Sur le vif - Mercredi 02.09.20 - 08.15h
L'école doit enseigner le tragique de l'Histoire. Ni plus, ni moins. Elle doit présenter aux élèves le monde, tel qu'il est, et non tel qu'il devrait être, en fonction des désirs idéologiques des différents enseignants.
Elle doit aussi dire le monde, tel qu'il fut. Cela s'appelle l'Histoire. Passionnante entreprise intellectuelle : reconstituer une époque, dans sa totalité, politique, économique, scientifique, culturelle, littéraire, musicale. Cette époque jamais ne doit être jugée sur le plan moral, mais appréciée avec les outils de l'analyse historique. C'est une ascèse, qui exige connaissance et distance.
Aux élèves, rien ne doit être caché. Il faut dire les choses, telles qu'elles furent. Les guerres, il s'agit, en tâchant de prendre exemple sur Thucydide, dans sa Guerre du Péloponnèse, de les expliquer froidement, analytiquement, sans passion, en fonction de leurs causes réelles (économiques, bien souvent). Cela implique de lire les textes du moment, dans la langue, d'en dégager la part d'intoxication ou de propagande, de demeurer critiques face aux sources.
Cette attitude de scepticisme constitue, en Histoire, une hygiène de la pensée. Autrement nourrissante, sur le plan intellectuel, que le jugement moral a posteriori, l'anachronisme des rustres.
Car le rustre ne réfléchit pas. Il déboulonne. Faisant cela, il croit s'affranchir. En vérité, il s'entrave. Il s'enferme dans son jugement anachronique. Il s'incarcère dans la morale. Croyant ouvrir les yeux sur le passé, il se rend aveugle à la complexe vérité du monde.
Pascal Décaillet