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Sédentaire et puissante, l'âme des écoles

 

Sur le vif - Mardi 10.03.15 - 13.05h

 

J’ai toujours été habité par l’idée que les écoles avaient une âme. Chaque école, son âme. Non des âmes errantes, fantomatiques. Mais justement, sédentaires. Ces lieux, dont parle Barrès au début de son plus grand livre, « où souffle l’esprit ». J’ignore où il se niche, ce souffle invisible, de quelles murailles il se joue, mais sa présence est là, perceptible, puissante.

 

Alors, hier soir, lorsque deux élèves de Candolle, Ugo et Loris, se sont mis à parler de leur collège, j’ai été pris d’un sentiment très fort. Ils n’ont pas dit : « Nous aimons les murs », ni « Le lieu nous retient », ni « Surtout, ne changeons rien ». Non. Ils ont juste eu quelques mots sur la magie de l’école. Le collège, lieu où on lit ensemble, on parle ensemble, on apprend ensemble. Existe-t-il, entre les humains, beaucoup de liens puis puissants que celui de cette communauté de cheminement ?

 

Bien sûr, nous rétorquera-t-on avec raison, à leur âge, ils peuvent quand même bouger ! Nous sommes bien d’accord. Mais il y a la présence de cette assemblée des âmes, visible ou invisible. Ces deux élèves, Loris et Ugo, ont fini par dire en mots simples et justes ce que toute la cléricature scientiste de la formation des maîtres ne peut se résoudre à reconnaître : le noyau dur, l’Arche Sainte d’une école, c’est son équipe d’enseignants. Les élèves passent, les profs demeurent. Là encore, retour à Péguy, l’Argent, Cahiers de la Quinzaine, 1913, un an avant sa mort au front : avec fulgurance, il décrit l’intimité, l’éternité de la relation maître-élève.

 

A partir de là, Mme Emery-Torracinta fera ce qu’elle voudra. Il est vrai qu’elle doit gérer d’en haut, sans argent supplémentaire, des questions de sureffectifs qu’il ne s’agit pas de nier. Au reste, au-delà de cette affaire, ma confiance dans l’esprit de cette conseillère d’Etat demeure intacte : venant de l’enseignement, elle aime profondément ce monde, et tâche de faire au mieux. Seulement voilà : il y a Barrès, « les lieux où souffle l’esprit ». Il y a Péguy, les hussards noirs. Il y a les abysses de nos nostalgies, perdues, enfouies, retrouvées, bouleversantes. L’école, premiers émois vers la connaissance « Unterwegs zur Sprache ». Premiers émois, tout court. Aimer l’école, passionnément, c’est vouloir toujours recommencer la vie. Contre l’inéluctable, jamais très loin.

 

Pascal Décaillet

 

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