Sur le vif - Samedi 29.06.13 - 17.42h
A nouveau un remarquable numéro de Gauchebdo (no 26-35, spécial été, 28 juin 2013). Un journal qui respecte ses lecteurs, ne les prend pas pour des demeurés, leur élargit le champ du possible. Pour le seul volet culturel de cette édition, on retiendra, en vrac, une demi-page sur le Festival de Lucerne, d'Ernest Ansermet à Claudio Abbado; un papier sur la réédition de "La Pacification" de Hafid Keramane, sur les heures noires de la guerre d'Algérie; une page complète autour des 125 ans de Gottlieb Duttweiler, le fondateur de la Migros, avec un encadré plutôt sévère sur la mégalomanie de ses épigones. Ou encore, un bel hommage à Jean Ferrat.
Gauchebdo, le journal de quelques militants communistes suisses, enfin disons Parti du Travail et poussières de météorites gravitant autour, qui nous propose, au mètre carré de pagination, la meilleure densité du week-end. Pour nous ouvrir des horizons historiques, philosophiques et artistiques. Non à la manière de Circé, qui transforme en pourceaux les compagnons d'Ulysse. Mais comme des humains fiers de leur plume, habités par l'idée de transmettre au plus grand nombre, à commencer par ceux qui n'ont pas nécessairement un accès facile à la culture. Noble tâche !
Pendant ce temps, la presse orangée de la semaine (pas celle du dimanche, j'en conviens), captive de ce méga-groupe transformé par les Zurichois en machine à fric et rien d'autre, et fabriquée par une armada de collaborateurs en comparaison du modeste et artisanal successeur de la Voix ouvrière, nous produit de la sous-culture sur des sujets frivoles, pétaradants d'insignifiance, totalement dénués d'intérêt public. Il y a de quoi enrager.
Cette disproportion, ce jeu de fange et d'éclairs, d'un côté des fragments d'intelligence, de l'autre le boueux mépris du public, il faudrait n'en point parler ? Se taire ? Laisser au vestiaire sa révolte. A cela, je dis non. Le presse romande mourra de son manque d'ambition et de courage. Il est tout de même assez fou qu'il appartienne à une feuille politique datant de 1944, fruit de la passion d'une poignée de Mohicans, de sauver ce qui reste d'honneur. Ils sont là, roides et fiers, archaîques paraît-il. Les autres, dégoulinant de modernité creuse, ne sont plus qu'en génuflexion. Pour certaines activités, visant à l'extase de l'actionnaire, c'est sans doute plus facile.
Pascal Décaillet