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  • Genève : le gâchis des radicaux

     

    Sur le vif - Dimanche 18.11.18 - 14.15h

     

    Il faut un peu s'imaginer ce qu'était la politique à Genève il y a 18 ans, au tout début des années 2000. Une idéologie libérale omniprésente : même les socialistes suisses, blairiens pour nombre d'entre eux, prônaient, tout au mieux, la domestication du capitalisme. Un Conseil d'Etat mou. Une instruction publique donnant des gages au pédagogisme. Les bilatérales, exaltées. La question de la concurrence transfrontalière sur le marché du travail, totalement sous-estimée, ce qui donnera naissance au MCG, et lui permettra sa première percée en 2005.

     

    C'est dans ce contexte qu'est apparu un tout jeune conseiller municipal en Ville de Genève, 22 ans en l'an 2000, Pierre Maudet. C'est à cette époque, alors que je lançais l'émission Forum, que j'ai fait sa connaissance. Soudain, un homme. Jeune, élancé, dynamique, cultivé, incroyablement rapide dans son cerveau, malicieux, croqueur d'aventure et de destin. Dire qu'il tranchait avec le reste de la classe politique genevoise, c'est encore ne rien dire. En voilà au moins un avec qui on n'allait pas s'ennuyer.

     

    Dans les cinq premières années de Forum, j'ai sans doute pas mal fait pour lui conférer une notoriété romande. Je l'assume absolument. Lorsqu'il y a talent, qu'importent pour moi les titres, qu'importait qu'il ne fût que conseiller municipal, et provoquât les jalousies de tel conseiller national. Maudet, Darbellay, Pierre-Yves Maillard, il fallait à mes yeux que ces hommes fussent du débat public.

     

    Et puis, Pierre Maudet était radical. Et son avènement a coïncidé avec le vertige de ce parti, son risque de disparition de la scène politique, après plus d'un siècle et demi de présence en continu. En 2001, Guy-Olivier Segond quitte le Conseil d'Etat, après 12 ans, et Gérard Ramseyer n'est pas réélu. Pour la première fois depuis le Paléolithique supérieur, pas de radical au gouvernement ! Pierre Maudet et François Longchamp seront, devant l'Histoire, les hommes de la Reconquista, il faut leur laisser cela. Dans la médiocrité ambiante de la Genève de ces années-là, entre fatigues patriciennes, arrogantes comme jamais, et gauche mondialiste, ces deux hommes, d'une culture politique supérieure à la moyenne, avec sens de l'Etat et de la République, ont tranché. Ils ont constitué une alternative. Ils ont travaillé comme des fous. Et ils ont gagné.

     

    Élection de François Longchamp en novembre 2005 au Conseil d'Etat, retour du Grand Vieux Parti, puis élection de Pierre Maudet au printemps 2007 à l'exécutif de la Ville. Chez les grognards, le moral, enfin, remontait. Quelque chose, en politique, était possible, si on en avait la volonté et la vision. De mon point de vue, deux hommes intelligents arrivaient aux affaires, comment s'en plaindre ?

     

    Hélas, ces deux hommes n'ont pas exactement utilisé le pouvoir comme ils auraient dû. Une fois aux affaires, ils ont gardé les vieux réflexes des radicaux assiégés, cultivant dans l'officine l'art de monter des coups. Au mieux, on rendra hommage à leur esprit de corps. Au pire, on regrettera que ce dernier ne fût tourné que vers la promotion de leurs intérêts de caste et de corporation, et je ne parle même pas encore de cette affaire de cagnotte, écume face à l'essentiel.

     

    Au fil des années, cet esprit de garde prétorienne s'est renforcé, on a gouverné dans le silence des coups montés à quelques-uns, avec çà et là de petits Peyrolles comme commis de basses besognes. Dans ces années-là, de pouvoir sans partage, combien de sourds combats en d'obscurs Fossés de Caylus, combien de comptes réglés avec des adversaires dérangeants : ça n'était plus la République, c'était juste le petit théâtre des ambitions personnelles.

     

    C'est cela, le vrai problème du pouvoir radical retrouvé, de 2005 à 2018. Ce qui aurait dû servir l'ensemble de l'Etat, hélas, ne fut mis qu'au service personnel de deux hommes. C'est dommage. C'est du gâchis. C'est du temps perdu. Parce que ces deux hommes sont intelligents, cultivés, ils ont de la vision et du sens politique. Mais ils se sont noyés, sans même en jouir vraiment, dans l'immanente noirceur du pouvoir.

     

    Le reste, ce sont des péripéties. Ou des mirages d'Orient.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Armée européenne : l'inculture de Macron

     

    Sur le vif - Vendredi 16.11.18 - 17.37h

     

    Il ne saurait exister d'armée européenne, pour la simple raison qu'il n'existe pas d'Europe.

     

    Une armée, c'est l'épée d'une nation. Pour qu'il y ait armée, il faut qu'existe farouchement, derrière, une communauté d'hommes et de femmes suffisamment soudés, dans l'ordre des valeurs, de la mémoire, du projet commun, pour crier au monde leur volonté de vivre ensemble.

