Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Ca n'était qu'une primaire de la droite

    7781204183_francois-fillon-le-6-novembre-2015.jpg 

     Commentaire publié dans GHI - Mercredi 30.11.16

     

    D’abord, ce scandale, déjà relevé ici la semaine dernière : les grandes chaînes nationales françaises nous ont couvert cette « primaire de la droite et du centre » avec la même liturgie, la même débauche de moyens, les même ridicules « envoyés spéciaux au QG du candidat », pour nous dire qu’il « va arriver d’une seconde à l’autre », que s’il s’était agi du premier ou second tour de la présidentielle. Lesquels n’auront lieu qu’en avril et mai 2017. Tout cela, pour quoi ? Pour l’immense marketing de cette famille politique, profitant ainsi des canaux nationaux pour un processus privé de désignation interne. Juste pour les taux d’audience : le processus de l’élection républicaine, la seule qui vaille, organisée par l’Etat, a été mimé par des privés, à leur profit.

     

    Reste qu’il en émerge un homme de valeur. C’est du moins l’image qui émane de François Fillon, vainqueur de l’exercice. Je dis bien : « l’image ». Car au fond, que s’est-il passé ? Par ses qualités, bien réelles, la rigueur, la simplicité, la sobriété, l’ancien Premier ministre a touché les votants. C’est maintenant clair, on préfère l’austérité d’un notaire de province, surgi de Balzac ou de Mauriac, voire de Chabrol, à l’insupportable cliquetis de nouveau-riche associé à l’image de Nicolas Sarkozy. Dont acte. Mais ça n’est, toujours, qu’une image ! Ça définit un style, très français au fond. Mais ça nous renseigne encore assez peu sur la configuration politique du Monsieur.

     

    Cette dernière est complexe, et, je l’affirme, contradictoire. Nous avons affaire à la fois à un conservateur, sur des questions de société, et à un libéral, voire un ultra, sur le plan économique. Du jamais vu depuis longtemps dans l’Histoire de France : Pompidou n’était pas si conservateur, ni si libéral ; de Gaulle n’était absolument pas libéral ; il faudrait peut-être voir du côté de Tardieu, ou Guizot, mais c’est bien lointain. Surtout, la Vieille France, provinciale et contre-révolutionnaire, qui n’a cessé d’exister en plus de deux siècles, n’est certainement pas celle du libre-échange économique, loin de là. Chez ces gens-là, on est autoritaire, mais social ; traditionnaliste, mais attaché à la cohésion. Singulier pays, passionnant, pétri d’Histoire, riche de ses contradictions : peut-être la personne complexe de François Fillon résume-t-elle quelques-unes des saveurs multiples de la France profonde.

     

    Terminons par un coup de gueule. Contre la presse. Les moutons, toujours recommencés, comme la Mer, chez Paul Valéry. Pendant des semaines, ils ne juraient que par Juppé. Ce dernier s’effondre, et retourne gérer la ville de Montaigne : voilà qu’ils ne jurent plus que par Fillon, nous assurant déjà qu’il sera en mai 2017 à l’Elysée. En vérité, nul n’en sait rien ! Tant de choses, en six mois, peuvent encore se produire : que va-t-il se passer à gauche, que va faire le Front national, quelles secousses telluriques vont, peut-être, ébranler l’électorat français ? En résumé, Fillon émerge. C’est bien. Mais ça n’était qu’une primaire de la droite. Rien d’autre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Foutez-nous la paix avec les années trente !

    mann-thomas.jpg
     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.11.16

     

    Vous avez remarqué ? Dans une conversation, dès que quelqu’un se met à défendre le suffrage universel, il y a toujours, quelque part, un petit malin pour dire : « Hitler aussi a été élu par le peuple ». En général, ça jette un froid glacial, et ça met un terme au sujet. Et c’est bien dommage : faut-il, sous prétexte du 30 janvier 1933, renoncer à la souveraineté populaire ? Faut-il, parce qu’il y a eu le nazisme et le fascisme, s’interdire aujourd’hui, 80 ans plus tard, toute remise en question de la démocratie représentative ? Ou toute conception du monde syndical autrement que dans l’allégeance à la lutte des classes ? Faut-il, au motif que l’idée de nation, salvatrice en soi, a été dévoyée au profit du nationalisme, y renoncer ? En bref, faut-il continuer à se laisser impressionner par cette perpétuelle référence aux années trente, brandie, la plupart du temps, par des gens n’ayant qu’une connaissance très approximative de l’Histoire ? A toutes ces questions, la réponse est non.

