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  • Pascal, Joseph et l'Oncle Karl

     

    Sur le vif - Vendredi 24.05.13 - 19.17h

     

    Très bon débat, à Forum, entre Pascal Couchepin et Joseph Zisyadis sur l'élection du Conseil fédéral par le peuple. Des deux côtés, de bons arguments. Exactement les mêmes, de part et d'autre, depuis 25 ans. Et sans doute les argumentaires des deux premières votations (là, c'était la gauche qui était pour) de 1900 et 1942 étaient-ils à peu près, déjà, ceux de ce soir.



    Difficile d'attendre de Pascal Couchepin qu'il puisse intellectuellement adhérer à la réforme d'un système où a baigné l'intégralité de sa carrière politique. La Suisse ne se porte pas si mal, donc ne changeons rien. Ca se défend. Et assurément, le peuple et les cantons, le 9 juin, l'entendront ainsi.



    Beaucoup de non-dits, aussi, dans le débat: plus le parti est installé dans les arcanes du pouvoir, moins il veut réformer le système (Couchepin). Plus il en est exclu (Zisyadis), plus il peut se montrer audacieux. Comme les radicaux d'avant 1848, de 1848, et des premières décennies après 1848. Comme les catholiques-conservateurs d'avant 1891. Comme les socialistes d'avant 1943. Le vrai problème, derrière le paravent d'arguments aux senteurs de naphtaline (des deux côtés) est là: celui d'une dialectique entre la Suisse des notables du moment, ou disons d'un carrefour de notables, et celle des marges.



    Sous le prétexte d'un débat institutionnel. la réalité des choses est toujours celle d'un rapport de forces et de pouvoir. Oui, je sais, c'est une analyse marxiste. Ca tombe bien: Karl Marx était un exceptionnel observateur des tensions politiques et sociales de son siècle.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Richard Wagner, 200 ans, pas une ride

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    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 24.05.13


     
    Ma première rencontre avec Richard Wagner date du premier de mes nombreux séjours en Allemagne, en 1971. Pour un pré-adolescent amoureux de musique, au tout début de ses découvertes dans ce domaine, ce fut un choc. Plus de quatre décennies plus tard, mon étonnement premier demeure : celui d’une musique surgie de nulle part ailleurs, ne faisant écho à aucune antériorité. Les premières notes de Mozart rappellent (entre autres) Haydn, les débuts de Beethoven font penser à Mozart, l’univers de Bach et celui de Haendel – si puissamment différents soient-ils – usent de codes musicaux communs qui nous amènent, non à les confondre, mais tout au moins à les comparer.


     
    Avec Wagner, rien de cela. L’œuvre surgit. Je sais, nombre de musicologues, s’appuyant sur les premières œuvres, celles qui précèdent les dix opéras immortels, s’emploient à nous démontrer le contraire, notamment  la richesse de l’héritage beethovenien. Mais enfin, prenez la première grande œuvre, le Vaisseau fantôme, composé à l’âge de trente ans (1843) : dès l’ouverture et jusqu’à la note ultime, le fracas, le ressac et jusqu’à la tempête d’un nouveau style. Nous ne sommes que seize ans après la mort de Beethoven, un demi-siècle après celle de Mozart, mais cette musique-là relève d’un autre univers, d’autres altitudes, d’autres abysses, d’autres imaginaires. Richard Wagner n’est pas le musicien que je préfère : il est beaucoup plus que cela. Il est l’homme de l’œuvre totale (paroles, musiques, décors, tout de lui !), le magicien qui invente un monde. De peu d’artistes, on peut dire cela.


     
    J’ai vieilli avec Wagner. Adolescent, sur mes vinyles, je me passais en boucle les ouvertures et les tubes : Tannhäuser, Liebestod dans Tristan, Chevauchée de la Walkyrie, Maîtres-Chanteurs. Nourris de mes voyages en Allemagne, de ma grotte de Linderhof, de mes passages à Bayreuth et Nuremberg, je cultivais une image trop romantique de cet homme unique, oui je crois que je cédais au cliché Wagner. Plus tard, entre vingt et trente ans, j’ai lu les textes de ses livrets, en allemand, creusé son rôle politique autour des événements de 1848. Et, seulement après la trentaine, j’ai commencé à entrer dans l’aspect physique, corporel de l’œuvre : l’écoute attentive des parties chantées, notamment les solos et les duos. Cette dernière approche, qui m’aurait parue ennuyeuse à dix-sept ans, est aujourd’hui celle qui m’occupe le plus. Sur l’époustouflante chaîne musicale Mezzo, je ne manque pas un Wagner.


     
    Demeure la puissance d’une œuvre. Originale, « ursprünglich ». La totalité d’une pensée artistique. Le duo final de la Walkyrie avec son père. La puissance, après les Lumières et l’Aufklärung, après l’occupation napoléonienne, du retour aux mythes fondateurs de la culture allemande. Disons que tout cela pourrait s’appeler le génie d’un homme. Et que, le désignant ainsi, nous n’aurions encore rien dit du tout.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Et l'école, bordel !

     

    Commentaire publié dans GHI - 22.05.13
     
     
    Après une décennie de Charles Beer, l’école genevoise aura, dès novembre, un nouveau patron. Qui ? L’un des candidats actuels au Conseil d’Etat ! Eh oui, il existe à Genève un personnage connu de nous tous, de gauche ou de droite, qui, par la force des choses, sera cet automne notre nouveau ministre de l’Instruction publique. Le sait-il lui-même ? Reprendra-t-il le DIP à son corps défendant ? Va-t-on confier ce Département capital à un petit nouveau, sans Histoire et sans culture, sans le frottement de la mémoire, sans une équation personnelle puissante avec le principe même de l’école, la transmission du savoir ?


     
    Ce scénario serait catastrophique. Je crois être le seul, à Genève, en ce printemps de pré-campagne, à thématiser des débats sur le sujet. Les partis, pour l’heure, s’en désintéressent, ne parlant que sécurité, logement, mobilité. Ils ne viennent débattre de l’école, ce qu’ils font poliment, que si on leur en impose le thème. C’est tout de même inouï ! Que transmettre à nos enfants ? Comment organiser l’accès aux connaissances des générations futures. Quelles priorités ? Comment mettre en application la nouvelle norme constitutionnelle qui rend la formation obligatoire jusqu’à 18 ans. Comment valoriser l’apprentissage, rendre sa noblesse à ce magnifique mot, « le métier ». Si ces sujets-là ne sont pas majeurs, alors lesquels ?


     
    En arbitrant à la Pentecôte un débat entre deux hommes intelligents, le socialiste Thierry Apothéloz et le MCG Mauro Poggia, je me suis rendu compte que le legs de Charles Beer n’était, au fond, pas si contesté. Et qu’il s’agissait avant tout, aujourd’hui, d’aller de l’avant. En privilégiant les solutions concrètes sur les grands combats frontaux – comme les notes – d’il y a dix ans. C’est bien. Mais la nouvelle ère, incarnée par une nouvelle personne, aura besoin d’un nouveau souffle. J’ai déjà écrit ici que le DIP gagnerait à être repris par une personnalité radicale, je dis bien radicale. Parce que c’est un parti d’Etat, qui a fait nos institutions, ne se laisse pas enivrer par la puissance de l’argent, organise la répartition autrement qu’en sandales. Mais cela n’engage que moi. Je porterai, jusqu’à cet automne, le débat sur l’avenir de l’école à Genève, j’amènerai les candidats à sortir du bois.


     
    Pascal Décaillet