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Venir au monde. Ou tenter de s'en extraire.

 

Sur le vif - Mardi 04.08.20 - 15.18h

 

La puissance du réseau social, incomparable, réside dans l'immense liberté accordée aux usagers. Chacun est libre d'ouvrir un compte, dire (comme dans Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité, mais là il s'agit d'un enclos délimité) : "Ceci est à moi !".

Il est libre. Il est chez lui. Il est responsable. A lui, le vertige de la page blanche. Se taire, ou parler. S'engager, ou se contenter de ricaner. S'impliquer, ou feindre la neutralité. Attaquer, ou demeurer dans sa tranchée. Sortir ses tripes, ou glisser sur la surface. Surprendre, ou se fondre dans la masse. Oser la guerre, donc se faire des ennemis, ou jouer au gentil Papy, copain de tous.

Le réseau social, en soi, n'existe pas. Il ne fonctionne, pour chacun de nous, que comme miroir de ce que nous voulons bien projeter. Le héros, ça n'est pas la machine. C'est nous. La question fondamentale n'est justement pas celle du social (car ce réseau, toutes illusions bues, ne nous relie pas, il creuse les fortins individuels), mais celle de l'intensité de chacune de nos solitudes.

Avec le réseau, non seulement nous vivons nos solitudes, mais nous les proclamons. Je dis "Je suis seul !", je n'en suis pas pas moins seul, mais je le dis. L'urgence première n'est pas celle du social, mais du langage. Unterwegs zur Sprache !

Le réseau n'est pas une thérapie de la solitude. D'abord, parce que cette dernière, vécue par un être de caractère, est tout, sauf une maladie. Elle n'a donc pas à être guérie.

Non, le réseau est une sublimation de la solitude. Chacun de nous, doté d'un minimum de sens, sait bien qu'il n'y a là ni "amis", ni solidarité, juste du vent. Ça n'est donc pas, malgré le nom, dans le "social" qu'il faut chercher une issue, c'est dans l'accomplissement de chacune de nos solitudes.

Ensuite ? Ensuite, chacun est libre. Montrer son chat, son plat de spaghettis, écrire, chanter, hurler, gémir, geindre, soupirer. Venir au monde. Ou tenter de s'en extraire.

 

Pascal Décaillet

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