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  • Le rustre ne réfléchit pas, il déboulonne

     

    Sur le vif - Mercredi 02.09.20 - 08.15h

     

    L'école doit enseigner le tragique de l'Histoire. Ni plus, ni moins. Elle doit présenter aux élèves le monde, tel qu'il est, et non tel qu'il devrait être, en fonction des désirs idéologiques des différents enseignants.

    Elle doit aussi dire le monde, tel qu'il fut. Cela s'appelle l'Histoire. Passionnante entreprise intellectuelle : reconstituer une époque, dans sa totalité, politique, économique, scientifique, culturelle, littéraire, musicale. Cette époque jamais ne doit être jugée sur le plan moral, mais appréciée avec les outils de l'analyse historique. C'est une ascèse, qui exige connaissance et distance.

    Aux élèves, rien ne doit être caché. Il faut dire les choses, telles qu'elles furent. Les guerres, il s'agit, en tâchant de prendre exemple sur Thucydide, dans sa Guerre du Péloponnèse, de les expliquer froidement, analytiquement, sans passion, en fonction de leurs causes réelles (économiques, bien souvent). Cela implique de lire les textes du moment, dans la langue, d'en dégager la part d'intoxication ou de propagande, de demeurer critiques face aux sources.

    Cette attitude de scepticisme constitue, en Histoire, une hygiène de la pensée. Autrement nourrissante, sur le plan intellectuel, que le jugement moral a posteriori, l'anachronisme des rustres.

    Car le rustre ne réfléchit pas. Il déboulonne. Faisant cela, il croit s'affranchir. En vérité, il s'entrave. Il s'enferme dans son jugement anachronique. Il s'incarcère dans la morale. Croyant ouvrir les yeux sur le passé, il se rend aveugle à la complexe vérité du monde.

     

    Pascal Décaillet

  • L'état sauvage

     

    Sur le vif - Mardi 01.09.20 - 13.59h

     

    Très grande violence dans les bistrots genevois : on s'étripe sur la Présidence tournante du Conseil d'Etat. Les coups et les insultes pleuvent. Le sang coule. Les muqueuses vacillent. On s'arrache les masques. On se jette au visage les reliques de Chasselas. Les portraits de François Longchamp sont extirpés des murs, on y replace ceux du Général Guisan. On s'assomme avec de vieux exemplaires du Contrat social. On vitupère. On se lacère. On injecte de sang des regards de fauves. Sujet passionnel, viscéral. Genève, martyrisée. Sulpicienne. Jouissante de souffrance. Genève, extatique.

     

    Pascal Décaillet

  • Aimer l'allemand, c'est prêter l'oreille

     

    Sur le vif - Mardi 01.09.20 - 08.06h

     

    Impossible de se figurer en profondeur l'Histoire de la Grèce, sans se pénétrer de l'Histoire de la langue grecque, dans toutes ses inflexions dialectales (dorien, ionien, attique, etc.).

    De même, impossible d'embrasser l'Histoire des Allemagnes sans s'immerger avec passion dans l'Histoire et la dialectologie de la langue allemande.

    L'Histoire allemande, c'est l'Histoire de la langue. Le Althochdeutsch, puis le Mittelhochdeutsch, puis l'allemand moderne à partir de Luther. Les innombrables dialectes. Les mots locaux. L'enfouissement de ces derniers au moment de l'Aufklärung, puis leur prodigieuse résurrection avec le Sturm und Drang (autour de 1770), puis avec le Romantisme et les Frères Grimm.

    Le rôle des mots dans la formation de l'idée nationale allemande, à partir des Discours de Fichte (1807). Des discours qui prennent d'ailleurs la langue - et le langage - comme thème.

    Luther est un inventeur de mots. Brecht est un inventeur de mots. Paul Celan est un inventeur de mots. Günter Grass est un inventeur de mots.

    Jamais la langue allemande n'a été figée par une Académie, un Richelieu. Toujours, le tissu linguistique a été malléable, évolutif, perçu comme tel par la pluralité germanique.

    L'Histoire allemande, c'est l'Histoire de la langue allemande.

    Et c'est aussi - j'y reviendrai largement - l'Histoire de l'évolution musicale allemande. Je ne pourrais concevoir une Histoire allemande sans une Histoire, en profondeur, du langage musical allemand.

    Aimer l'allemand, c'est prêter l'oreille.

     

    Pascal Décaillet