Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 6

  • Ne faites pas cela, M. Trump !

    15970771.jpg?sharp=10&vib=20&w=1200 

    Sur le vif - Mercredi 06.12.17 - 13.50h

     

    En s'apprêtant, d'ici quelques heures, à reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, Donald Trump va commettre une faute politique de tout premier plan, depuis qu'il est aux affaires.

     

    Une faute, par rapport aux autres acteurs du Proche et du Moyen Orient. Le monde arabe. Mais aussi le monde perse. Faut-il rappeler que la Mosquée al-Aqsa est l'un des quatre lieux saints de l'Islam ?

     

    Ville "trois fois sainte", confluent du judaïsme, du christianisme et de l'Islam, Jérusalem appartient, par sa nature incomparable, au patrimoine de toute l'humanité. Ces trois religions doivent pouvoir s'y exercer en paix, l'une à côté de l'autre. Il faudrait idéalement, pour atteindre cela, une zone démilitarisée. Le moins qu'on puisse dire est qu'on en est assez loin.

     

    A Jérusalem, Israël a sa place, qui est grande et ne saurait être niée. Mais la Palestine aussi, en tant qu’État, libre, souverain, indépendant, dans des frontières antérieures à celle de 1967, donc avec autorité sur la partie orientale de la ville. Et les couvents chrétiens, principalement là-bas de rite oriental, syriaque, arménien, géorgien, copte, doivent pouvoir y exercer toute la richesse de leur spiritualité.

     

    Comment pouvez-vous atteindre un tel but, en reconnaissant cette ville unique au monde comme la capitale de l'un des États en conflit ? La gifle, pour le monde arabe et musulman, tout autour, mais aussi pour un monde persan en pleine renaissance de ses capacités, serait dévastatrice.

     

    Aucun amoureux du Proche-Orient (j'en fais partie) ne peut souhaiter une telle décision américaine. Au demeurant, d'aucuns se demanderaient si, dans ces conditions d'obédience à certains groupes de pression, il n'eût pas été plus simple de voter pour l'original. Entendez pour Mme Clinton.

     

    Pascal Décaillet

     

  • 25 ans après : je vous raconte mon 6 décembre

    file6n2tekeb6z71mcskgkr4.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.12.17

     

    6 décembre 1992 : il y a juste 25 ans, le peuple et les cantons disaient non à l’Espace économique européen (EEE). Du côté du peuple, un non de justesse, avec un clivage ville-campagne, très marqué. Du côté des cantons, une Suisse alémanique qui disait non, ainsi que le Tessin. Une Suisse romande, avec les deux Bâle, donc pour être précis une Suisse occidentale, qui disait oui, mais se trouvait minorisée. En 32 ans de journalisme politique, la campagne EEE a été la plus importante que j’aie eue à traiter, celle où les enjeux apparaissaient comme les plus vitaux. Correspondant, à l’époque, au Palais fédéral, je l’ai couverte à fond, dans toutes les régions du pays, suivant à la trace un homme d’Etat inoubliable, Jean-Pascal Delamuraz, ainsi que le valeureux combattant Adolf Ogi. Et voyant poindre, de l’autre côté, l’ombre d’un Commandeur qui allait dicter la politique suisse pendant le quart de siècle à venir : un certain Christoph Blocher. Que je connaissais déjà, depuis 1986.

     

    Je le dis tout net : j’étais partisan de l’EEE. Dans mes commentaires, je défendais cette position, très franchement. Etais-je, comme beaucoup de correspondants parlementaires, sous l’emprise de Jean-Pascal Delamuraz, de son verbe, de son charme, de ses formules, de son humour ? La réponse, sans doute, est oui. Un quart de siècle plus tard, je mesure, non sans dimension critique à mon propre égard, à quel point nous, les Romands, avions tendance à reproduire le discours de ce diable d’homme, et… à sous-estimer la verticalité tellurique du non. Nous avons eu tort, c’est certain. Nous allions, en quelque sorte, à Waterloo, sans nous imaginer pouvoir y rencontrer Blücher, le redoutable Maréchal Vorwärts, ce Prussien de 73 ans qui allait décider de la victoire, au soir du 18 juin 1815. Blücher, Blocher, ça sonne un peu la même chose, non ?

     

    Oui, nous étions partis la fleur au fusil, comme de jeunes soldats qui sifflotent, dans l’innocence de ce qui les attend. Le 1er mai 1992, sept mois avant, j’avais couvert, à Porto, la cérémonie de signature de l’Accord EEE, en présence de toutes les huiles de la Communauté européenne et de l’AELE (Association européenne de libre-échange). Il faisait beau. La délégation suisse était de bonne humeur. Il nous semblait, à tous, que la ratification par le peuple et les cantons, quelques mois plus tard, ne serait qu’une formalité. Pauvres de nous ! Epris de modernisme continental, nous avions juste totalement sous-estimé le poids de la Vieille Suisse, mais aussi la volonté inébranlable d’une majorité de nos compatriotes de demeurer un pays souverain, même si l’Accord EEE ne mettait pas, officiellement, en cause ce point. Bref, Berne était allé trop vite, le taureau Delamuraz en tête. Plus vite que la musique !

     

    25 ans après, beaucoup me disent qu’au fond, les Suisses ont eu raison, le 6 décembre 1992, de voter non. C’est peut-être vrai. Mais cette campagne hors-normes a été celle de toutes les énergies de ma jeunesse. En suivant, à la trace, un homme que je ne suis pas prêt d’oublier, parce qu’il incarnait la passion joyeuse de l’Etat, frémissante comme le souffle de la vie : Jean-Pascal Delamuraz.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La lyre d'Orphée

     

    Sur le vif - Mardi 05.12.17 - 14.30h

     

    Il y avait tout de même, avec Jean d'Ormesson, quelque chose de singulier.

     

    Tout le monde le connaissait. Tout le monde l'adorait. Tout le monde l'écoutait - je dis bien "l'écoutait" - avec enchantement. Il faut dire qu'il parlait merveilleusement. Je dis bien "il parlait".

     

    Bref, tout le monde reconnaît comme "écrivain" (et je ne nie pas, une seule seconde, qu'il le fût), un homme que l'on connaissait principalement pour... le son de sa voix.

     

    Sur tous ces gens, combien ont-ils vraiment lu ses livres ?

     

    Certains, bien sûr. Ou même beaucoup, je veux bien. Mais évidemment pas tous.

     

    Voilà donc un diable d'homme qui écrivait des livres. Et auquel tous donnaient quittance d'être "un grand écrivain". Non pour avoir lu ses ouvrages... Mais pour avoir été envoûtés par le son de sa voix.

     

    Il y a, dans ce destin, comme un hommage lointain à la lyre d'Orphée.

     

    Pascal Décaillet