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  • Image et vérité

     

     Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.01.19

     

    Un moment de surréalisme, ce samedi 12 janvier, en pleines manifestations des gilets jaunes : sur le plateau parisien d’une chaîne continue, un ineffable beau parleur nous dit que tout va bien, et que Macron reprend la main. Pendant qu’il parle, en total décalage avec ses propos, l’image qui s’offre aux spectateurs est celle d’un incroyable bordel, avec fumigènes et lances à eau, devant l’Hôtel-de-Ville de Bordeaux, cette ville illustre de Gironde qui eut pour Maire, à la fin du seizième siècle, un certain Montaigne.

     

    Le parisien, en plateau, pérore. Simultanément, l’image bordelaise dit exactement le contraire. De fait, il faut s’interroger sur le rôle de la police, ce samedi 12, dans des villes comme Toulouse ou Bordeaux. Elles ont eu, assurément, la main fort lourde : était-ce toujours justifié ?

     

    Surtout, se pose la question de l’image. Entre les images dûment choisies, mises en scène, montées et commentées par les TV proches du pouvoir, et les dizaines de milliers de vidéos privées circulant sur les réseaux sociaux, il y a lieu de prendre sérieusement en considération cette seconde catégorie. Des bribes de vie, brutes, certes parcellaires (donc à remettre dans leur contexte), mais autrement plus porteuses de vérité que ce que veulent bien nous balancer les stations pro-Macron.

     

    Sauf dans de très rares cas : par exemple lorsque l’image en direct, celle de Bordeaux, vient contredire sans filet les propos hallucinants du petit marquis bavard d’un régime qui s’effondre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Suisse-Europe : ne lâchons rien, restons libres !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.01.19

     

    D’abord, dire une chose, haut et fort : la Suisse est, dans toutes les profondeurs de ses entrailles, un pays européen. Son destin n’a rien d’insulaire : il s’est construit, au fil des siècles, en fonction des événements extérieurs. Aucune des grandes lames de fond ayant déferlé sur le continent européen n’a épargné la Suisse : ni l’Empire romain, ni la structure féodale, ni les grands ordres chrétiens, ni l’invention de l’imprimerie, ni la traduction de la Bible en allemand par Luther (1522), ni la Réforme, ni la Contre-Réforme, ni les Lumières, ni la Révolution française, ni l’épisode napoléonien, ni la Restauration, ni le romantisme, ni la Révolution industrielle, ni le printemps des peuples de 1848 (début de la Suisse moderne), ni le Kulturkampf, ni l’Encyclique Rerum Novarum de Léon XIII (1891), ni les deux Guerres mondiales. Dans tous ces mouvements tectoniques, la Suisse a été secouée, comme ses voisins. La thèse de l’insularité ne vaut pas un clou.

     

    Oui, la Suisse est un pays européen. Le destin du continent est le sien. Sa position géographique, centrale, configure ainsi les choses. Simplement, nous ne sommes pas membre de la structure appelée « Union européenne ». C’est ainsi : les choses, depuis 1957 (Traité de Rome) se sont faites sans nous. Nous avons, certes, constamment négocié avec Bruxelles, mais nous avons choisi de rester dehors. Hors de la structure, mais pas hors de l’Europe ! Dans la longue dialectique, déjà six décennies, engagée entre la Suisse et l’Europe communautaire, notre atout principal est, simplement, de rappeler ce que nous sommes. Un pays d’Europe, ami de tous, désireux d’entretenir avec ses voisins les meilleures relations, mais férocement attaché à ses institutions, sa démocratie directe, son fédéralisme, son indépendance nationale, sa souveraineté. Il n’y a là aucune animosité, aucune déclaration de guerre : juste dire à Bruxelles : « Nous sommes un pays libre, nous entendons le rester ».

