Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.04.25
Les chiffres sont là. Et ils sont accablants. Les pertes des radios RTS, en audience, depuis l’abandon de la FM, au 1er janvier 2025, sont phénoménales. Des dizaines de milliers d’auditeurs fidèles jusqu’au 31 décembre 2024, peu enclins à se recycler de façon obligatoire en achetant des appareils « DAB+ », ont gardé leurs récepteurs FM, et ils écoutent les radios privées régionales. Ou, comme votre serviteur, France Inter, France Culture, et surtout l’indispensable France Musique. Ils y gagnent de belles émissions, mais ils perdent quelque chose d’absolument essentiel : la proximité, le pays, la vision supra-cantonale, les enjeux nationaux suisses, bref le lien entre nos compatriotes. Spécialiste, depuis quarante ans, de politique suisse, ancien correspondant à Berne, ancien chef de la rubrique Nationale, je me suis battu toute ma vie pour ce lien. C’est dire si cette décision scélérate de la SSR, abandonner la FM, me révulse. Les responsables, au plus haut niveau, de cette mesure mortifère, doivent être sanctionnés avec sévérité.
Car la FM, entendez la transmission par la bande hertzienne, fonctionne parfaitement. C’est une toile magnifique, patiemment tissée depuis des décennies, sur l’ensemble de notre pays, avec son relief compliqué. Les antennes sont là. C’est une technique légère, volatile, souple, adaptable à tous les terrains, qui garantit notre indépendance en cas de conflit. La FM a fait ses preuves. Dans nos appartements, nos jardins, nos promenades, et surtout nos voitures. J’écoutais, toute ma vie, la RSR au volant, je me suis très vite habitué, j’écoute désormais France Musique, je m’en porte très bien. Et si moi, drogué d’info suisse, ancien producteur des Matinales, du 12.30h et surtout de Forum, je m’accoutume si vite, imaginez la masse des gens moins viscéralement concernés. Je le dis à la SSR : ceux qui vous ont quittés ne reviendront plus. Vous avez cassé un lien qui n’est pas seulement médiatique, mais politique, culturel, national, un lien des tripes, un lien du cœur !
La SSR doit reconnaître son erreur. Virer la bande de modernistes qui a contribué à cet abandon. Et réactiver au plus vite la FM. L’enjeu n’est pas technique, et ne doit en aucun cas être laissé aux mains des technocrates. Non, l’enjeu est citoyen, et il est national. Quand je suis arrivé à Berne, comme correspondant parlementaire, il y a 35 ans, nous avons créé, avec mes collègues, la revue de presse alémanique, en direct le matin, sur la RSR. Je me levais avant cinq heures, je me rendais à pied à la gare de Berne, j’allais au kiosque où une gentille dame ne préparait tous les matins un paquet ficelé avec les journaux tout frais, NZZ, Tages Anzeiger, Blick, Berner Zeitung, Bund, Basler Zeitung, Weltwoche, Wochenzeitung, etc. Puis, toujours à pied, j’arrivais au Palais fédéral. Deux heures pour décortiquer. Et enfin, en direct, j’amenais à mes compatriotes romands la vision alémanique du monde. Tisser des liens à l’intérieur du pays. Il faut virer les technocrates. Et refaire, infatigablement, ce lien. C’est cela, notre mission.
Pascal Décaillet