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  • La Confrérie des Evanescents

     

    Sur le vif - Vendredi 21.11.14 - 17.05h

     

    Un conseiller d’Etat chargé des transports qui parle trop, dit tout et n’importe quoi, oublie de réfléchir avant de s’exprimer. Un ministre de la police qui se tait. Un président qui rase les murs. Diaphane collégiale ! Dont le chœur serait aphone, la vocation muette. A l’instar de ces carrés de prière, aux heures pâles des matines, en pulsionnelle attente d’apparition. Oui, le gouvernement a donné cette semaine l’impression d’un couvent de l’armée morte, en deuil de son propre épuisement. Comme si, au cinquième seulement d’un mandat qui apparaît comme interminable, il avait déjà atteint l’extrémité de son souffle, le Finistère de ses capacités.

     

    Pour en être déjà là, à ce degré d’épuisement dans l’ordre de la cohérence et de la lisibilité, c’est tout de même un peu tôt dans la législature. Dans l’affaire des TPG, la communication a été catastrophique. Le ministre des transports évoque mardi soir, dans la veillée d’armées de la grève, une présence de la police sur laquelle il n’a manifestement aucune garantie de son collègue chargé de la sécurité. Donc, soit il s’est avancé seul, sans couverture, a tenté le bluff, a tout raté. Soit, on lui avait donné un semi-feu vert, et on l’a laissé tomber, ce qui en dit long sur l’estime qu’on lui porte du côté des deux ministres radicaux.

     

    Il est vrai que chez ces gens-là, extatiques du conciliabule, on n’aime pas trop les collègues trop bavards. On est excédé par son sens de la fête, avec lui c’est tous les jours la Saint-Martin, le cochon qu’on étripe, la joie de vivre, l’omniprésence sur les réseaux virtuels. De quoi rendre cinglés le Grand Horloger de la machine d’Etat, et l’éternel jouvenceau surdoué qui ne se calmera que lorsqu’ il sera commissaire européen. Autant l’autre PDC, qui fut six fois Maire et maintes fois père, est immédiatement, dès le premier jour, entré dans la tonalité qu’on attendait de lui, autant le vociférant motard déroute. Il est vrai que cette semaine, en matière de perte de contrôle et de sortie de piste, il a fait fort.

     

    L’une des fonctions magnifiquement perverses d’un conflit social est de servir de révélateur (oui, comme en médecine) des dysfonctionnements du pouvoir en place. En l’espèce, elle fut accomplie au-delà de toute espérance. Rarement gouvernement n’aura aussi mal réagi à une grève dont tout le monde admettra qu’elle était, somme toute, plutôt bénigne. Tout le monde, à part le PLR, dont la belle jeunesse aurait intérêt, avant de dire et d’écrire n’importe quoi, à se renseigner un peu sur le tragique dans l’Histoire. Car enfin, ces jeunes encravatés qui voudraient déjà tant ressembler à leurs aînés, entrer dans la carrière, que savent-ils du travail et de sa souffrance, des rythmes et des cadences, de l’organisme qui vieillit dans un corps d’homme ou de femme, encore et toujours sollicité pour demeurer à l’ouvrage ?

     

    En résumé, on nous promet la police, mais elle ne vient pas, Dieu merci d’ailleurs. On nous promet le service minimum dès 06.30h, mais il n’y en aura aucun. L’orage passé, on cherche lâchement des coupables, en laissant entendre que l’échelon de responsabilité ne serait pas celui du gouvernement, mais celui de la présidente de la régie. Déjà, cette dame semble pouvoir faire ses valises. Déjà sans doute, lui a-t-on désigné un remplaçant. Un homme du sérail. Un fidèle. Un qui ne fera pas d’histoires. Il y en a, comme cela, deux ou trois, dans les carnotzets de la Confrérie, parfaitement interchangeables, d’une régie l’autre, pour parodier Céline. Nous ne sommes certes pas encore à Sigmaringen. Mais l’exil intérieur, déjà, habite le royaume. Et il nous reste quatre ans avec cette équipe-là. Putain c’est long, quatre ans. Comme un chemin de pénitence dans la friche du couvent.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Maudet doit balayer devant sa porte

     

    Commentaire publié dans GHI - 19.11.14


     
    La grande mode, dans la presse romande, c’est de dérouler le tapis rouge à Pierre Maudet pour qu’il puisse s’exprimer, sans le moindre contradicteur et si possible sur une double page, sur tous les sujets possibles et imaginables, comme représentant du progrès, de la vision d’avenir, de la réforme. Dernier épisode en date : deux pages du Temps, vendredi 14 novembre, pour que le surdoué de la politique genevoise nous dise tout le mal qu'il pense de la classe politique suisse, incapable à ses yeux de construire un après-9-février.