     

    Exemple : la France révolutionnaire de 1792, celle qui lève en masse le peuple pour défendre les frontières et les valeurs nouvelles, alors que les têtes couronnées d'Europe, coalisées (elles le seront jusqu'en 1815), préparent l'invasion pour rétablir l'Ancien Régime, avec ses privilèges. Là, dans ce moment d'exception de l'Histoire de France, ceux qu'on a appelés les Soldats de l'An II, patriotes comme jamais, ont donné à l'Europe une incroyable leçon.

     

    Pour qu'il y ait armée, il faut qu'il y ait nation politique. Il faut que ceux qui tiennent l'épée soient soutenus par le peuple. Ils l'ont été, dans la France en guerre, entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918.

     

    Pour qu'existe donc, un jour, cette fameuse "armée européenne", qu'un Président sans mémoire et sans culture politiques a cru bon, juste en passant, de lancer dans l'opinion, comme un feu de Bengale, sans le moindre arrière-pays mental dans l'ordre de l'Histoire, il faudrait qu'existe un jour une véritable Europe politique.

     

    Existera-t-elle un jour ? Je n'en sais rien. Mais j'ai la certitude qu'aujourd'hui, elle n'existe pas. Au contraire, le château de cartes, construit sur de mauvaises bases, s'effondre.

     

    Stratégiquement, qu'avons-nous en Europe ? Réponse : deux armées crédibles. L'armée française. Et, la rattrapant à grandes enjambées, dans l'indifférence générale, l'armée allemande. Eh oui, l'Allemagne est en plein réarmement, depuis Helmut Kohl, cela semble n'intéresser personne, elle réarme même sa marine, au point que cette dernière pourrait rattraper la Royal Navy dans un combat acharné, entamé à la fin de l'ère bismarckienne, sous l'impulsion du Grand Amiral Alfred von Tirpitz (1849-1930), véritable fondateur de la Kriegsmarine, pour la suprématie en mer du Nord et en Baltique.

     

    Une armée française, qui n'est pas rien. Un armée allemande, en constante solidification. Cela, ce ne sont pas des rêves. C'est la réalité stratégique d'aujourd'hui.

     

    Un jour, les Américains, arrivés le 6 juin 1944 (et même un peu plus tôt, en Italie), quitteront le sol européen. Ce jour-là, pas si lointain, il y aura, sur le continent, et jusqu'à la Russie, une armée française, et une armée allemande. Cette dernière sera devenue la plus puissante en Europe. A partir de ces fondamentaux, chacun d'entre nous peut fantasmer les scénarios qu'il veut, mais cela restera précisément des scénarios.

     

    Pour l'heure, il n'existe aucune espèce d'Europe politique, nous en sommes infiniment loin. Il ne saurait donc exister d'armée européenne.

     

    Pour l'heure, il existe en Europe des nations. Avec des armées nationales. Principalement, une armée française, une armée allemande. Le reste, ce sont des rêves et des paravents. Autant dire, rien : nulle politique ne saurait se fonder sur d'autres ancrages que ceux des réalités.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Alexandre de Senarclens

     

    Sur le vif - Vendredi 16.11.18 - 08.27h

     

    Alexandre de Senarclens est un homme dont je ne partage pas les idées politiques. Le libéralisme économique, l'Union européenne, le multilatéralisme, ne sont pas mes choix. J'aime l’État, j'aime la nation, j'aime la frontière, je suis protectionniste, attaché à la solidarité et à la cohésion sociales, à l'interne. Dimanche 25 novembre, il gagnera, je perdrai. J'aurai tout au moins voté en conscience.

     

    Bref, tout semblerait me séparer de ce patricien qui semble, à tout moment, surgir de la rue des Granges. Seulement voilà : il est devenu président du PLR genevois, j'ai commencé à l'inviter à GAC, j'ai appris à le connaître. Au fil des mois, j'ai découvert que l'élégance de cet homme n'était pas seulement vestimentaire : elle vient de l'intérieur, de son éthique, de son sens exceptionnel de la responsabilité individuelle. Il m'arrive parfois, en le côtoyant, de penser à mon professeur de grec, Olivier Reverdin.

     

    Et puis, il y a eu l'affaire Maudet. Comme une pluie de poix sur la blancheur des convictions. Jour après jour, à ma demande, Alexandre de Senarclens, qui n'est strictement pour rien dans ces mirages orientalistes, ces cagnottes de grognards démobilisés et ces salamalecs, a toujours accepté de venir sur mon plateau, essuyer les plâtres. Payer pour les autres.

     

    Il l'a fait, parce qu'il est président, et qu'il assume la fonction. Il n'a jamais attaqué personne. Il s'est montré, et se montre encore, dans toute cette crise majeure, un parfait gentleman, soucieux de l'unité d'un parti qui vole en éclats.

     

    Au moment où ce parti n'a même pas le minimum de gratitude de le retenir pour la liste au National (Chambre où il aurait parfaitement sa place), je veux lui dire ici, publiquement, mon estime et mon respect pour la très grande classe de son comportement, et sa verticale rectitude dans le champ dévasté des trahisons.

     

    Pascal Décaillet