Bâlois Hans-Peter Tschudi, dans le Saint-Gallois Kurt Furgler, dans le Vaudois Jean-Pascal Delamuraz, je me suis senti tout aussi "représenté" (au fond, je déteste ce mot !) que par telle conseillère fédérale genevoise, pour prendre un exemple dans la pureté boréale du hasard.
Nous tous, Suisses, envoyons à Berne ce que nous avons de meilleur. Mais sachons reconnaître aux autres, oui à ces Confédérés parfois lointains, méconnus, le droit et la pertinence à nous "représenter", Suisses parmi d'autres Suisses. Au-delà des ethnies. Dans l'amour partagé du pays tout entier.
Pascal Décaillet