     
    Tout cela est très bien, et j’avoue être le premier, lorsqu’il vient sur mon plateau TV, à décocher à Maudet ces fameuses « questions subsidiaires », que nous adorons lui et moi, et où il est souvent bien meilleur, dans les réponses, que sur les sujets – parfois pesants – sur lesquels il était censé venir. Mais l’exercice commence à présenter des limites : à trop briller hors de son cercle d’autorité (la sécurité à Genève, ce qui n’est pas rien !), l’éternel jouvenceau aux mille ruses pourrait encourir le grief de botter en touche. Et se voir formuler l’invitation à balayer devant sa porte, s’occuper des sujets qui le regardent, ceux sur lesquels il a prise.
     


    Justement, ces derniers ne manquent pas. Malaise dans la police, grogne dans le monde pénitentiaire, directeur de Curabilis qui démissionne, police des polices envoyée sur place, pour ne prendre que quelques exemples. Dès lors, un peu plus de parole intérieure et un peu moins de propos externes ne seraient pas nécessairement à négliger. Vous remarquerez à quel point, dans ma formulation, je demeure poli. Parce que Pierre Maudet, au fond, je l’aime bien.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Grève TPG : le PLR perd les pédales

     

    Sur le vif - Mercredi 19.11.14 - 16.20h

     

    Coïncidence : le jour même où nombre de Genevois enfourchent leur vélo, le PLR s’emploie à perdre les pédales. Dans l’affaire de la grève des TPG, on peut lire, çà et là, sous les plumes érectiles de certains membres de ce parti, des propos dont les intonations rappellent allègrement les très riches heures de MM Cavaignac ou Thiers, orfèvres dans l’art de la répression. De la présidence du parti, dont les accents soudainement virils abreuvent nos sillons, jusqu’à de jouvencelles voix, tout occupées à plaire à leurs conseillers d’Etat, ah plaire à François, plaire à Pierre, plaire à « Monsieur Longchamp », comme l’appelait naguère Béatrice Fuchs, dans la phase antérieure à celle de sa révolte, disons sa période rose.

     

    On pensait que le propos premier de cette belle journée ensoleillée serait la chronique d’une grève. On entendait déjà les accents de l’Internationale génialement revisitée par Stéphane Grappelli (Milou en Mai) ravir nos mémoires. Las ! Nous n’eûmes le spectacle politique que de l’obédience de l’Entente, principalement PLR, devant le quatuor majoritaire qui la représente au Conseil d’Etat. Hier soir, le ministre des transports annonce tambours battants à « Genève à chaud » l’intervention de la police, tout en assurant le service minimum dès 06.30h. Résultat : ni police (nul ne s’en plaindra), ni service minimum, puisque ce fut au final le service zéro, tout étant bloqué.

     

    On se dit, dans tels cas, que la parole ministérielle mériterait d’être sept fois retournée, ainsi qu’il en va dans l’adage biblique. Au reste, le collègue ministre de la police était-il au diapason ? Et quand bien même il le fût, la police, dont on connaît à Genève la tendance prétorienne, aurait pu se refuser à intervenir contre des collègues de la fonction publique. Le beau gouvernement que voilà : un ministre qui dit ses transports tout haut, à qui manque une confidente racinienne, une sorte de Céphise, à l’aube des nuits cruelles. Un autre, chargé de la police, qui a l’habileté de se taire. Un président qui s’enrobe de silence et d’absence. Ça n’est plus un collège, c’est la confrérie de l’évanescence.

     

    Reste que le peuple genevois, par deux fois, a voté une baisse de tarifs. Que pour se venger, le Conseil d’Etat a voulu punir les usagers et les TPG par des baisses de prestations, des suppressions de postes et des licenciements. Que cette manière de faire, mesquine, suinte l’arrogance et surtout la défensive. Que la grève est dûment prévue dans notre ordre légal, et n’a strictement rien « d’anti-démocratique ». Enfin, que les petits valets et les petits laquais de leurs ministres gagneraient à s’affranchir, se durcir le cuir, se mesurer par l’opposition plutôt que par la servilité à leurs maîtres. Tout le reste n’est que catalogues de prestations ou nouvelles lignes de trams, sujets assurément captivants, mais que vous trouverez en d’autres chroniques, sous d’autres plumes, érectiles ou non.

     

    Pascal Décaillet