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  • Sur les oratoires perdus de nos montagnes

     
     
    Sur le vif - Jeudi 03.09.20 - 09.40h
     

    Ceux qui se réclament à longueur d'année des Lumières méritent une réponse. Non la réponse de l'Ombre à la Lumière. Mais une réponse républicaine et démocratique. Pour leur dire, justement, que ni la République, ni la démocratie ne leur appartiennent. Pas plus qu'elles n'appartiennent à quiconque.

    Les Lumières. Certains n'ont plus que ce mot à la bouche. Ils s'en gargarisent. De cet important mouvement de pensée qui, au milieu du 18ème, par l'action conjuguée des philosophes, des écrivains, des sciences, des éditeurs, de l'industrie et des métiers, eut pour ambition d'éclairer le monde, on dirait qu'ils font une religion.

    Ils ne jurent que par les Lumières. Ils en ont parfaitement le droit. Mais cela mérite réponse. Pas la réponse de l'Ombre. Mais la réponse de ceux qui, peut-être, évitant la capitale au mot "Lumières", préféreront les énergies, plus modestes et plus intimes, des petites lumières du monde, passage de Lune ou sourire d'une Madone, au coin d'un oratoire, quelque part en montagne.

    Car il arrive que leurs Lumières soient blafardes. A l'égal de ces néons d'hôpitaux, pâles, aveuglants. A tout vouloir illuminer, on en finit par banaliser la beauté du monde. Sa part de mystère, de musique. On aplatit les récits. On aseptise la langue.

    Ils en ont le droit. Comme ils ont eu celui d'installer l'Être suprême : on a pu apprécier sa longévité. Ils en ont le droit, et nous avons celui de leur répondre. Nul connaisseur de la littérature, de l'Histoire des idées au 18ème siècle, ne songerait une seconde à sous-estimer l'importance des Lumières en France, de l'Aufklärung en Allemagne. Ni leur vertu de préparation intellectuelle aux formidables événements de la fin du siècle, la Révolution française.

    Mais de là, chez certains aujourd'hui, à nous faire des Lumières une totalité d'adhésion, une universelle matrice ! Comme si ce mouvement constituait, dans l'Histoire humaine, la seule référence qui fût vraiment éclairante, là il faut gentiment leur répondre NON.

    Pas le NON de l'Ombre à la Lumière. Mais le NON de la chantante pluralité du monde, le NON de la diversité de l'univers, le NON des innombrables énergies locales, particulières, le NON des Mystères de la religion grecque antique, le NON des cultes familiaux des Étrusques, le NON des monastères coptes des premiers temps chrétiens, le NON de l'infinie richesse de la pensée juive, le NON de la tradition du soufisme, le NON de tout ce qui, sur la Terre, donne à entendre une autre petite voix que la seule démonstration cérébrale de la Raison.

    Si les Lumières deviennent à ce point une totalité référentielle qu'elles se transformeraient, à leur tour, en religion, incarnant l'absolu qu'au 18ème elles dénonçaient dans le pouvoir, par exemple, du Roi Louis XV, alors il nous faudra, nous, dénoncer en elles la prétention à l'éclairage universel. Nous retournerons à nos passages de Lune. Et aux sourires, si maternels, si bienveillants, si accueillants dans l'éveil du monde, de nos Madones. Sur les oratoires perdus de nos montagnes.

     

    Pascal Décaillet

  • Lumières. Quelles Lumières ?

     

    Sur le vif - 02.09.20 - 16.21h

     

    Les gens qui, à longueur d'année, se réclament des Lumières, ont-ils vraiment lu les grands auteurs et philosophes de cet important mouvement du 18ème siècle ?

    Pour ma part, je ne me réclame pas des Lumières. Mais ces auteurs, je les ai lus. Pour la France, et pour l'Allemagne. Pas pour l'Angleterre, je l'avoue.

    A l'exception du génie absolu de Jean-Jacques Rousseau (dont les Confessions, puis les Rêveries, m'ont bouleversé à l'âge de vingt ans, dans l'un des moments les plus difficiles de ma vie), je ne puis dire que, sur le plan littéraire, les Lumières françaises m'attirent particulièrement.

    Je ne parle pas des philosophes. Mais des écrivains. Je ne trouve pas toujours, dans ce moment du 18ème où Voltaire publie ses Contes, où les Encyclopédistes travaillent à leur oeuvre gigantesque, cette forme d'épaisseur stylistique dont le Roman du 19ème fera sa spécialité, puis celui du 20ème. Sans parler de la poésie.

