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La Suisse, ça vous intéresse ?

 

Chronique publiée dans "Tribune" (Le Journal du PLR vaudois) - No2 - Mercredi 19.02.14

 

J’avais plaidé ici même, ces dernières semaines, pour le oui à l’initiative de l’UDC sur les migrations massives. C’est donc avec satisfaction, le 9 février, que j’ai accueilli le verdict du peuple et des cantons. Nous n’allons pas refaire la campagne, mais il est certain que les élites ont failli. En tentant constamment de nous faire peur avec les réactions de l’Union européenne, le Conseil fédéral, l’immense majorité de la classe politique, les organisations patronales ont négligé d’écouter la souffrance des Suisses qui n’ont pas bénéficié d’un partage de la croissance. Car ces fameuses glorieuses de la dernière décennie, il n’est pas sûr qu’elles aient profité à tous. Le cas du Tessin est flagrant. Mais aussi, en considérant la carte du vote avec un peu d’attention, les oubliés de la prospérité. Suisse orientale contre Suisse occidentale, Suisse des villes nanties contre Suisse de la périphérie, zones rurales délaissées : les lignes de fracture sont aussi révélatrices que passionnantes.

 

Cette Suisse, il faudra peut-être que nous commencions à nous intéresser à elle. Exactement ce que les rédactions de Suisse romande, dès les heures qui ont suivi le résultat, ont négligé. Elles ont fait quoi ? Elle se sont tournées, tétanisées, en palpitation, à l’affût de la moindre réaction « d’inquiétude » de Bruxelles, de Paris, de Rome ou de Berlin. Il fallait être les premiers, dès le dimanche soir et pendante toute la journée du lundi, à s’en aller quérir servilement les mots de morgue et de condamnation du peuple suisse, souverain, par les apparatchiks des chancelleries d’Europe. Il fallait être les premiers à orchestrer la musique des protestations de tel Commissaire européen, telle ministre italienne, tel Fabius « inquiet », tel économiste nous prédisant « de grandes difficultés ». Oui, il fallait se fournir en verges, nous dénuder le torse, et nous auto-fustiger voluptueusement jusqu’à l’extase. Le scénario peut ravir les adeptes du Divin Marquis. Il ne saurait pour autant faire office de lucidité politique.

 

Cette Suisse, il faut maintenant aller à sa rencontre. Un peu moins de correspondants à Bruxelles, dans les méandres de la machine européenne, un peu plus dans le pays profond qui a commis, le 9 février, le sacrilège de voter oui. Car enfin, ces fameux Tessinois écrasés par le rouleau compresseur de l’immigration lombarde, on pourrait peut-être prendre le train, passer le Gotthard, et aller boire un verre de Merlot avec eux. En en profiter pour les écouter un peu. Idem, pour nos compatriotes alémaniques qui se plaignent de la pression exercée par les Allemands. Avant de les traiter d’attardés, on pourrait se porter à leur rencontre, non ? Au lieu de cela, notre bonne presse douillette et moralisante s’est contentée de faire la leçon. Répétant à l’envi les arguments du patronat, réactivant les peurs qu’il nous brandissait, jusqu’à ce mot thermidorien de « guillotine » pour qualifier le sort que Bruxelles nous réserverait.

 

Et si la presse suisse s’intéressait un peu à la Suisse ? La proposition vous semble si délirante ? Non par repli, mais par connaissance du terrain. Ou du terroir. Puisque nous avons vocation à tenir un discours sur le pays, apprenons-en la grammaire. Sortons. Allons les voir, les habitants de la Suisse. Et tentons au moins de les comprendre. Ile ne le mériteraient pas ?

 

Pascal Décaillet

 

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