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  • Henry Kissinger : mort d'un géant

     
    Sur le vif - Jeudi 30.11.23 - 08.43h
     
     
    Un jour ensoleillé de 1999, alors que je faisais un jogging dans les parcs de mon quartier, ceux déjà de mon enfance, j'avais croisé Henry Kissinger avec Guy Mettan, devant la Perle du lac. Telle est la souriante perversité du monde : vous voulez vous en extraire, il vous rejoint. Je m'étais quand même dit "Sacré Guy !", en tentant de reprendre mon souffle.
     
    Henry Kissinger, qui vient de s'éteindre à Kent (USA) à l'âge de cent ans, six mois et deux jours, est l'homme, sous Nixon (69-74), qui a fait passer la diplomatie américaine de l'ère des bureaux feutrés à celle du marketing trans-galactique. Il était partout, on ne voyait que lui, il passait sa vie à descendre les escaliers d'un avion, partout sur la planète. Le premier qui ait su vendre la diplomatie comme des savonnettes.
     
    Le destin de cet homme brillant mérite d'être étudié dès sa naissance à Fürth, en 1923. Dans une Bavière en effervescence, marquée au fer rouge par la Révolution allemande (1918-1923), les luttes au couteau entre Spartakistes et Corps francs, la République des Conseils, la tentative de putsch de Hitler à Munich, le 9 novembre. L'homme qui vient de s'éteindre, un siècle après, venait de là, de ce contexte ! Issu d'une famille juive, il quitte l'Allemagne en 1938, l'année de la Nuit de Cristal, autre 9 novembre. Il devient citoyen américain, participe comme interprète, dans les renseignements, à la fin de la guerre, accumule les diplômes, devient prof de Sciences politiques, donne déjà des conseils à Kennedy.
     
    Mais c'est un autre homme, le Républicain Richard Nixon, qui fera de Kissinger le diplomate le plus connu du monde. D'abord, dès 69, comme Conseiller à la sécurité nationale, puis, dès le second mandat de 73, comme Secrétaire d'Etat. Brillante diplomatie, comme jamais : ouverture à l'Union soviétique, avec les premiers pas de la détente, ouverture à la Chine, préparation du voyage de Nixon à Pékin (qui donnera lieu à un magnifique opéra de John Adams), politique active au Proche-Orient, dialogue avec toutes les parties en conflit (eh oui, toutes, M. Cassis !). Revers de la médaille, la politique en Amérique latine : soutien actif des Etats-Unis au putsch de Pinochet contre Allende au Chili (11 septembre 1973), assurément la plus grande zone d'ombre de l'ère Kissinger, qui porte une responsabilité personnelle écrasante dans l'affaire.
     
    Mais enfin, c'était l'époque où les Etats-Unis d'Amérique avaient une grande diplomatie. Sur le fond, elle était cynique, bismarckienne, fondée sur les rapports der forces, bref tout ce que doit être une politique étrangère. Sur la forme, elle était moderne, éternellement souriante, ouverte, polyglotte, jaillissante, surprenante. Tel était cet homme d'exception, remarquablement intelligent, mais n'oubliant jamais qu'il faisait son tour de piste, non au service de la planète, mais des intérêts fondamentaux de son pays. C'est exactement cela, la diplomatie, lisez les biographies de Bismarck, à commencer par celle de Lothar Gall.
     
    Le plus grand diplomate américain du vingtième siècle meurt, clin d’œil dévastateur, alors qu'on chercherait en vain, sous Biden, une quelconque cohérence dans la politique étrangère américaine. Pas de dialogue avec le monde arabe. Glaciation des rapports avec la Russie. Jeu de dupes avec la Chine. Malgré ses aspects noirs (le Chili), Kissinger nous manque déjà. Par sa culture. Sa vision. Son destin personnel, fuir une Allemagne mortifère pour les siens, se tourner vers l'Amérique. Ah tiens, lisez Kafka, Amerika, première page, arrivée à New York, travelling à la Cassavettes (Gloria) sur la ville aux gratte-ciels. Fuir l'écorce terrestre. Pour la folie salvatrice de la verticalité.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     
     
     
     
  • Au diable, les moralistes !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.11.23

     

    Ils ont une guerre de retard. Les opposants à l’initiative qui veut réduire à 200 francs la redevance radio-TV, toute cette flasque armada de ceux qui ne veulent surtout rien changer au système, se trompent déjà de stratégie. Ils nous refont le coup des leçons de morale. Des « fake news ». Du service public. Ils nous sortent, sans même le dépoussiérer, tout l’attirail argumentaire de la votation « No Billag ».

