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  • L'Europe et le boomerang de l'Est

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    Sur le vif - Mercredi 20.12.17 - 17.33h

     

    En s'élargissant beaucoup trop vite vers l'Est, l'Union européenne, depuis deux décennies, a commis une erreur majeure. Elle s'imaginait que ces pays allaient, en devenant membres d'un Club fondé en 1957 entre six nations d'Europe occidentale, adhérer sans rechigner, le doigt sur la couture du pantalon, aux principes ultra-libéraux de la fin des années 1990. Et que tout le continent, de l'Atlantique à la Vistule, allez disons de Brest à Brest-Litovsk, allait vibrer à l'unisson du capitalisme, du libre-échange, de l'atlantisme. Prêts à communier dans l'idéologie nouvelle, sans frontières.

     

    C'était mal connaître l'Histoire des peuples. L'Histoire de la Pologne, ô combien complexe et passionnante. L'Histoire de la Hongrie, qui ne l'est pas moins. Etc.

     

    Il n'y pas d'Histoire européenne, cela ne veut rien dire, c'est une considération beaucoup trop globale, sans fondements, juste une vue de l'esprit.

     

    Mais il y a une Histoire hongroise. Une Histoire polonaise. Une Histoire allemande, que je m'échine à démêler depuis des décennies, tant elle est difficile en première approche. Une Histoire de France. Une Histoire suisse, passionnante.

     

    Chacune de ces Histoires a son cheminement propre. L'Espagne ne s'est pas construite comme l'Italie, ni la Suisse comme la France, ni les Allemagnes comme la Grande-Bretagne. Il n'y a pas, pour l'heure, d'Histoire européenne, c'est vide de sens, mais il y a une mosaïque d'Histoires nationales, dont chacune a sa vie propre, sa logique intérieure.

     

    Pour entrer dans tout cela, il ne faut pas trop raisonner d'en haut, ni chercher de grandes leçons de logique, avec des mécanismes universels, mais il faut OBSERVER chaque nation, dans le chemin idiomatique qui est le sien. On ne peut s'occuper de tout ! Pour ma part, depuis plus de quatre décennies, l'Allemagne, la France, la Suisse, les Balkans, le Proche-Orient me suffisent largement.

     

    OBSERVER, cela signifie lire. Se renseigner. Dévorer des centaines de bouquins. Visionner des archives. Aller chercher tous les témoignages, pas seulement ceux qui conviennent à une idéologie de départ. Quand je pense que, dans les années 1990, certains "intellectuels", en Suisse romande, me proposaient d'animer des débats sur les guerres balkaniques, mais surtout sans inviter de Serbes ! Vous pouvez imaginer comme je les ai reçus.

     

    L'Union européenne s'est élargie trop vite. Elle a construit son immensité sur des présupposés idéologiques, dans un esprit de fin de l'Histoire, de négation des frontières, de marché comme valeur universelle et dominante. Aujourd'hui, face à la Pologne, face à la Hongrie, face à l'Autriche, l'UE reçoit de plein fouet le boomerang de ses vanités d'extension.

     

    Ce contre-mouvement, du particulier contre le général, de la Gemeinschaft contre l'universel théorique, de la Nation réinventée contre le conglomérat impérial, ne fait que commencer. Il sera violent. Il y en a pour des années.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La meute, ça n'est pas du journalisme !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 20.12.17

     

    Après quelques semaines dans le rôle du gibier de chasse à courre, Yannick Buttet a donc choisi de démissionner. On l’eût fait à moins. Acculé de toutes parts, jeté en pâture aux hurlements, livré à l’hallali, le conseiller national valaisan a fini par donner à ses persécuteurs ce qu’ils cherchaient à obtenir : sa démission du Parlement fédéral. A peine, d’ailleurs, l’annonçait-il, que les corps de chasse autoproclamés se mettaient déjà à exiger son départ de la Présidence de la Commune de Collombey-Muraz, prouvant ainsi leur dessein d’aller jusqu’au bout dans la destruction d’un homme. Cette hargne, face à une proie, ne relève en aucune manière des missions du journalisme, mais de l’esprit de meute le plus féroce, le plus haïssable, le plus contraire à la définition de l’intérêt public. La profession, assurément, ne sort pas gagnante de ce lamentable épisode de fin d’automne.

     

    Car il y a eu meute, et singulière jouissance à en être. Dans l’affaire de Sierre, qui relève strictement de la vie privée, il y a une plainte. Fort bien. On devait attendre qu’elle fût instruite, donnât lieu à un procès, une condamnation, et même patienter jusqu’à ce que cette dernière fût définitive, une fois épuisés les échelons de recours de notre Etat de droit. Dans le volet bernois, nulle plainte, du moins à notre connaissance. En lieu et place, des rumeurs. Des « témoignages anonymes ». Peut-être fondés. Et puis, peut-être pas. Qu’en savons-nous ? Et puis, quoi ! Ces choses-là, si elles sont dénoncées, relèvent de la justice, seule habilitée à enquêter, démêler le vrai du faux, un jour juger, et peut-être condamner. Ce travail est celui des juges. Il ne saurait être, sous prétexte « d’investigation » (mandatée par quelle légitimité ?), celui des médias. Et c’est exactement là, dans le confluent de ces impostures, que commence l’esprit de meute.

     

    Dans cette affaire, quelques journalistes, fonctionnant de facto en une sorte de pool (où chacun cite l’autre, amplifiant une affaire par eux-mêmes créée), ont voulu la peau d’un homme. Il y aurait beaucoup à dire sur les véritables motivations de ces chasseurs acharnés : les unes sont internes à la politique valaisanne, les autres sont faites de concessions à l’esprit du temps, notamment une idéologie de guerre entre les sexes, nourrie par quelques extrémistes. Au final, tous les ingrédients d’une conjuration contre un élu, au demeurant remarquable, du peuple suisse. Bien sûr, l’homme avait commis des fautes. Pour Sierre, peut-être une faute contre la loi, nous verrons. Pour Berne, des « fautes morales », autant dire qu’elles laissent la place à des galaxies de subjectivité, tant qu’un juge, sur la base d’une plainte, n’a pas statué. La meute, c’est jouer sur l’opinion avant le droit, privilégier la rumeur sur l’information, tabler sur le « témoignage anonyme », indigne de la transparence républicaine. Dans cette affaire, il y a deux perdants : Yannick Buttet, mais aussi le journalisme en Suisse romande.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Trop tard, Doris

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    Sur le vif - Mardi 19.12.17 - 18.39h

     

    Le projet de nouvelle concession de la SSR, lancé aujourd'hui par Doris Leuthard, avec au moins la moitié des moyens alloués à l'information, va dans le bon sens. Depuis une éternité, y compris, à l'époque, à l'interne, je plaide pour l'information avant tout. Pro domo ? Ben oui, je suis journaliste. Soucieux d'intérêt public. Soucieux du pays. De sa cohésion.

     

    Le problème, c'est que ce projet arrive beaucoup trop tard. Il suinte la précipitation, pour orienter les esprits à voter non, le 4 mars. Comme l'abaissement de la redevance à 365 francs. Ces mesures de dernière minute, imbibées de panique aux plus hauts étages, ne trompent personne : les gens ne sont pas idiots, ils ne sont pas dupes de ces gesticulations.

     

    Dommage, Mme Leuthard. Vous êtes en retard d'au moins une décennie. Dans ce domaine, vous n'avez pas vu venir la tempête. Vos mesures trop tardives ne changeront rien aux métamorphoses apocalyptiques que nous prépare l'année 2018.

     

    Pascal Décaillet