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François Bayrou, trop superbe solitaire

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Sur le vif - Mardi 21.02.17 - 15.35h
 
 
J'apprécie énormément François Bayrou, c'est un homme d'intelligence et d'unité, son modèle est le Roi Henri IV, celui qui sut mettre fin aux Guerres de Religion, entrer dans Paris (au prix d'une messe), réconcilier le pays, après d'immenses épreuves. Si l'intime connaissance de ces épreuves vous intéresse, je vous recommande l'un de mes livres préférés, Les Tragiques, d'Agrippa d'Aubigné (1552-1630), un homme que Genève connaît bien.
 
 
J'apprécie Bayrou, et les plus fidèles d'entre mes lecteurs se souviennent que je l'avais soutenu avec ardeur, dans cette magnifique campagne de 2007, où il avait été, vu ses moyens, un héroïque troisième homme. Je ne partage pourtant pas du tout ses thèses européennes, mais l'homme me plaît, la patience avec laquelle il creuse son Sillon, d'aucuns comprendront les raisons philosophiques et littéraires de ma majuscule, à ce mot.
 
 
J'apprécie Bayrou, François Mitterrand avait dit qu'il serait un jour Président, il ne l'a pas dit de beaucoup d'autres, en tout cas pas de Rocard, ni de Jospin.
 
 
J'apprécie Bayrou, il pourrait être un rassembleur, comme l'avait été, naguère, le Roi Henri. Mais hélas, il y a un problème : le Béarnais est un homme seul. Il n'a pas de troupes. Or, le système d'élection du Président de la Cinquième, depuis la réforme de 1962, taillée sur mesure pour Charles de Gaulle, cette machine majoritaire, à deux tours, implique que les candidats aient derrière eux une véritable armée.
 
 
François Mitterrand, le politicien le plus habile de la Cinquième République, avait mis 23 ans à la constituer, cette armée : entre 1958 et 1981. En passant par l'Observatoire (1959), la présidentielle de décembre 1965, la prise à la hussarde du PS à Epinay-sur-Seine, en juin 1971, la présidentielle de 1974, pour enfin construire la superbe victoire du 10 mai 1981. A chaque défaite, ce diable d'homme se renforçait ; au fil des années, ses troupes augmentaient.
 
 
Bayrou, hélas, n'en est pas là. Il partage avec Pierre Mendès France, l'exceptionnel Président du Conseil de juin 1954 à février 1955, un trait de caractère funeste dans une mécanique majoritaire : celui d'être un solitaire ombrageux, persuadé d'être le meilleur, ciselant son indépendance plutôt que de forger une armée. Cela donne de magnifiques individus, idéaux pour biographes et romanciers, mais rarement des vainqueurs de grandes batailles.
 
 
Dans ces conditions, à la fois je souhaiterais vivement que François Bayrou se lance dans l'arène des présidentielles 2017, à la fois je ne le créditerais, hélas, en ce 21 février, que de fort peu de chances. Une telle bataille se prépare des années à l'avance, il faut conquérir les âmes, exercer les troupes au combat. Je crains que le Maire de Pau, qui eût fait une carrière d'exception dans le système proportionnaliste de la Quatrième République, ne puisse conquérir un bastion aussi difficile, dans l'implacable mécanique majoritaire.
 
 
Pascal Décaillet
 

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