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  • Les primes s'envolent ! Et personne ne bronche ?

     
    Sur le vif - Dimanche 07.02.21 - 14.24h
     
     
     
    Et les primes qui vont encore augmenter drastiquement, cet automne, pour 2022 ! Et les Suisse qui découvrent cela, en lisant la Sonntagszeitung, ce matin ! Et le gentil M. Berset qui continue de promener, dans tout le pays, un visage de père tranquille de la nation. Et ses homologues, ministres de la Santé, dans les cantons, omniprésents dans les "points presse" (quel odieux anglicisme !), avec leurs grands airs d'experts !
     
    Mais où est passé, dans le public, le sens le plus élémentaire de la responsabilité qu'implique un engagement dans un exécutif ? Ce pacte avec le peuple, cette parole donnée, et respectée, qui, en sept mois (18 juin 1954 - 7 février 1955), avaient fait de Pierre Mendès France le seul véritable homme d'Etat de la Quatrième République ?
     
    D'où vient cette gentillesse des Suisses, qui confine franchement à l'obédience aveugle, face à leurs "autorités" ? Mais enfin, personne n'est obligé de devenir Conseiller fédéral, ni Conseiller d'Etat ! Ceux qui occupent ces postes l'ont voulu, ils ont tout fait pour y parvenir, ils ont écrasé des concurrents, ils règnent en plaçant leurs hommes, ils bétonnent leur place au pouvoir. Et il faudrait, Dieu sait pourquoi, les ménager ! Se prosterner. Leur faire confiance à tout prix : "Leurs journées sont longues, les pauvres, ils n'ont pas la vie facile !".
     
    Nous devons rétablir, pour les ministres, cantonaux ou fédéraux, le principe élémentaire de responsabilité. Ils s'engagent sur des projets. Ils réussissent, ou ils échouent. Dans le second cas, il doivent tout simplement partir. Sans haine de la part du peuple. Sans jugement de valeur sur leur personne. Sans les écarter du corps social. Mais simplement parce que, dans le principe de responsabilité, comme un général dans une bataille, ils n'ont pas réussi.
     
    Si les Suisses laissent passer benoîtement cette annonce sur la hausse des primes cet automne, sans songer à appliquer à personne le principe de responsabilité, alors tant pis pour eux. Il n'est pire soumis que celui qui s'en accommode.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Le droit de vote appartient aux nationaux

     
    Sur le vif - Dimanche 07.02.21 - 01.38h
     
     
    Le droit de vote doit appartenir aux nationaux, et à eux-seuls. Aux membres de la communauté nationale, avec ses droits et ses devoirs. À ceux qui ont servi, et servent encore, cette communauté.
     
    Les nations, les frontières, la préférence aux nationaux, tout cela a un sens. Fruit d'une Histoire, d'une mémoire, d'un rapport au passé, à la durée, à la continuité. Souffrances communes, cicatrices communes, valeurs communes, c'est cela qui crée le sentiment d'appartenance.
     
    En allemand, cette émotion partagée porte un très beau nom, sur lequel, comme vous savez, j'ai beaucoup travaillé : cela s'appelle Gemeinschaft. Il y eut un moment, à partir des années 1770, où les Allemagnes prirent congé de l'Aufklärung, ces Lumières blafardes d'abstraction universelle, pour se plonger à corps perdu dans les retrouvailles avec leur langue, la richesses de leurs mots, de leurs dialectes, de leurs récits : ce fut le Sturm und Drang, puis le Romantisme. Ce fut le travail exceptionnel des Frères Grimm sur le trésor lexical de la langue allemande. Ce sont ces valeurs, ces démarches, qui constituent la Gemeinschaft. Et qui jettent les bases d'une nation. Nous sommes au cœur du sujet.
     
    Ceux qui veulent donner le droit de vote à toute la population, juste parce qu'elle est là, obtiendront exactement le contraire de leurs desseins. Ils feront monter, du cœur blessé des patriotes, la rage légitime de se voir dépossédés, au profit d'un maelström indifférencié, de l'acte majeur de leur qualité citoyenne : pouvoir décider du destin national. Cette différence est leur fierté, ne jouons pas avec cela.
     
