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  • "Grand débat" : la foutaise Macron

     

    Sur le vif - Samedi 19.01.19 - 16.20h

     

    Le "grand débat" ordonné d'en haut par l'orléaniste Macron n'est qu'une pharamineuse foutaise. La preuve éclatante qu'il n'a rien compris - ou ne veut rien entendre - à la Révolution des gilets jaunes.

     

    Les revendications de ces derniers sont parfaitement claires. Point n'est besoin d'avoir fait Polytechnique pour les résumer. N'importe quel esprit, doté d'un minimum de bon sens, est capable d'opérer la synthèse en cinq ou six secondes : pouvoir d'achat, fiscalité plus juste, RIC (référendum d'initiative citoyenne).

     

    C'est simple, clair, cristallin. C'est ce que les livres d'Histoire retiendront. Il y a des moments, dans la vie, où il faut en finir avec la sacro-sainte "complexité" de la chose politique, cette antienne du monde académique, des corps intermédiaires, de toute la sainte société des sourds qui ne veulent pas entendre.

     

    La foutaise Macron, c'est un peu comme un prof très impopulaire qui nomme des délégués de classe pour discuter avec lui, à la récré, alors que tous les élèves veulent son départ, à lui. Et puis, catapulter du sommet les thèmes d'un débat, alors que justement les foules de France ont parfaitement énuméré les leurs, c'est se foutre au carré de ce peuple qui a élu Macron par défaut, en 2017. Et qui, aujourd'hui, n'en veut plus.

     

    Les Français veulent du pouvoir d'achat, de la justice fiscale, de la démocratie directe. Il l'ont dit très clairement. Tout le monde les a entendus. Tous, sauf vous, M. Macron. Cramponnez-vous, si ça vous chante, dans vos salons dorés. Jetez un œil à votre fenêtre : vous y verrez passer l'Histoire. Sans vous.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • A propos d'Alceste, quelques mots

     

    Sur le vif - Dimanche 19.01.19 - 00.01h

     

    Il me faut dire les choses telles que je les ressens, depuis ce jour de 1973 où j'ai vu Jean Piat dans le rôle-titre : Alceste n'est absolument pas, comme Harpagon ou Argan, un personnage ridicule. Non, il est tout le contraire : une figure d'intégrité (peut-être excessive), de sincérité (peut-être exagérément illimitée), un homme qui dit les choses sans travers. En soi, c'est admirable. Pour moi, c'est une figure de héros, infiniment touchante, au même titre que Cyrano, qu'à certains égards il préfigure.

     

    Dans la scène du Sonnet, face à Oronte, Alceste a raison, d'un bout à l'autre. Et c'est Philinte, autre personnage admirable, tellement humain, qui en l'espèce a tort. Alceste dit les choses, telles qu'il les juge, et telles qu'il les perçoit : cela s'appelle la franchise, est-ce un défaut ? Il assume son jugement, sait que ça lui coûtera, décoche tout de même les mots, affronte son destin.

     

    Face à Célimène, il se montre jaloux et possessif. Il n'aime pas que des petits marquis tournent autour d'elle. Il la voudrait pour lui seul. Faut-il lui en faire grief ?

     

    Face au discours social, à la mondanité, aux courtisans, dont l'horizon vital ne dépasse pas l'infinie jouissance d'assister au Lever ou au Coucher du Roi, il assume la parfaite solitude d'un caractère certes acariâtre, atrabilaire, dans la plus pure filiation d'un Plaute et d'un Ménandre. Mais en même temps, il incarne la verticalité de celui qui refuse ce petit jeu, délivre un discours critique sur son époque, en endosse les suites, qui conduisent à une sublimation géographique de son isolement. Ça n'est pas pour rien que le mot "Désert", si lourd de sens en cette seconde partie du 17ème siècle, prend un telle importance dans la terrible scène finale, où Célimène, plus encore que lui, se voit abandonnée de tous.

     

    C'est une pièce qui commence dans la critique joyeuse de la mondanité, et se termine dans l'assomption, par chacun, de l'infinité de sa solitude. C'est peut-être écrit "comédie" quelque part, on y découvre l'essence la plus pure du tragique.

     

    Reste le profil d'un homme. Attachant comme nul autre (à part Cyrano). Cinglé, solitaire, solaire, présomptueux. Mais tellement humain, dans son rapport à la vérité, au langage, dans sa relation avec les textes, le monde de l'écrit (la critique du Sonnet est implacable). Dans son exigence, son intransigeance, pour ce qui concerne les relations sociales.

