Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.12.24
Aider la presse ? Et puis quoi, encore ? Vous voulez quoi, Monsieur le potentat socialiste ? Qu’on vous offre de la myrrhe, de l’encens ? Une biographie des satrapes d’Orient ? Qu’on grave votre nom dans la liste des mécènes ? Qu’on vous fasse couler un bain chaud ? Lait d’ânesse ? Oh, c’est vrai que les journaux se portent mal, les gens les lisent moins, ils préfèrent s’informer sur les réseaux sociaux. Est-ce un crime ? Un délit ? Une faute de goût ? Et il faudrait, Monsieur le potentat, que l’argent public, en clair celui des contribuables, vole au secours d’entreprises privées en difficulté ? Et s’ils avaient, peut-être, de profondes raisons, les gens, de se détourner depuis des années de ces journaux tournés sur eux-mêmes, obsédés par le microcosme, ces feuilles qui nous assènent le sociétal à la place du social, l’amnésie à la place de l’Histoire, la morale à la place de la lucidité ? C’est cet univers-là, Monsieur l’apprenti-mécène, que vous voulez à tout prix soutenir ? Avec l’argent des contribuables. Notre argent !
Dans « Genève à Chaud », je passe mon temps à monter des débats sur les secteurs stratégiques de l’économie suisse qui sont en difficulté, et que, selon moi, il faut aider. Je multiplie les débats sur l’acier suisse. Sur la sidérurgie. Sur la métallurgie. Sur les matériaux de construction. Sur l’agriculture. Parce qu’ils sont la clef de notre souveraineté. Que survienne un conflit d’envergure, autour de nous, et les échanges se tariront, comme on l’a vu à l’époque du Covid : dans la crise, chaque nation roule pour elle-même. Donc, oui, la Suisse doit impérativement sauver son secteur industriel, comme celui de ses médicaments, comme sa souveraineté agricole. En ayant, pour le moins, une stratégie de survie dans le domaine. Mais la presse, Monsieur le moraliste en chef ! En quoi est-elle vitale ? Ce qui est essentiel, c’est la liberté d’expression, la circulation des idées. Il se trouve, aujourd’hui, qu’elles sont portées par de meilleurs vecteurs sur les réseaux sociaux que dans les journaux traditionnels. En quoi le rôle des pouvoirs publics, avec l’argent des contribuables, aurait-il pour mission sacrée de renverser la vapeur ?
Alors, Monsieur le Grand-Prêtre du Bien, venons-en à vos vraies raisons. Vous et les vôtres, à gauche, ne voulez en aucun cas sauver la presse pour que triomphe la liberté des idées. Non, la presse, vous voulez juste la contrôler. Par l’intermédiaire d’improbables « Fondations », vous voulez installer des éléments de régulation, extérieure aux entreprises de presse, d’où vous pourriez, l’air de rien, le plus innocemment du monde, tirer les ficelles. Nominations, castings, choix éditoriaux. Il ne vous reste, Monsieur le Grand Maître, qu’à trouver un nom à votre « Fondation ». Je vous aurais bien proposé « L’Aventin », mais il semble que le créneau soir pris. « Le Capitole », autre colline romaine, ça fait un peu brasserie choucroute. Alors, il pourrait nous rester « La Roche Tarpéienne ». Vous me semblez tout indiqué, Monsieur le Consul à vie, pour la présider.
Pascal Décaillet