Sur le vif - Jeudi 05.01.16 - 12.39h
Nos beaux esprits, qui ont cassé du Serbe pendant toutes les années 1990, et passé une décennie à émettre des jugements à l'emporte-pièce, sans rien connaître à la complexité des Balkans, ni à leur Histoire, auront-ils le loisir de se pencher sur le procès de cet adorable ancien Premier Ministre kosovar, accusé des pires exactions sur des Serbes au moment où il était actif dans "l'Armée de libération du Kosovo", dont tout le monde connaît l'infinie douceur, notamment en matière de trafic d'organes ?
Comme le rappelle à l'instant Alain Franco, à la RSR, lors du premier procès de cet individu, peu après les événements, Carla del Ponte avait eu toutes les peines du monde à réunir des preuves contre lui, les services américains ayant tout fait pour éliminer les traces. De nombreux témoins à charge avaient été purement et simplement éliminés. Il fallait accréditer l'idée que le Bien était du côté kosovar, le Mal du côté serbe. Image construite, imposée, par les Américains et les Allemands, gobée avec jouissance et avidité par nos chers intellectuels, eux dont la distance critique devrait justement être le fleuron.
Eh oui, les guerres balkaniques des années 1990-2000, que pour ma part j'ai suivies de très près, m'étant rendu sur place et ayant accumulé documents et témoignages, c'était aussi cela. Mais personne n'en parle, ou si peu.
L'Histoire de ces guerres demeure totalement à écrire. Pendant dix ans, nos braves intellectuels parisiens, relayés par quelques perruches romandes, n'y ont vu que du feu. Désignant d'emblée, dès l'automne 1990, le coupable et les victimes, le méchant et les gentils, ne voulant décrypter les évènements que par le prisme des "droits de l'homme", refusant de prendre en compte la complexité de l'Histoire balkanique, ainsi que (par exemple) le rôle des services secrets allemands de ce cher M. Kohl, dans l'affaire du Kosovo, et plus généralement dans le démembrement de la Yougoslavie, ces beaux esprits ont fait preuve de l'une des plus grandes cécités de l'Histoire européenne de l'après-guerre.
Ils n'ont rien vu. Ni le jeu des Allemands. Ni celui des Américains. Ils ont applaudi, béats, au bombardement de Belgrade, en avril 1999, alors même qu'Helmut Schmidt, ancien Chancelier d'Allemagne fédérale, répondant le jour même à mes questions dans son bureau de Hambourg, les condamnait vivement.
Quand je dis que 2017 doit être l'année de la lucidité, c'est contre cet immense cortège d'aveugles en chemises blanc lustré, s'avançant dans un noir d'ébène en psalmodiant la morale, que je veux, plus que jamais, rétablir - là où j'ai les connaissances nécessaires - la vérité des faits.
Non pour "réinforner", ce mot nouveau m'insupporte. Mais pour informer, tout simplement.
Pascal Décaillet