     

    La phrase « Hitler aussi a été élu par le peuple » est en général prononcée par le perdant d’une votation, par exemple d’une initiative, le dimanche soir du scrutin. C’est une manière de nous dire que le peuple n’a pas toujours raison, ce qui est d’ailleurs exact : il ne s’agit pas, dans notre système suisse, qu’il ait « raison », mais qu’il décide en ultime instance. Nous ne sommes pas dans une géométrie morale, mais dans une définition du souverain. Nous tous, citoyennes et citoyens, qui votons quatre fois par an, sur une multitude de sujets, nous sommes parfois dans le camp des vainqueurs, parfois dans l’autre : sachons perdre. Sans insulter le système, convoquer les ultimes semaines de la République de Weimar, nous prendre pour Thomas Mann (photo), le génial écrivain antinazi, ou Heinrich, son frère, ou Klaus, ou Erika. Ou Brecht. Ou Stefan Zweig. Il y a d’autres choses à faire, dans la rhétorique politique, que cet obsessionnel retour aux années trente.

     

    Il se trouve que je suis un passionné de ces années-là. Les grands écrivains de l’antinazisme, je les ai lus. Je leur ai même consacré un chapitre de ma Série Allemagne, en 144 épisodes. Qu’on les lise, assurément. Qu’on les monte, sur les planches. Qu’on rende hommage à leur lucidité, leur courage. Mais de grâce, qu’on évite l’outrecuidance de se prendre pour eux, sous le seul prétexte qu’on défendrait la démocratie représentative contre le suffrage universel, l’ouverture des frontières contre leur régulation, le cosmopolitisme mondialiste contre l’attachement à la nation. Nous ne sommes plus au début des années trente. Les enjeux n’ont strictement rien à voir. Et il doit être parfaitement possible, dans nos pays, de plaider pour un conservatisme patriote, social, attaché aux valeurs du pays, sans se faire traiter immédiatement de nazi ou de fasciste. Ceux qui nous brandissent ces anathèmes, nous mentent. Ils pervertissent l’Histoire. Ils en dévoient le sens profond. Toute ma vie, je lutterai contre leur discours. Avec des arguments, des références. Sans jamais leur céder le moindre millimètre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Décrispe-toi, Bébert, respire un coup !

    contracture-musculaire.jpg 

    Sur le vif - Mardi 22.11.16 - 16.42h

     

    Vous aimez votre pays ? Son Histoire, son destin à travers les âges, sa complexité. Son système politique. Ses langues, ses cultures. La bouleversante beauté de ses paysages, que vous voulez entretenir. Son système social. Vous aimez tout cela ? Eh bien, c’est que vous avez un problème : vous souffrez de « crispation identitaire ». C’est grave, docteur ? Oh oui ! Ça vous empêche de vous fondre dans le moule mondialiste. On en fusillerait pour moins que ça.

     

    « Crispation identitaire ». Pas un jour sans qu’un journaliste de la SSR, un sociologue invité, un « expert », un politologue ne vous serve ces deux mots. Oser prononcer le mot « identité » vous attirera immédiatement les foudres. Il y a des mots, aujourd’hui, auxquels on n’a plus droit : le mot « identité » en fait partie. Vous avez beau le définir comme une construction, rappeler que avez lu l’admirable essai d’Anne-Marie Thiesse, « La création des identités nationales », rien n’y fait : on ne prononce pas le mot « identité ».

     

    La vérité, c’est que nous vivons sous le joug d’une bande de censeurs. Les mêmes qui, tout l’automne, ont caricaturé la candidature Trump pour encenser celle de Mme Clinton. Les mêmes qui nous promettaient déjà Juppé à l’Elysée. Les mêmes qui, se prenant pour Thomas Mann, nous brandissent à longueur d’année les années trente (lire GHI de demain, j’y reviens). Eh bien moi je vous dis que cette bande de censeurs, nous devons lui répondre comme il se doit : en les envoyant aux fraises.

     

    « Crispation identitaire », c’est, au sens propre, définir ceux qui sont attachés à leur pays sous un angle médical. « Vous ne pensez pas juste, c’est que vous avez un problème, Monsieur. Musculaire. Une crispation. Penser juste, comme nous, c’est être bien dans son corps, dans ses muscles, comme après un bon massage ». Il y aurait donc deux catégories : les corps sains, et les « crispés ». En fonction de l’orthodoxie de votre pensée sur le rapport que vous avez le mauvais goût d’entretenir avec votre communauté nationale.

     

    Vous savez ce qu’il faut leur dire, à ces Vadius et Trissotins de la bonne pensée ? Il faut, de toute la puissance expectorée de notre appareil pulmonaire, celui qui par miracle aurait encore échappé à la crispation généralisée, hurler le mot de Cambronne.

     

    Et puis, se remettre à défendre nos arguments. Un par un. Millimètre par millimètre. Sans rien lâcher. Jamais.

     

     

    Pascal Décaillet