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  • Fabienne Fischer et l'orbite du convenable

     
    Sur le vif - Mercredi 03.02.21 - 14.50h
     
     
     
    Candidate des Verts au Conseil d'Etat genevois, Fabienne Fischer a frôlé l'hérésie, comme une comète en fusion qui aurait eu l'audace de venir chatouiller l'écorce terrestre. Elle a frôlé, elle a joué avec la mort politique, elle a nargué Newton et les lois les plus élémentaires de la gravitation. Elle a confessé sa faute de justesse, promis la repentance. Elle pourra demeurer, mais c'est le dernier avertissement, dans l'orbite du convenable.
     
    Il est vrai que son crime tutoyait l'imprescriptible. Elle avait eu le front, dans un débat, d'émettre des doutes, ou des réserves, sur le principe de vaccination. Dans le climat actuel, c'est comme ouvrir un traité du suicide politique, et le mettre en application. On l'a sermonnée de partout, y compris de son camp, elle a fini par rebrousser chemin. In extremis, on voudra bien la garder dans le camp du Bien. Mais c'est la dernière fois. A la prochaine incartade, c'est l'ostracisme.
     
    Cette affaire, que nous révèle-t-elle ? Sur Fabienne Fischer, rien, si ce n'est qu'elle n'aurait jamais dû faire machine arrière. Cette femme intelligente, libre d'esprit, a parfaitement le droit - et peut-être même le devoir - de proposer une vision critique de la doxa sanitaire qui incarcère nos consciences, c'est même bienvenu de la part d'une force nouvelle, dégagée des contingences de l'actuel pouvoir, aspirant à y apporter fraîcheur, audace et invention.
     
    Non. Ce que l'affaire Fischer met en lumière, c'est toute l'obscure épaisseur du consensus dans lequel toute parole publique, gravitant dans les sphères du pouvoir ou aspirant à cette jouissance satellitaire, doit accepter de se fondre, sous peine de mort politique. Tout coronascepticisme, tout climatoscepticisme (sur ce second point, Mme Fischer n'a aucun souci à se faire) excluent d'emblée l'impétrant. Que nul n'entre ici, s'il n'est géomètre, il doit parler notre algèbre, poser nos équations, dissoudre nos inconnues, parvenir à nos conclusions. Sinon, toi qui brigues une place dans notre cercle d'élus, tu resteras dehors. Dans les limbes.
     
    Madame Fischer avait parfaitement le droit d'avoir des doutes. Le droit de le dire. Face à une pression innommable, celle des chasseurs d'hérétiques, elle a malheureusement cédé. Ce dernier point, seul, peut lui être reproché. Sur tout le reste, sa parole citoyenne était de nature à nourrir un débat qui, hélas, fait si cruellement défaut.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Journalisme : les bateleurs d'un nouveau monde

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 03.02.21

     

    « Dès que nous serons nés, vous allez voir ce que vous allez voir ! Nous allons vous étonner. Nous allons vous surprendre. Nous allons vous éblouir. Nous serons insolents. Nous serons impertinents. Nous serons décalés. Notre journal ne sera pas comme les autres. Nous traiterons l’information sous des angles nouveaux, comme vous n’en avez encore jamais vus. Nous vous proposerons un autre regard. Nous aurons de l’humour, à défriser les yacks. Nous saurons vous séduire. Nous ferons du journalisme comme personne, depuis Théophraste Renaudot, le père de la Gazette, sous Louis XIII, n’a jamais osé en faire. Pour les autres journaux, autour de nous, le coup de vieux sera terrible. Nous ferons tomber les murs. Nous détruirons les fortifications mentales. Nous pulvériserons les vieux schémas, qui vous étouffent. Venez, souscrivez, abonnez-vous, un jour nous naîtrons, et la vie en elle-même sera renouvelée ! ».

