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Richard Wagner, 200 ans, pas une ride

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Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 24.05.13


 
Ma première rencontre avec Richard Wagner date du premier de mes nombreux séjours en Allemagne, en 1971. Pour un pré-adolescent amoureux de musique, au tout début de ses découvertes dans ce domaine, ce fut un choc. Plus de quatre décennies plus tard, mon étonnement premier demeure : celui d’une musique surgie de nulle part ailleurs, ne faisant écho à aucune antériorité. Les premières notes de Mozart rappellent (entre autres) Haydn, les débuts de Beethoven font penser à Mozart, l’univers de Bach et celui de Haendel – si puissamment différents soient-ils – usent de codes musicaux communs qui nous amènent, non à les confondre, mais tout au moins à les comparer.


 
Avec Wagner, rien de cela. L’œuvre surgit. Je sais, nombre de musicologues, s’appuyant sur les premières œuvres, celles qui précèdent les dix opéras immortels, s’emploient à nous démontrer le contraire, notamment  la richesse de l’héritage beethovenien. Mais enfin, prenez la première grande œuvre, le Vaisseau fantôme, composé à l’âge de trente ans (1843) : dès l’ouverture et jusqu’à la note ultime, le fracas, le ressac et jusqu’à la tempête d’un nouveau style. Nous ne sommes que seize ans après la mort de Beethoven, un demi-siècle après celle de Mozart, mais cette musique-là relève d’un autre univers, d’autres altitudes, d’autres abysses, d’autres imaginaires. Richard Wagner n’est pas le musicien que je préfère : il est beaucoup plus que cela. Il est l’homme de l’œuvre totale (paroles, musiques, décors, tout de lui !), le magicien qui invente un monde. De peu d’artistes, on peut dire cela.


 
J’ai vieilli avec Wagner. Adolescent, sur mes vinyles, je me passais en boucle les ouvertures et les tubes : Tannhäuser, Liebestod dans Tristan, Chevauchée de la Walkyrie, Maîtres-Chanteurs. Nourris de mes voyages en Allemagne, de ma grotte de Linderhof, de mes passages à Bayreuth et Nuremberg, je cultivais une image trop romantique de cet homme unique, oui je crois que je cédais au cliché Wagner. Plus tard, entre vingt et trente ans, j’ai lu les textes de ses livrets, en allemand, creusé son rôle politique autour des événements de 1848. Et, seulement après la trentaine, j’ai commencé à entrer dans l’aspect physique, corporel de l’œuvre : l’écoute attentive des parties chantées, notamment les solos et les duos. Cette dernière approche, qui m’aurait parue ennuyeuse à dix-sept ans, est aujourd’hui celle qui m’occupe le plus. Sur l’époustouflante chaîne musicale Mezzo, je ne manque pas un Wagner.


 
Demeure la puissance d’une œuvre. Originale, « ursprünglich ». La totalité d’une pensée artistique. Le duo final de la Walkyrie avec son père. La puissance, après les Lumières et l’Aufklärung, après l’occupation napoléonienne, du retour aux mythes fondateurs de la culture allemande. Disons que tout cela pourrait s’appeler le génie d’un homme. Et que, le désignant ainsi, nous n’aurions encore rien dit du tout.


 
Pascal Décaillet

 

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