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Là où des âmes ouvertes nous attendent

 

Publié sur mon site FB - Vendredi 18.01.19 - 11.13h

 

La hargne inimaginable des intellectuels - ou ceux qui se prétendent tels - contre les réseaux sociaux en dit plus long sur eux-mêmes, leur panique face à une dépossession, que sur l'objet de leur discours.

 

Monde académique (totalement dépassé par la soudaine mise en partage horizontale des connaissances), médiateurs d'hier et d'aujourd'hui, journalistes persuadés que tout cela n'est qu'un cauchemar passager, et que la vie, la vraie, celle d'avant, va pouvoir reprendre avec de bonnes vieilles rotatives à 20 millions, de bons vieux centres d'impression et d'expédition, de bons vieux courriers de lecteurs (qu'on publie dix jours après), de bonnes vieilles quadrichromies, envoyées par morasses, via le pneumatique : bref, le Journal de Genève de mes premières années.

 

Et moi, né il y a soixante ans, des décennies de métier, une passion plus intacte que jamais, je suis un fervent partisan des réseaux sociaux. Bien sûr, ils ont des défauts ! Mais pour la partie qui m'intéresse, celle de l'accès à l'information et à la connaissance, le service de renseignements, la mise en partage (fraternelle, et de bonne foi) de ce qu'on sait, le choc direct avec des styles, l'irruption (eh oui) de talents insoupçonnés dans l'ordre de l'écriture, la rapidité, l'apparition de comètes, je trouve aux réseaux sociaux bien des qualités.

 

Je dis cela, d'autant plus que dans ma vie, il m'est arrivé, une ou deux fois, de lire l'un ou l'autre livre. Ou quelques milliers, je ne sais plus. Et j'en lis encore. Et j'en lirai toujours. J'en discutais l'autre soir avec Jean Romain : rien, aucune technique, n'a réussi jusqu'ici à remplacer le côté incroyablement pratique, affectif, physique même, de ce qu'on a appelé, il y a deux mille ans, le codex, le livre relié, à la place du rouleau de papyrus.

 

Le réseau ne tue pas la télévision, qui n'a pas tué la radio, qui n'a pas tué l'écrit. Les inventions s'ajoutent. Mais nous, nous devons prendre, au-delà des nouveautés techniques, la mesure de la révolution cognitive que représente l'avènement du réseau social. Fin des mandarins, fin de la verticalité de la transmission, disparition progressive des corps intermédiaires et des médiateurs, construction collective d'un savoir pluriel, polymorphe. Avec, comme dans les dizaines de milliers de vidéos amateurs des gilets jaunes, la mise à disposition d'un matériau autrement plus crédible que l'image montée, mise en scène et commentée par les chaînes au service du pouvoir.

 

Alors, amis des rotatives à 20 millions, haussez les épaules, tant que vous voudrez. La nostalgie est un droit, Dieu sait si je le revendique ! Mais de grâce, laissez le monde aller. Il n'y aura pas de retour au statut antérieur aux réseaux sociaux. Il n'y aura pas de Restauration. Il n'y aura pas de retour à votre ordre.

 

Quant à nous, gens des réseaux sociaux (si vous me lisez, c'est que vous en êtes, peu ou prou), battons-nous avec la dernière énergie pour les enrichir des meilleurs contenus possibles. Surprenons-nous les uns et autres. Séduisons-nous. Transmettons-nous nos connaissances. Enseignons-nous mutuellement. Bref, vivons. Parce que la vie est précieuse. Celle de l'esprit n'a que faire des vecteurs : elle s'immisce partout, là où des âmes ouvertes nous attendent.

 

Pascal Décaillet

 

 

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