     

    Ils ont tort. Car cette fois, ils vont perdre. Le peuple suisse n’en peut plus de l’arrogance de la SSR. Il ne veut tout simplement plus entendre ce discours, complètement éculé : « Nous sommes le ciment de la nation, nous sommes indispensables, sans nous pas de liberté des idées ».

     

    Pour qui se prennent-ils ? Ce qui compte, dans notre magnifique démocratie suisse, ça n’est pas la survie de la SSR. Ni celle des médias. Non, ce qui compte, c’est la libre expression de toutes les idées, je dis bien toutes, celles de gauche, celles de droite, celles qui défrisent, celles qui heurtent la lourdeur des conventions.

     

    Cette libre circulation, en quoi passe-t-elle par la seule SSR ? Ni même, pas les seuls médias ? Ni même, par le truchement des journalistes ? Nous sommes citoyennes et citoyens, adultes, vaccinés : à nous de choisir les canaux qui nous conviennent. Au diable, les conformismes ! Au diable, les leçons de morale des installés !

     

    Pascal Décaillet

  • L'absolu scandale du Pont d'Arve

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.11.23 - Rédigé plusieurs jours avant la décision de réouverture (annoncée hier), mais sur le fond rien ne change : les retards colossaux pris par la Ville doivent faire l'objet d'un audit. Et en matière de mobilité, le Canton doit prendre le pouvoir.

     

    A Genève, on ne roule plus. On macère sa colère, dans les bouchons. Ce fut notre lot sous Mme Künzler, nettement moins sous M. Barthassat, plus que jamais sous M. Dal Busco. Et là, sous M. Maudet, ça recommence ! Certes pas à cause du ministre cantonal, qui pourrait réserver de bonnes surprises. Mais à cause de la Ville ! Ces embarras d’automne, monstrueux, dignes de ceux de Boileau, se résument en un mot : le Pont d’Arve. Il appartiendra, un jour, aux historiens, archives en mains, de décortiquer l’affaire, déterminer comment on a pu, en haut lieu, laisser pourrir à ce point un chantier qu’il fallait, au contraire, accélérer par tous les moyens. On dégagera la part de l’idéologie, celle des Verts, des apôtres de la « mobilité douce » et du « transfert modal », tout ce petit monde puissamment désavoué par le peuple aux dernières élections, mais qui continue de s’enfermer dans sa liturgie, répétant à l’envi les mêmes mots, comme des incantations.

     

    Le boulevard du Pont d’Arve se trouve être un axe de pénétration capital dans le centre-ville de Genève, dans le prolongement de la rue des Acacias. Mais aussi, un axe de transfert majeur de la rive gauche à la rive droite, puisqu’il amène au Pont du Mont-Blanc, via Rive. C’est ainsi. C’est le fruit de l’urbanisme genevois, depuis les décennies ayant suivi la chute des fortifications, sous James-Fazy. Toucher au Pont d’Arve, dans le maillage actuel de Genève, c’est bloquer la ville. On nous dit qu’il y fallait à tout prix des travaux, nous l’entendons. On nous annonce des complications, là encore nous voulons le concevoir. Et puis, on se tait, on laisse pourrir, on retarde la fin des travaux, là commence le scandale. En génie civil, quel que soit le maître d’œuvre, public ou privé, la règle no 1 est le respect des délais. En l’espèce, on la bafoue. On place des dizaines de milliers d’automobilistes quotidiens devant le fait accompli. D’un mot, on se fout du monde.

     

    Dans les deux week-ends qui nous attendent, 3 et 10 décembre, la Ville de Genève accueillera les réjouissances de l’Escalade : la Course, puis le Cortège. Déjà en temps normal, ce sont des périodes d’enfer pour les automobilistes, en pleine époque de courses de Noël. Mais là, avec le Pont d’Arve, la coupe va déborder. Alors, je vous le dis : la plaisanterie a assez duré. Le Pont d’Arve est au moins d’importance cantonale, voire transfrontalière. Le Canton doit intervenir. On ne peut laisser plus longtemps ce chantier aux mains des idéologues de la Ville. On connaît leur couleur politique, leur Croisade contre tout ce qui ressemble à une voiture, leur religion extatique du vélo. Ces gens-là appliquent implacablement la réalisation d’un dessein : éradiquer tout véhicule à moteur privé du centre-ville. Le Canton doit prendre le pouvoir. Mettre au pas les gourous municipaux. Et dans seize mois, au printemps 2025, le peuple souverain de Genève doit les renvoyer dans leurs sectes.

     

    Pascal Décaillet