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  • La Révolution conservatrice est en marche

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.11.16

     

    Depuis des années, dans ce journal, j’annonce l’avènement d’une Révolution conservatrice. N’y voyez pas, je vous prie, un quelconque retour à un ordre ancestral, un âge d’or, ni la nostalgie d’un paradis perdu. L’Histoire est ce qu’elle est : capricieuse, imprévisible. Elle nous joue des tours. Tantôt, elle nous fait croire à l’existence de l’idée de Progrès. Tantôt, elle nous dynamite nos illusions. Regardez l’Histoire allemande, émancipatrice sous Frédéric II, au dix-huitième siècle, socialement en avance sur tous sous Bismarck, au dix-neuvième, tragiquement régressive sous le Troisième Reich : comment voulez-vous y déceler une autre démarche que celle du crabe, incertaine, titubante ?

     

    La Révolution conservatrice n’est pas le retour à un ordre ancien. Mais assurément, elle remet en question, de façon drastique, ce que les quarante dernières années, disons depuis Mai 68, ont créé comme illusions de progrès définitif. Sur le plan économique, elle prend le contre-pied de l’immonde vision ultra-libérale des années 1990, qui Dieu merci s’est déjà bien calmée, mais enfin, pour qu’elle mourût, il lui fallait un coup de grâce. Sur trois axes, en tout cas, la Révolution conservatrice est en marche : adieu la mondialisation, adieu le culte du multilatéralisme, bienvenue au retour de l’idée de frontière. C’est valable aux Etats-Unis, avec l’élection de Donald Trump. Au Royaume-Uni, avec le Brexit. Au sein de l’Union européenne, avec la montée en puissance de la colère des peuples. Et, bien sûr, c’est aussi valable en Suisse.

     

    Obsédés par la coupe de cheveux de Donald Trump, n’hésitant pas à l’attaquer sur son physique, braqués sur sa « vulgarité » et sa « misogynie », qui sont simplement hors-sujet pour savoir s’il est qualifié pour présider les États-Unis, inféodés jusqu’à la moelle à la cause de Mme Clinton, les médias de Suisse romande sont passés totalement à côté de la présidentielle américaine 2016. Ils se sont laissés piéger par les thèmes de la bienséance et de la morale, alors qu’il s’agissait de choisir un leader pour mener la première puissance du monde. C’est grave, très grave, ils auront, nos braves médias, à en tirer les leçons. D’autant que concentrés sur cela, ils sont juste passés à côté de l’essentiel, qu’ils refusent de voir depuis des années : la Révolution conservatrice.

     

    Donald Trump, comme une majorité montante d’entre nous en Europe, veut contrôler la pression migratoire. La sienne, d’une violence inimaginable, vient du Sud : du Mexique. Il veut concentrer les énergies sur l’intérieur du pays, rénover les infrastructures (avec des accents de New Deal, le programme de relance de Roosevelt). La frontière, le protectionnisme : aux Etats-Unis comme en Suisse, et peut-être, au printemps prochain, en France, ce sont les éléments-clefs de la Révolution conservatrice. Pour peu que cette dernière soit aussi sociale, partageuse, redistributrice, génératrice de cohésion à l’intérieur du pays, il est bien possible qu’elle nous occupe, en Suisse et ailleurs, pour quelques années. C’est cela, au-delà de couleur de ses cheveux, la vraie leçon de l’élection de Donald Trump.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les pleins, les déliés, le bonheur

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    Sur le vif - 14.11.16 - 14.02h

     

    En écriture, une virgule, c'est une virgule. Un point, c'est un point. Un point-virgule, c'est encore autre chose. Ce solfège, magnifique parce qu'il éduque à la nuance de la phrase, doit impérativement être enseigné dès l'aube de l'initiation à l'écriture.

     

    J'ai eu cette chance, avec des plumes à encre, des pleins et des déliés, la magie des dictées, où l'oralité doit se transfigurer en écriture. Encriers dans le pupitre, buvards, bouts des doigts noirs d'encre. Mais infini bonheur.