    Je ne mets pas ici en cause ces écrivains, mais les limites de ma réception personnelle. Comme lecteur littéraire, je n'ai guère besoin qu'on me démontre, il se suffit qu'on me montre, qu'on me donne à voir. Et à entendre. La littérature des Lumières me paraît souvent sèche, aride, hyper-cérébrale, conceptuelle, dénuée de sensualité.

    Pour l'Aufklärung allemande, d'une grande richesse certes (j’admire particulièrement le grand philosophe Moses Mendelssohn, émancipateur des Juifs en Prusse), je nourris les mêmes préventions. J'ai quand même l'impression qu'à partir du Sturm und Drang (autour de 1770, au fond la sortie de Werther), c'est toute la puissance dormante de l'être sensible qui se réveille, dans la littérature germanique. Les mots renaissent à la musique. Les syllabes s'ensoleillent. Le récit revient. Les racines des mots germaniques se font à nouveau sentir, sonores, porteuses de mille chants. La seule démonstration cérébrale, abstraite, universelle, ne suffit plus. Ce moment de rupture, auquel je fus initié il y a plus de quarante ans par un très grand professeur, me fascine, vous le savez.

    Je ne me réclame pas des Lumières. Mais je respecte ce mouvement. Je me demande simplement si ceux qui, aujourd'hui, s'en réclament, en ont vraiment lu les auteurs. Ou si, pêle-mêle, ils ne jettent pas tout dans un même panier : Lumières, droits de l'homme, démocratie représentative, liberté de circulation des idées, etc.

    Les choses, à y regarder de près, sont autrement complexes. En tout cas pour les Allemagnes.

     

    Pascal Décaillet

  • Libre circulation : la trahison syndicale

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.09.20

     

    L’initiative dite de limitation, proposée par l’UDC, sur laquelle nous votons le 27 septembre, demande que la Suisse gère de manière autonome l’immigration des étrangers. En clair, qu’elle recouvre sans tarder une souveraineté totalement perdue depuis l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes. Vous me direz que cette dernière, avec les accords bilatéraux (mai 2000), a été voulue par le peuple suisse. C’est exact. Mais le peuple a été trompé. Les flux migratoires, sur notre pays, ont atteint des dimensions infiniment supérieures à ce qu’on nous racontait il y a vingt ans. Une concurrence féroce, soutenue par une sous-enchère salariale déloyale pour les travailleurs suisses, s’est abattue sur notre pays : certains patrons (pas tous, loin de là) ont offert à des travailleurs étrangers des postes nettement moins rémunérés que les mêmes, pour des salariés suisses. Certains de nos compatriotes ont perdu leur emploi à cause de ce mécanisme.

     

    Il existe donc, dans notre corps social, parmi nos concitoyens les moins favorisés, une souffrance liée à la libre circulation. Pertes d’emploi, sentiment d’être oubliés, lâchés par la société suisse, celle de leur propre pays ! Ce sacrifice, sur l’autel de l’ouverture des frontières. Et les fameuses « mesures d’accompagnement », que la classe politique et le patronat faisaient miroiter il y a vingt ans aux travailleurs suisses, n’ont absolument pas déployé leurs effets. Elles n’ont empêché ni la sous-enchère, ni les pertes d’emplois pour des salariés suisses. Elles ont juste été des mots.

     

    Dans ces conditions, le ralliement des syndicats suisses, à commencer par leur grande centrale faîtière, au principe de libre circulation, apparaît comme une incompréhensible trahison des intérêts fondamentaux des travailleurs de notre pays. C’est le patronat qui doit se frotter les mains ! Il fut un temps où les syndicats de notre pays protégeaient les ouvriers et les ouvrières suisses. Ils étaient patriotes. Ils étaient guidés par un sentiment national de cohésion sociale. Aujourd’hui, vermoulus par une certaine idéologie internationaliste, où les nations et les frontières n’existeraient plus, ils donnent l’impression de s’être arrachés aux racines de la nation, au profit d’un universel abstrait. Ce virage, pour la cohésion sociale de notre pays, est de nature à discréditer nos syndicats, pour longtemps, dans le débat politique suisse. Ne pensent-ils plus qu’à encaisser des cotisations, grossir, gagner en influence, étoffer leurs états-majors ? Tout cela, dans l’oubli du minimum de préférence aux citoyennes et citoyens suisses qu’on peut attendre de toute organisation professionnelle, dans notre pays, qu’elle soit patronale ou syndicale, d’ailleurs.

     

    Dans ces conditions, vouloir que la Suisse « gère de manière autonome » son immigration (il ne s’agit en aucun cas de la stopper, mais de la réguler), ne relève aucunement de la chimère. Mais du bon sens. Toute nation digne de ce nom, sur la planète, a le droit – et aussi le devoir – de contrôler ses flux migratoires. Pour protéger ses propres citoyennes et citoyens.

     

    Pascal Décaillet