Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

De la perspective, SVP !

 

Sur le vif - Lundi 28.10.19 - 14.39h

 

Prenez les flashes ou journaux RTS, dont je suis, dès l'aube, un fidèle auditeur : le thème du Brexit y est obsessionnel. A longueur de journées, on nous parle de l'interminable saga du Royaume-Uni et de l'Union européenne. Sortira, sortira pas, sortira quand ?

Depuis 2016, je m'inscris en faux contre cette hyper-couverture. Certes, ça n'est pas la RTS qui a créé la complexité du Brexit, mais enfin rien ne l'oblige à se calquer sur les moindres tressautements de l'affaire.

Cela me rappelle les flashes sur la Guerre du Vietnam, lors de mon enfance, dans les années 60. C'était, je crois, l'ATS qui donnait encore ses "bulletins" horaires : passionné de radio, je les écoutais tous.

Eh bien j'étais extraordinairement fâché, à neuf, dix ou onze ans, contre l'aspect fragmentaire de ces informations. Voici pourquoi : le principe d'un flash horaire est de commencer par donner les nouveaux éléments, ce qui est très bien en soi, quitte à rappeler, juste après, les antécédents. Et la nouvelle, on la met en tête, fort bien.

J'affirme ici que, dans mon enfance, j'en étais venu (sans comprendre pourquoi) à détester ce mode d'informer. Outre qu'il se calquait, dans 90 % des cas (mais cela, je ne le savais pas encore), sur les communiqués de propagande de l'armée américaine, en vertu de cette loi sacrée de la "toute dernière nouvelle", il se bornait à nous indiquer des opérations militaires purement tactiques, "telle attaque vient d'avoir lieu à tel endroit, il y aurait tant de morts", toutes choses qui ne pouvaient satisfaire mes oreilles d'enfant.

J'en avais parlé à mes parents : "Mais enfin, que se passe-t-il au Vietnam, quels sont les enjeux, pourquoi les Américains sont-ils là-bas ?". Ils m'avaient fort bien répondu, du mieux qu'ils pouvaient, me rappelant que l'affaire était complexe, qu'il y avait déjà eu la Guerre d'Indochine, avec les Français, entre 1946 et 1954, etc. Je leur suis infiniment reconnaissant de ce moment. L'une des premières fois où nous nous sommes assis en famille, pour prendre un peu de recul, tenter d'éclairer (avec des moyens bien limités !) une situation politique.

En clair, mes parents avaient fait un bien meilleur boulot que les super-pros de l'ATS, avec leurs nouvelles construites sur les événement de la dernière heure. Bien sûr, les explications de mes parents ne valaient pas la biographie de Hô Chi Minh par Jean Lacouture, lue des décennies plus tard, mais nous avions tenté, ensemble, une perspective. Lorsque, quelques années plus tard, au milieu des années 70, j'ai lu en grec la Guerre du Péloponnèse, de Thucydide (Cinquième siècle avant JC), j'ai compris à quel point l'Histoire était affaire de causes et de conséquences, de dévoilement des intentions réelles, de décryptage du langage.

Retour au Brexit, et aux flashes RTS. Ce qui compte, dans l'affaire, ce ne sont pas les soubresauts. Mais l'essentiel : la complexité millénaire de la relation entre le Royaume-Uni et le continent européen. Cela exige du recul. Cela impose l'Histoire. La référence à de longs siècles de guerres, d'alliances, de mésalliances. A cette aune-là, on se rendra assez vite compte que la question de l'arrimage, ou non, de la Perfide Albion dans une structure continentale de l'Europe, est au fond assez périphérique, en comparaison d'autres paramètres : montée inexorable de la puissance allemande depuis Frédéric II de Prusse (1740-1786), axe franco-allemand, Ostpolitik de l'Allemagne, présence de l'OTAN dans les Balkans, etc.

A cet égard, on aurait pu, juste ce matin, parler un peu moins des énièmes aléas du Brexit. Et beaucoup plus de la Thuringe, Ou, au hasard, de l'Ombrie. Excellente journée à tous.

 

Pascal Décaillet

 

 

Commentaires

  • J'aime encore mieux entendre des infos concernant le Brexit plutôt que les jérémiades de Greta. Maintenant, comme on ne la voit plus c'est parce qu'elle est devenue Persona Non Greta !!!

  • Vous avez raison, mais non! c'est mieux qu'ils ne parlent pas de l'Ombrie : je me suis rendue compte, en suivant les nouvelles de mon Pays en directe et dans les médias suisses que, à l'étranger, les nouvelles arrivent déformées, manipulées.
    J'ai des conversations surréalistes avec mes connaissances suisses qui répètent les titres et slogans des journaux ( fascistes, sovranistes etc. ) sans réellement connaître la politique italienne. Les fake news ne sont pas seulement sur internet. Difficile de se faire une opinion...

  • Les journalistes de la grosse presse sont tellement déconnectés de la réalité qu'ils ne réalisent pas que les gens les prennent désormais pour des clowns. A l'image de ce journaliste du Washington Post ("journal de référence" comme dirait Philippe Revaz avec son petit air sérieux pincé) qui vient d'inventer malgré lui un nouveau type de "mème" proprement hilarant:

    http://www.fdesouche.com/1285823-etats-unis-le-washington-post-critique-et-moque-pour-avoir-titre-abou-bakr-al-baghdadi-erudit-religieux-austere-a-la-tete-de-letat-islamique-decede-a-48-ans

    https://twitter.com/hashtag/WaPoDeathNotices?src=hash

    https://twitter.com/jason_howerton/status/1188482231930675200?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1188482231930675200&ref_url=http%3A%2F%2Fwww.fdesouche.com%2F1285823-etats-unis-le-washington-post-critique-et-moque-pour-avoir-titre-abou-bakr-al-baghdadi-erudit-religieux-austere-a-la-tete-de-letat-islamique-decede-a-48-ans

    etc...

  • Les clowns ont toujours eu beaucoup de succès, même en dehors des cirques, car ils font rire. Les succès des menteurs c'est de se faire élire grâce à leur talent, qui ferait rire aussi s'ils n'avaient pas souvent des conséquences néfastes pour les populations. Ce talent s'exerce dans un cirque à la dimension variable: d'une salle de parlement à un pays entier.

  • Il y a une perspective - l'amoncellement des petites difficultés, égrenées à chaque heure, démontre que c'était une mauvaise idée de vouloir sortir de l'UE. Cela prépare le terrain pour les discussions que nous aurons en Suisse sur l'accord institutionnel - il sera nécessaire de tout accepter, sinon on nous promettra un cauchemar.
    Si la radio-télévision d'Etat ouvrait le champ (au lieu d'y planter un épouvantail), et choisissait par exemple l'approche historique de plus long terme que vous proposez, le prétendu cataclysme du Brexit serait immédiatement ramené à sa vraie dimension historique et politique: une petite péripétie, la renégociation d'un ensemble de traités, entre entités étatiques qui s'entendent assez bien, et qui doivent redéfinir leur relation.
    Cela irait contre les intérêts et idées politiques de ceux qui définissent la ligne éditoriale de notre radio-télévision d'Etat.

  • Sur l'Ostpolitik, et la réunification, lire le bon article, en première page du Monde diplomatique de ce mois: "Allemagne de l'Est, histoire d'une annexion".

Écrire un commentaire

NB : Les commentaires de ce blog sont modérés.

Optionnel