     

    De même, apprendre l'expression orale. Au moins, déjà, lire correctement un texte. Une Fable de La Fontaine : très difficile, en fait, mais tellement génial comme exercice ; la ponctuation, chez cet auteur d'exception, rythmée autour du souffle (comme dans le Héron), est toujours munie d'un sens profond, la forme et le fond s'entrelacent, s'embrassent, s'étreignent, ne font qu'un.

     

    Si l'école primaire doit servir à quelque chose, ce doit être à cela. Merci aux instituteurs qui le font encore, avec le goût de la précision, l'amour des textes, la passion de la langue.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Trump et l'ombre de Roosevelt

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    Sur le vif - Dimanche 13.11.16 - 10.25h

     

    Il est peut-être temps, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, de considérer l'élection de Donald Trump autrement que sous le jeu des apparences, piège où sont tant tombés les médias, ne voulant voir en lui qu'un rouquin vulgaire, et le jugeant sur des critères moraux plutôt que politiques.

     

    Trump a une vision. Et il a un programme. S'il parvient à les appliquer, notamment la grande ambition de rénover les infrastructures, annoncée dès le discours de victoire, c'est assurément l'accent d'un New Deal qui sonne à nos oreilles. Avec lui, la mémoire de l'un des plus grands Présidents de l'Histoire américaine, Franklin Delano Roosevelt (1933-1945).

     

    Aucune comparaison, bien sûr, entre les deux hommes : juste une référence, qui affleure. Même si le rapport à l'Etat de FDR est très différent de celui que laisse entrevoir Trump, dans ses discours de campagne. Pour ma part, mon attachement au protectionnisme est viscéralement lié à très haute idée que je me fais, depuis toujours, de l'interventionnisme d’État. Ce qui me sépare totalement de tant de conservateurs américains, n'ayant jamais rompu avec le libéralisme. Situer Trump dans cette dialectique n'est, pour l'heure, pas facile.

     

    Mais tout de même, rappelez-vous : la campagne électorale de 1932, trois ans seulement après le krach de Wall Street. Une Amérique saignée, en lambeaux, dévastée par la crise de 1929, partout la faillite, les familles déchirées, les suicides. Lire Steinbeck, absolument.


    Dans ce climat, le candidat Roosevelt arrive avec le plus grand programme de relance économique de l'Histoire. Relance organisée par un prodigieux volontarisme d'Etat, construction de routes, politique industrielle, regard tourné (jusqu'au 7 décembre 1941) vers l'intérieur du pays, un peu moins vers le vaste monde. A ce programme, Roosevelt donne un nom : le New Deal. Nouvelle Donne, comme aux cartes.

     

    Ce que veut Trump, c'est quelque chose, toutes proportions gardées et rien n'étant exactement comparable, qui ressemble à cela. 84 ans plus tard. J'ignore absolument s'il y parviendra, mais c'est cela qu'il veut, cela sa vision. La référence à Roosevelt est dans toutes les consciences, elle m'est immédiatement tombée dessus, alors que j'écoutais en direct son discours de victoire.

     

    Pour placer toutes les énergies sur la réussite de ce pari, Trump devra appliquer une politique plutôt isolationniste qu'expansionniste, plutôt pacifique que belliciste, encore que dans ce domaine, il n'aura peut-être pas d'autre choix, ici ou là, que celui d'une guerre. Comme Roosevelt ! Arrivé en 1932, à des milliers de lieues marines de l'idée d'une guerre, FDR deviendra, les quatre dernières années de sa vie, le champion et le vainqueur de l'un des plus importants conflits de l'Histoire humaine. Parce que gouverner, ça n'est pas seulement appliquer un programme préconçu, mais tenter de répondre au tragique de l'Histoire.

     

    Eh oui. Car deux mois et trois semaines après l'élection de Roosevelt, une autre, en Allemagne, le 30 janvier 1933, allait sceller le destin du monde.

     

    L'Histoire est totalement imprévisible. Nul d'entre nous ne sait de quoi demain sera fait. Tout au plus, par quelques éclairs, pouvons-nous, parfois, y déchiffrer l'une ou l'autre correspondance. Pour cela, il n'est pas inutile de lire des livres. Des milliers de livres.

     

    Bon dimanche à tous.

     

    Pascal Décaillet