    L'humanité n'est absolument pas universelle, du moins dans l'ordre politique. Elle est l'addition de nations différentes, surgies de souches multiples, avec, pour chacune, son Histoire propre, ses mythes fondateurs, ses tensions internes, son rapport à la langue, aux mots, ses lieux de mémoire. Aucune Histoire nationale ne peut être reportée sur une autre. Chacune doit être étudiée en soi, dans ses particularités. Ca passe par la langue, par les mots, par les récits. Le concept d'Histoire universelle est une imposture de Grand Horloger, déracinée du réel, glacée d'abstraction.
     
    Si un étranger veut voter, il doit d'abord accomplir le chemin de naturalisation. Il doit entrer, doucement, en prenant soin de frapper à la porte, dans cet univers de représentation (Darstellung) qui fonde une communauté nationale. Ceux qui, motivés, pleins de cœur pour leur pays futur, heureux d'en étudier l'Histoire et les institutions, se frottent à ce rite, constituent un exemple pour tous. Ils nous rappellent nos propres valeurs. Ils régénèrent notre sève nationale.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Le jaune du ciel, les secrets du passé

     
    Sur le vif - Samedi 06.02.21 - 11.44h
     
     
    Ce matin, le ciel affiche le jaune sépia des albums de photos de nos parents. Me revient en mémoire l'une d'entre elles, ma mère au sommet du Catogne, 1940 ou 1941. C'était quelques mois avant qu'elle ne tombe dans une vertigineuse crevasse, au glacier d'Orny, sur la route de la Cabane du Trient (1942). Elle en ressortira après des heures d'angoisse, hissée par une corde. Mon père, et le gardien de la Cabane d'Orny, M. Formaz, l'avaient sauvée. Incarcérée dans les glaces, elle avait prié la Vierge, sur son médaillon. Cet épisode lui ôtera pour la vie, contrairement à mon père, le goût de la haute montagne. Dès lors, pour toute ma vie, le goût de la montagne, la passion du travail, c'était mon père ; la nostalgie et les livres, la sensibilité aux mots, c'était ma mère.
     
    Le ciel jaune de Genève donne l'impression de nous inclure vivants dans ce qui sera, un jour, un témoignage du passé : "Tu te souviens du 6 février 2021 ?", un peu comme "Tu te souviens de ce même 6 février, en 1934, à Paris, quand les Ligues ont tenté le coup de force ?", ou encore : "Tu te souviens de la neige de 1985, à Genève ?".
     
    Le ciel jaune de ce matin restera dans nos mémoires. Je le regarde, il me fait un peu peur, une peur d'enfant face à ces albums de ses parents, années vingt, trente, quarante, Valais, Allemagne, montagne, familles nombreuses réunies dans les fêtes, mariages, baptêmes, grillades de famille sur les bords du Trient ou dans le Val Ferret. Et puis, mes quatre grands-parents, qui hélas me furent tous inconnus : Maurice Rausis meurt en 1925 (à 33 ans), Emma en 1959 (je n'avais que quelques mois), Emile Décaillet en 1941, Marie en 1951.
     
    Le jaune de ce matin m'envahit comme la puissance du passé. Quand on n'a connu aucun de ses quatre grands-parents, on a besoin de remonter dans l'Histoire. Cela m'est advenu incroyablement tôt. Savoir ce qui s'est passé avant moi. Ce qu'on dit, et ce qu'on cache. La part du mythe, celle du réel. Toute une vie, pour corriger, ou tout au moins affiner sa vision d'une époque. C'est pour cela que je me suis lancé, en 2015, dans une monumentale Histoire de l'Allemagne.
     
    Je disserte sur le jaune, et autour de moi, des dizaines de milliers de gens doivent éprouver des sentiments similaires. Chacun l'interprétera à sa manière, ce retour de l'archaïque dans une aube d'arrière-hiver 2021. Parce que chacun de nous est unique. Avec son passé, sa mémoire, ses souffrances, ses cicatrices, l'intimité de ce qu'il garde pour lui. Ce jaune nous ramène à notre fragilité d'humains, juste interpellés par un phénomène météorologique dont nous aurons, ce soir, au téléjournal, les puissantes exégèses scientifiques. Je sais déjà que je ne les écouterai que distraitement. Je serai de retour dans mon passé. Quelque part, entre glacier d'Orny et sommet du Catogne.
     
     
    Pascal Décaillet