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L'Histoire, école d'incertitude et de fragilité

 
 
Sur le vif - Mardi 15.04.25 - 16.09h
 
 
Je ne peux pas vivre aussi intensément dans les témoignages du passé, sans m'interroger constamment, en parallèle, sur la nature même de la démarche historique. Nous en parlerons d'ailleurs ce soir à GAC, avec Maryam Yunus Ebener, Jacques Berchtold et Laure Lugon Zugravu.
 
Je ne parle ici que pour moi-même, au nom de mon expérience, sans avoir nullement l'intention de donner, après tant d'autres, ma propre définition de l'Histoire.
 
Je veux simplement parler d'une école de liberté. Intellectuelle, mais pas seulement. Je suis plongé à fond, vous le savez, dans l'Histoire allemande, de 1522 (traduction de la Bible par Luther, acte fondateur de la littérature allemande moderne) à nos jours. C'est un chemin, c'est une expérience de vie.
 
Plus j'avance, plus je suis pris de vertige. Face à l'immensité du champ. Mais aussi, par mon intuition de fils conducteurs qui, tels un leitmotiv chez Wagner (ou mieux encore, chez Richard Strauss), mêleraient des histoires d'apparences disparates. Redécouverte de la poésie grecque au 18ème siècle, à l'époque de Hölderlin. Histoire musicale, évolution des styles, importance du monde des sons dans l'identité même des Allemagnes.
 
Et plus que tout, l'Histoire de la langue allemande elle-même, infiniment plurielle, dialectale, comme une variation du jeune Beethoven. La langue allemande, celle de Luther, celle des Frères Grimm, celle de Brecht, celle de Heiner Müller, celle de Christa Wolf. Je vais plus loin : nul ne peut prétendre, sauf à choisir l'assèchement, à une Histoire allemande, sans passer en profondeur par l'Histoire de la langue allemande. La langue, la poésie, la musique, sont VITALES dans le destin allemand lui-même.
 
Tout cela, pour esquisser quoi ? Mon vertige, face à un sujet que je me suis moi-même assigné et pour lequel je me suis de passion. Mais aussi, pour dire une chose : la connaissance historique, même définie par Thucydide, il y a 25 siècles, comme une "acquisition pour l'éternité" (premières lignes de sa Guerre du Péloponnèse), ne peut que frapper par sa fragilité. Le long de toute une vie, sur un même sujet (pour moi, l'Histoire allemande), l'image qu'on se fait d'une époque, d'un thème, va sans cesse se corrigeant, s'affinant, parfois même se contrariant elle-même. Il faut accepter de se laisser surprendre, contredire, malmener, par ces irruptions fragmentaires du réel. Ces poussières de vérité.
 
Il y a, dans ce chemin de vertige, une école de l'incertitude. Un appel à toujours tout remettre en question. A commencer par son propre savoir. C'est cette fragilité-là, je pense, qui devrait à elle-seule justifier le maintien d'un enseignement solide de l'Histoire à l'école. Sur le mode de l'initiation. Sur des sentiers trop escarpés, il n'est pas inutile de s'accompagner d'un guide.
 
 
Pascal Décaillet
 

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