Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.02.22
Non seulement la gauche a déserté le peuple, mais le peuple ne veut plus de la gauche. Au fond, comme dans la sublime chanson de Brassens, la gauche et le peuple ne sont plus d’accord que sur un point : la rupture. Il se sont connus, jadis, du temps de Zola et de la Révolution industrielle, du temps de Jaurès, ils se sont tant aimés, mais aujourd’hui c’est du passé. Le temps des passions est révolu.
Le plus fou, c’est que la gauche, dans son discours, donne l’impression d’y croire encore. Elle prétend parler au nom des classes populaires ! Les connaît-elle, seulement ? Se rend-elle compte, un peu au moins, de l’émigration de ces dernières vers d’autre rivages ? Tente-t-elle, un minimum, de saisir les causes de ce grand transfert ? Ou croit-elle sincèrement que l’ouvrier suisse, le chômeur suisse, le travailleur pauvre suisse, le retraité précaire suisse, votent encore pour elle ?
En réalité, tant d’âmes de gauche vivent dans le déni. Elles veulent croire, encore un peu, à la grande mythologie de la fraternité industrielle, à la fusion des cœurs, à l’ardeur des adhésions. « Encore un peu », comme dans une autre chanson de légende, celle de Piaf : « Mon amoureux ».
La gauche est une chanteuse perdue, sur le bord de la scène. Aveuglée par les spots, elle se dit que le public est encore là, à l’ovationner. Comme Piaf, toujours elle, la gauche ne regrette rien. Elle n’a commis nulle erreur. Le peuple est parti, mais c’est lui qui a eu tort. Il ne l’a pas comprise. Salaud de peuple.
Pascal Décaillet