     

    Dans les négociations, le Conseil fédéral doit absolument avoir cette tonalité-là : courtoisie sur la forme, implacable fermeté sur le fond. En aucun cas les négociateurs ne doivent arriver avec le complexe d’infériorité du petit face au géant : la Suisse est un pays libre, une nation souveraine, elle défend avec rage les intérêts supérieurs de ses citoyens, c’est cela le rôle de nos négociateurs, et non chercher à plaire à Bruxelles. Et surtout, ne rien précipiter ! Quelle UE sortira des élections européennes de mai 2019 ? Quelle place, au sein même du conglomérat, vont y reconquérir les différentes nations ? Quelle place pour la nation française, la nation allemande, la nation italienne, la nation hongroise ? Partout en Europe, comme en 1848, gronde la voix des peuples, partout l’exigence démocratique émerge, partout l’aspiration à la démocratie directe fait surface. Face à cette gigantesque incertitude, nous, la petite Suisse, nous aimons nos institutions, nous avons déjà la démocratie directe, nous vivons ensemble dans la paix et le respect mutuel. Aucune raison, donc, de paniquer face à l’Europe ! Affirmons ce que nous sommes, ne lâchons rien, restons libres.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Homme politique : un concept bientôt caduc !

     

    Sur le vif - Mercredi 16.01.19 - 14.15h

     

    La politique appartient à tous les citoyens. Le concept même d'homme politique, apparu au début du 19ème siècle, au moment où Balzac rédige ses Illusions perdues, est promis à devenir caduc.

     

    Il y aura encore, pendant quelques décennies, des "hommes politiques", ou des "femmes politiques". Mais, d'ici quelques générations, avec les progrès fulgurants de la mise en réseau des connaissances, le suffrage universel va s'affirmer comme outil normatif (et non, comme aujourd'hui, organe d'exception) pour statuer sur les grandes affaires touchant le destin d'un pays.

     

    Ce jour-là, certes encore lointain, le concept "d'homme politique", né des décennies ayant suivi la Révolution française, né de la démocratie représentative, avec ses rites d'élections, ses nécessités de clientélisme et de démagogie, aura doucement disparu.

     

    Lecteur vorace de biographies historiques depuis l'âge de 12 ans (j'en ai lues des centaines, peut-être même un ou deux milliers), héritier du personnalisme d'un Emmanuel Mounier, qui place l'humain au centre de tout, j'ai moi-même, en un demi-siècle de ma vie, joué le jeu de cette centralité de "l'homme politique" (si possible, l'homme d'Etat : de Gaulle, Mendès France, Willy Brandt, etc.) au coeur de mes attentions.

     

    Mais l'affaire Maudet contribue (parmi d'autres facteurs) à me faire évoluer, à la vitesse grand V, vers l'absolue prédominance des thèmes sur les personnes. Infiniment sensible aux signaux délivrés par les gilets jaunes, j'admire ce mouvement sans le moindre leader, sans la moindre star. Juste des hommes et des femmes, qui bravent le froid, l'hiver, les CRS, pour réclamer une réinvention de leur démocratie. Exactement ce qu'ont fait les foules de France, en 1830 et 1848.

     

    Idem, j'admire chez nous les Jeunes Verts. Chez eux également, pas la moindre star. Je ne connais que trois ou quatre d'entre eux. Mais grâce à eux, un sujet passionnant, essentiel, est jusqu'au 10 février sur la place publique : le mitage du territoire. On partage ou non leur point de vue, mais ces Jeunes Verts font de la politique en mettant l'accent sur un thème, et non en nous obsédant avec leurs problèmes internes.

     

    Alors oui, vivent les thèmes ! Vivent les hommes et les femmes qui se battent pour le bien public. A côté de la beauté de ces énergies-là, l'affaire Maudet, le destin du PLR genevois, toute cette kremlinologie d'initiés, franchement, on s'en fout un peu.

     

    Vive la politique, à vif, directe, délivrée des corps intermédiaires, proche de la vie, notre vie à tous, la vie qui va !

     

    Pascal Décaillet