Sur le vif - Vendredi 06.01.17 - Jour des Rois - 17.17h
Certains voudront y voir une filiation commune dans l’ordre de la Dranse, ou une fascination partagée pour la verticalité glissante des pentes du Catogne. Qu’ils y voient ce qu’ils veulent. D’autres relèveront une complicité dans l’amour du pays physique, ce Valais des sentiers, des sources, de la lumière qui scintille sur chaque pierre, dans chaque âme, chaque cœur. Culture commune, oui. Souches, c’est sûr. Horizons reconnaissables, montagnes nommées, cols, et jusqu’à d’insoupçonnés ruisseaux de montagne, aux patronymes divinatoires.
Il y a de cela, certes. La politique est chose complexe, où le rationnel, sans rémission, le dispute à l’affectif. En Valais, j’ai mes racines. Je ne les oublie jamais. Telle vallée, entre les monts, me sera pour toujours maternelle. Telle autre, où le Trient rencontre l’Eau Noire, paternelle. L’Histoire du Valais, en tout cas depuis 1798, je l’ai en moi.
Je connais Christophe Darbellay depuis une petite vingtaine d’années. Je l’avais reçu en radio, la toute première fois, à Forum, alors qu’il était numéro deux de l’Office fédéral de l’Agriculture. Très vite, j’ai compris qu’il irait loin. Par son intelligence. Mais aussi, par la rapidité de l’instinct. Depuis longtemps, je connaissais son oncle Vital, un homme admirable, tellement chaleureux, qui présidait le groupe PDC du National quand j’étais correspondant politique à Berne. Vital Darbellay : la sève et le sourire du christianisme social, comme si Rerum Novarum (1891) s’incarnait, renaissant de la poussière. Christophe vient de ce monde-là, c’est important. Cette origine indique d’autres priorités, d’autres références, d’autres valeurs, que la seule arrogance du pouvoir.
D’aucuns me disent : « Pourquoi soutiens-tu Darbellay, tu es plus à droite que lui, tu as condamné publiquement (dans l’édito du Nouvelliste) son comportement face à Blocher, en décembre 2007 ? ». Ils ont raison de me poser cette question, je les comprends. Il est vrai que l’ensemble de mes adhésions politiques, constamment réaffirmées, lutte pour la souveraineté du pays, soutien à l’initiative du 9 février 2014, volonté de réguler fermement les flux migratoires, combat pour le protectionnisme, principalement en matière agricole, tout cela me rapproche rationnellement plus de l’UDC que la ductilité du Flandrin des Glaciers.
Mais voilà, la politique transcende souvent le périmètre du rationnel. Je ne connais pas personnellement M. Voide, n’ai strictement rien contre lui, ai même entendu qu’il avait fort bien présidé le Grand Conseil, et lui reconnais le droit de tenter sa chance. Mais la méthode, allez disons-le comme cela, ne m’inspire que modérément. J’aime les hommes seuls. J’aime ceux qu’on attaque. J’aime, en chacun de nous, l’ultime carré de fierté face à la mitraille adverse. Voilà pourquoi, étant moi-même fort seul en décembre 2007, j’avais attaqué Darbellay, dans l’affaire Blocher, sur une question de positionnement politique, je n’en renie rien. Voilà pourquoi, aussi, je ne l’ai jamais attaqué sur d’autres terrains, préférant le silence à la meute boulevardière.
Le corps électoral valaisan, en mars, choisira-t-il M. Darbellay ou M. Voide ? Je n’en sais rien. Mais j’apporte ici mon soutien au premier des deux, non contre le second, mais parce qu’il me semble que la politique valaisanne, dans cette élection, dispose d’une occasion unique de conduire aux affaires une génération nouvelle. Des hommes qui, avant de se présenter à Sion, ont joué un rôle important à Berne. Le Valais ne pourra que bénéficier de leurs réseaux, de leurs connaissances des arcanes nationales. Dans ces hommes, il y a depuis quatre ans Oskar Freysinger. Il pourrait y avoir, cette année, Christophe Darbellay et/ou Stéphane Rossini. Génération nouvelle, oui, professionnalisée par l’ascèse à la politique fédérale.
Comme vous le savez, il m’est arrivé naguère de faire un peu de radio. J’ai lancé, il y a seize ans, la formule actuelle de Forum, une heure entière avec des invités en direct et plusieurs débats, ancrés dans l’actualité du jour. J’ai produit et dirigé cette émission pendant un peu plus de cinq ans. C’était une époque héroïque, où nous lancions sur les ondes, en tout premier, ceux qui allaient faire la politique suisse, dans les années suivantes. Pierre-Yves Maillard, Pierre Maudet, Christophe Darbellay, Oskar Freysinger. Nous n’étions pas, à l’époque, des repreneurs d’informations, nous en étions plutôt les créateurs, à la source. J’ai vu arriver Darbellay au National, en 2003, j’ai vu à quelle vitesse il a pris l’ascendant, je l’ai vu conquérir, puis tenir une décennie le parti. Franchement, au-delà des positions idéologiques, j’étais soufflé par l’animal politique. Je le suis encore.
A partir de là, le corps électoral valaisan fera ce qu’il voudra. Et son choix devra être respecté. Mais j’ai tenu, publiquement, à affirmer ici un soutien. Il va à l’homme d’expérience, d’intelligence, et surtout d’un rare instinct. Il va, surtout, à l’homme tout court, pour lequel je n’ai jamais caché ma sympathie. D’aucuns me maudiront d’avoir commis ces lignes. D’autres s’en réjouiront. Cela m’est égal. Je n’écris ni pour plaire, ni pour caresser l’opinion. J’ai des choses à dire, je les dis, c’est tout. Bonne chance au Valais : ce canton d’exception n’a pas fini d’étonner le reste de la Suisse.
Pascal Décaillet