     

    J’exagère ? A peine ! Ce discours de bateleur, c’est celui qu’enfant, j’entendais tous les automnes, lorsque je me rendais aux Arts ménagers, avec mes parents. Il fallait harponner le quidam, de grandes gueules s’y entendaient à merveille, leur promettant les lendemains enchanteurs d’une batterie de casseroles, ou d’une friteuse. Vieux comme le monde ! Et le plus fou, c’est que ça marchait : les acheteurs faisaient la queue ! Dans le monde des médias, aujourd’hui, en Suisse romande, c’est la même chose : on ne parle plus ni du passé ni du présent, on se contente juste de faire miroiter l’avenir. « Nous allons naître, votre vie en sera transfigurée, juste un peu de patience, en attendant vos dons ou souscriptions sont bienvenus ». Et les voilà, nos camelots, qui déboulent sur toutes les ondes, invités à s’exprimer non sur ce qu’ils ont fait, une fois dans leur vie, non sur ce qu’ils auraient, dans le métier, réussi à lancer, et qui, quinze ans, vingt ans après, perdurerait, non sur un legs, une réussite, mais… sur ce qu’ils se proposent de faire, une fois qu’ils nous auront fait l’honneur, entre l’Âne et le Bœuf, de venir au monde.

     

    Eh bien moi, ces drôles, je ne peux supporter leurs discours. Je ne peux plus les entendre, ni eux, ni leurs fades complices qui leur donnent la parole. Le journalisme est un métier. Il est fort bien de lancer de nouvelles offres, des journaux, des émissions, des sites, tout ce que vous voudrez. Mais il est encore mieux de tenir : des années, ou, comme le journal que vous tenez entre les mains, des décennies. Tenir un quotidien, produire une émission, c’est se battre tous les jours, avec une férocité que le profane ignore, pour que votre journal, votre émission, contre vents et marées, survive. Et pour qu’il garde sa place dans la Cité. Tout le reste, c’est du boniment. A ceux qui, aujourd’hui, travaillent sur des maquettes, dans l’écrit, en radio, en TV, sur internet, peu importe le support, je dis fraternellement « Bonne chance ! ». Mais j’ajoute immédiatement : « Commencez à exister, durez déjà quelques années, et puis, si nous sommes encore de ce monde, nous discuterons ».

     

    Pascal Décaillet

  • Adolphe Ribordy : un grand Valaisan nous a quittés

     
    Sur le vif - Lundi 01.02.21 - 16.48h
     
     
    Avec une très grande tristesse, et je suis loin d'être le seul, j'apprends cet après-midi le décès d'Adolphe Ribordy. Avec cet homme de 78 ans, qui avait en lui le démon de la politique et celui du journalisme, c'est l'une des grandes figures du Valais qui nous quitte. Radical dans l'âme, il aimait son parti. Il aimait son canton. Il aimait son pays.
     
    Adolphe Ribordy, figure pleine de vie, homme passionné d'Histoire, de livres, d'échanges, fraternel dans la joute comme dans la complicité, c'était la politique à l'état pur, telle que seul le Valais est capable de nous l'offrir. Une passion qui passe par la langue, le verbe, la connaissance du terrain et des familles, la fougue de communiquer. Le Valais des bannières, celui des fanfares, si fier de mettre des couleurs dans la vie publique. Le Valais festif, jusque dans les actes citoyens.
     
    Adolphe Ribordy a longtemps été député radical, patron du Confédéré, président de Rhône-FM, c'est dire l'ampleur de son engagement. L'action, mais toujours le verbe, toujours l'engagement, toujours tenir les couleurs, brandir la bannière.
     
    Je ne l'avais plus revu depuis quelques années. Je garde de lui le souvenir d'un homme habité par la vie, par la passion de construire le Valais moderne. Il y avait en lui, je veux dire dans les arcanes de sa mémoire, la Bataille du Trient, le Sonderbund, les années difficiles sous le règne conservateur. Et puis, ancrée dans le tréfonds de l'âme, l'aspiration à un Valais d'aujourd'hui et de demain, terre de culture et de fraternité, enracinée dans le terroir pour grimper vers le ciel.
     
    Vers quel ciel ? Je l'ignore. Je dirai simplement une chose : le ciel d'Adolphe Ribordy, j'aimerais qu'il soit aussi le mien.
     
    A sa famille, ses proches, ses compagnons de route, ses frères d'armes, mes pensées émues.
     
     
    Pascal Décaillet