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La démocratie, c'est la bagarre !

 

Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.05.24

 

Notre magnifique Suisse de 1848, et des 175 ans qui ont suivi, est une démocratie, l’une des plus accomplies au monde. Au fil des décennies, elle a construit un système où le peuple, entendez le collège électoral des citoyens, a le dernier mot. Droit d’initiative en 1891, référendum, proportionnelle en 1919, décentralisation dans les Cantons : tant de peuples amis, autour de nous, étouffés par le pouvoir central de leur pays, envient notre système. La démocratie, cela signifie qu’on discute. Les citoyens et citoyennes, dans l’exercice de la démocratie directe (tenez, nous votons le 9 juin), s’expliquent entre eux, argumentent, se contrarient mutuellement, parfois s’engueulent, et c’est très bien !

 

La démocratie, ça n’est pas le consensus mou, posé au départ, celui que préconise le Centre marécageux. Non, ce sont les étincelles de deux silex, frottés l’un à l’autre. Le ton monte, les éclats de voix fusent, parfois de paisibles réunions de famille sont gâchées par l’intrusion d’un débat politique, et c’est très bien. La démocratie, c’est la bagarre pour des idées antagonistes, pas la paix des âmes, garante du sommeil des agneaux. Il est parfaitement normal, sur les grands sujets portés à l’arbitrage du peuple, que les citoyennes et citoyens s’expliquent avec vivacité. Normal de se brouiller pour des idées, y compris avec ses meilleurs amis.

 

Je me souviens parfaitement d’un pique-nique, avec des amis de ma famille, ce fameux dimanche de juin 1970 où les Suisses avaient voté sur l’initiative Schwarzenbach, qui voulait limiter le nombre des étrangers. L’agape champêtre avait plutôt bien commencé. Mais très vite, juste après l’apéro, un inconscient avait abordé le sujet qui fâche, l’ambiance en avait été refroidie ! 54 ans plus tard, je trouve cela très bien, c’était un bel exemple de démocratie vivante, celle où on s’affronte, pas celle où on roupille. Mon père était contre l’initiative, ma mère était plutôt pour, mais… à un an près, elle ne pouvait pas encore voter ! La discussion, pendant des semaines, avait enflammé le pays, comme dans ce dessin de Caran d’Ache, publié dans le Figaro du 14 février 1898, « Un dîner en famille ». Première image : « Surtout ne parlons pas de l’Affaire Dreyfus ». Seconde image : « Ils en ont parlé », et le banquet a tourné à la bagarre générale !

 

Alors, quoi ? Vous préférez le Marais ? Vous préférez le consensus comme point de départ, et non comme éventuel résultat d’un antagonisme ? Si c’est oui, je vous souhaite une douce et paisible nuit, celle des justes, celle de ceux qui ne prennent jamais de risques. Si c’est non, alors entrez dans l’arène. Faites valoir vos arguments. Ne vous laissez impressionner par personne. Soyez des hommes ou des femmes libres. C’est cela, la démocratie. Une parole, portée contre une autre. Le choc des arguments. Et puis, un beau dimanche, avec ou sans pique-nique, le peuple tranche. Et notre pays, doucement, avance. Excellente semaine !

 

Pascal Décaillet

Commentaires

  • Monsieur Décaillet,
    Oui, la démocratie directe Suisse est aujourd'hui la seule survivante en Occident. Elle trouve son origine dans notre devise millénaire 'Un pour tous, tous pour un' et la Landsgemeinde encore vivante en Appenzell où l'homme libre devant tous vote à main levée. Suisse où le pouvoir est confié par le peuple à une gouvernance collégiale permettant d'éviter le poison de l'individualisme.
    Etrange mais unique exception, les USA où la liberté de parole permet encore de mettre l'Administration en accusation devant le Congrès !
    Dans le reste du monde, et malgré le préjugé occidental, la démocratie directe existe et est restée effective dans toutes les civilisations depuis leur origine. L'Arbre à Palabres des tribus africaines, la consultation des Anciens ou des Sages dans les systèmes pyramidaux ou héréditaires Orientaux tels que les monarchies dans lesquels le peuple élit son chef et le démet ou l'assassine s'il excède sa mission, soit de gouverner pour le bien du peuple et non à son profit (Louis XVI et la Révolution française en Europe p. ex.). Ou encore l'Indonésie, pays musulman le plus peuplé du monde dont la devise est 'L'unité dans la diversité' et dans lequel toutes les religions autres que l'Islam sont respectées et protégées.
    En Occident le nomadisme et le tribalisme ont prévalu jusqu'à l'avènement de la sédentarisation et du principe de la propriété foncière, origine du prétendu développement économique et de l'accaparement égoïste des biens de ce monde. Qui s'en souvient ?

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