     

    Qu'il soit incarné par Jean Piat, André Marcon ou Gilles Privat, j'aime ce personnage. Oui, j'aime cet homme. J'aime quand il se ridiculise. J'aime la puissance terrestre de sa solitude. J'aime la géométrie de son désespoir, cadastré par la vie et la mort, l'impossibilité d'une relation réelle. Sauf, peut-être, avec un seul être sur la terre. Célimène ? Non : Philinte, l'admirable ami, l'ultime passerelle du possible entre lui et cet improbable conglomérat d'étrangers qui s'appelle l'humanité.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Là où des âmes ouvertes nous attendent

     

    Publié sur mon site FB - Vendredi 18.01.19 - 11.13h

     

    La hargne inimaginable des intellectuels - ou ceux qui se prétendent tels - contre les réseaux sociaux en dit plus long sur eux-mêmes, leur panique face à une dépossession, que sur l'objet de leur discours.

     

    Monde académique (totalement dépassé par la soudaine mise en partage horizontale des connaissances), médiateurs d'hier et d'aujourd'hui, journalistes persuadés que tout cela n'est qu'un cauchemar passager, et que la vie, la vraie, celle d'avant, va pouvoir reprendre avec de bonnes vieilles rotatives à 20 millions, de bons vieux centres d'impression et d'expédition, de bons vieux courriers de lecteurs (qu'on publie dix jours après), de bonnes vieilles quadrichromies, envoyées par morasses, via le pneumatique : bref, le Journal de Genève de mes premières années.

     

    Et moi, né il y a soixante ans, des décennies de métier, une passion plus intacte que jamais, je suis un fervent partisan des réseaux sociaux. Bien sûr, ils ont des défauts ! Mais pour la partie qui m'intéresse, celle de l'accès à l'information et à la connaissance, le service de renseignements, la mise en partage (fraternelle, et de bonne foi) de ce qu'on sait, le choc direct avec des styles, l'irruption (eh oui) de talents insoupçonnés dans l'ordre de l'écriture, la rapidité, l'apparition de comètes, je trouve aux réseaux sociaux bien des qualités.

     

    Je dis cela, d'autant plus que dans ma vie, il m'est arrivé, une ou deux fois, de lire l'un ou l'autre livre. Ou quelques milliers, je ne sais plus. Et j'en lis encore. Et j'en lirai toujours. J'en discutais l'autre soir avec Jean Romain : rien, aucune technique, n'a réussi jusqu'ici à remplacer le côté incroyablement pratique, affectif, physique même, de ce qu'on a appelé, il y a deux mille ans, le codex, le livre relié, à la place du rouleau de papyrus.

     

    Le réseau ne tue pas la télévision, qui n'a pas tué la radio, qui n'a pas tué l'écrit. Les inventions s'ajoutent. Mais nous, nous devons prendre, au-delà des nouveautés techniques, la mesure de la révolution cognitive que représente l'avènement du réseau social. Fin des mandarins, fin de la verticalité de la transmission, disparition progressive des corps intermédiaires et des médiateurs, construction collective d'un savoir pluriel, polymorphe. Avec, comme dans les dizaines de milliers de vidéos amateurs des gilets jaunes, la mise à disposition d'un matériau autrement plus crédible que l'image montée, mise en scène et commentée par les chaînes au service du pouvoir.

     

    Alors, amis des rotatives à 20 millions, haussez les épaules, tant que vous voudrez. La nostalgie est un droit, Dieu sait si je le revendique ! Mais de grâce, laissez le monde aller. Il n'y aura pas de retour au statut antérieur aux réseaux sociaux. Il n'y aura pas de Restauration. Il n'y aura pas de retour à votre ordre.

     

    Quant à nous, gens des réseaux sociaux (si vous me lisez, c'est que vous en êtes, peu ou prou), battons-nous avec la dernière énergie pour les enrichir des meilleurs contenus possibles. Surprenons-nous les uns et autres. Séduisons-nous. Transmettons-nous nos connaissances. Enseignons-nous mutuellement. Bref, vivons. Parce que la vie est précieuse. Celle de l'esprit n'a que faire des vecteurs : elle s'immisce partout, là où des âmes ouvertes nous attendent.

     

    Pascal Décaillet