Sur le vif - Jeudi 24.02.22 - 10.06h
Face à toute guerre, que devons-nous faire ? Tenter de comprendre. Cela se fait avec le cerveau, non avec les tripes. Avec la connaissance de l'Histoire, non avec la morale. Avec une immense propension à se mettre dans la pensée de tous les belligérants. Dans leurs têtes. Dans leurs langues. Dans leurs visions du monde. Dans leurs horizons d'attente, physiques et métaphysiques. Tout cela, oui. Tout ce qui précisément ne fut jamais fait lors de la guerre des Balkans, dans les années 1990.
L'Ukraine, depuis des siècles, est sur une ligne de fracture entre la zone d'influence russe et, à l'Ouest, un tropisme vers notre Europe occidentale. Cela ne changera jamais. Quels que soient les événements des semaines et des mois prochains, ce déchirement, entre deux mondes, demeurera. Une Ukraine entièrement sous la coupe de Moscou, comme à l'époque soviétique, n'est assurément pas la solution. Mais une Ukraine membre de l'Otan, Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, absolue provocation des Américains, c'est insupportable au monde russe, il faut arriver à le comprendre.
Que font les Américains, puissance extra-européenne, en Europe de l'Est, depuis la chute du Mur, et l'effondrement de l'Union soviétique ? Ils avancent leurs pions, en direction de la Russie. Ils l'encerclent doucement, par l'Ouest et par le Sud. Que vient faire le monde de "l'Atlantique Nord" (on pense à la Charte signée par Churchill et Roosevelt, en 1941), aux confins directs de la Russie ? Que dirions-nous, si les Russes venaient placer leurs troupes sur la frontière des États-Unis avec le Canada, ou avec le Mexique ? Ou s'ils réinstallaient des missiles à Cuba ?
Toute l'appréhension des événements ukrainiens, c'est dans ce contexte historique, celui d'une immense provocation américaine depuis trente ans en Europe de l'Est, qu'il faut le placer. J'accepterai ici, dans les semaines qui viennent, les commentaires de ceux qui travaillent avec leur cerveau, leurs connaissances de l'Histoire, leur degré d'initiation dans les langues (la langue russe, par exemple), leur ouverture à saisir d'autres modes de pensée. J'évacuerai, en revanche, tout ce qui suinte la morale, le jugement hâtif ou émotionnel, la confusion du politique avec l'humanitaire, bref toute cette fange qui empesa et empêtra les esprits pendant les guerres balkaniques.
Voilà le lecteur averti. Des dizaines de milliers d'autres sites, d'autres hôtes, vous donneront l'occasion, si ma règle du jeu vous déplaît, d'aller déverser chez eux votre morale, votre réprobation, vos anathèmes.
Je veux ici de l'analyse. De l'intelligence. De la valeur ajoutée. De l'ouverture intellectuelle. Manichéens, allez voir ailleurs.
Pascal Décaillet