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Le destin allemand, du néant au rêve d'une autre vie

 
*** Essai sur l'idée de ruine dans la conscience germanique - Lundi 30.08.21 - 13.44h ***
 
 
Dans le demi-siècle qui a suivi la Guerre de Trente Ans (1618-1648), les Allemagnes, totalement dévastées par les ravages du conflit (lire absolument le Simplicius Simplissimus, de Grimmelshausen, 1668), ont failli disparaître, purement et simplement, de la carte de l'Europe. Le renaissance, politique, économique et culturelle, de l'idée allemande sur le continent, ne viendra qu'avec le 18ème siècle, à vrai dire avec le règne de Frédéric II, Roi de Prusse, entre 1740 et 1786.
 
Cette possibilité vertigineuse d'une disparition, l'intensité de la ruine allemande en 1648 (qui préfigure celle de 1945), le miracle d'une résurrection sous l'impulsion prussienne, quel prof d'Histoire les enseigne-t-il aujourd'hui ? Cette carence est coupable : il faut passer par cette période terrible pour prendre la mesure de tout ce qui suivra : naissance de l'idée prussienne, occupation de la Prusse par Napoléon entre 1806 et 1813, révolte des élites intellectuelles contre les Français, puis les chemins de l'Unité jusqu'en 1866. Et puis, tout le reste, l'Empire dès 1871, la Grande Guerre, l'humiliation de Versailles, la République de Weimar, le Troisième Reich, la renaissance de l'après-guerre.
 
Quand on contemple ce chemin, on saisit tout ce qui a été construit depuis Frédéric II. L'édifice politique, le travail sur la langue, la prodigieuse Révolution des sciences et des techniques, les voies de communication, les Universités, les immenses écrivains, ne parlons pas de la musique. Profonde civilisation, majeure dans l'espace européen.
 
On se dit aussi autre chose : cet exceptionnel chemin a été marqué, comme on sait, par des temps d'arrêt : défaite d'Iéna en 1806, Armistice de novembre 1918, capitulation de mai 1945.
 
Après cette dernière, on a parlé d'Allemagne, Année Zéro. Les villes, en ruines. La souveraineté politique, perdue pour des générations. Quatre puissances occupantes. Deux pays, au lieu d'un, entre 1949 et 1989.
 
Il y a peut-être eu une Allemagne, Année Zéro. Mais aujourd'hui, avec le recul, avec le champ de l'analyse en profondeur, on se dit que ces temps d'arrêt, Y COMPRIS CELUI DU 8 MAI 1945, n'ont été, dans l'immense mouvement entamé sous Frédéric II, que des défaites d'étape. De toutes, l'Allemagne s'est relevée. Volonté de fer. Refus de l'inéluctable.
 
La conception beethovénienne, ou wagnérienne, du héros, y est sans doute pour quelque chose, mais pas seulement. Les mêmes vertus dans l'ordre de la résurrection, les Allemagnes en avaient fait preuve, patiemment, après le désastre de 1648. Et ce sont les Allemands, à l'époque du Sturm und Drang (autour de 1770), puis au début du Romantisme, qui nous donneront les interprétations les plus géniales de la ruine grecque. La ruine, encore la ruine !
 
Saisissant destin que celui de ce peuple, depuis la Guerre de Sept Ans (1756-1753). Un quart de millénaire à se reconstruire après la ruine. Incroyable cavalcade, comme dans Erlkönig, le Roi des Aulnes, le poème de Goethe. Course folle, oui, entre la possibilité du néant et le rêve d'une autre vie.
 
 
Pascal Décaillet
 

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