Sur le vif - Lundi 08.07.13 - 09.23h
Interviewé par le Temps de ce matin, François Longchamp plaide avec raison pour un certain degré de densification dans les constructions. Également à juste titre, il défend la zone agricole. Que la ville soit la ville, que la campagne soit la campagne. L'immense majorité des gens habitent dans des appartements, c'est à eux qu'il faut penser en priorité. Je ne suis pas loin de considérer le concept de "villa individuelle" comme un peu suranné. Je pousse un peu. Mais à peine.
L'horrible mitage du Plateau suisse, déjà entre Genève et Lausanne, mais surtout entre Fribourg et Berne, puis Berne et Zurich, avec cet habitat dispersé, mi-bourgade, mi-champêtre, est la honte de l'urbanisme - ou plutôt de la totale absence de vision d'aménagement du territoire - des quatre dernières décennies. Laideur de ces tout petits immeubles de deux ou trois étages, ou alignement de villas vicinales, perdus quelque part, étendus dans le flasque. Ni biotope naturel, ni ville, ni campagne. Rien.
Il est vrai qu'il y a une exception: la saisissante beauté, connue de tous ceux qui prennent le train, du trajet Lausanne-Fribourg. Servie certes par des paysages hors normes. Mais où demeure encore visible l'unité du village, au milieu d'une nature sans pareil (Lavaux, Gruyère, parmi d'autres). Protégeons notre patrimoine: il est l'une de nos valeurs suisses. Notre pays, ce ne sont pas seulement des idées, un système politique, mais aussi le pays physique ! Minéral, végétal, avec ses rivières et ses fleuves, ses lacs, la qualité de ses arbres, la richesse de sa faune, le contour de ses montagnes. Plus j'avance en âge, plus j'y suis sensible. Me rendant en Valais, je ne puis apercevoir le Catogne sans une étreinte d'émotion.
Le patrimoine est agricole. Mais il est aussi urbain. Comme le souligne François Longchamp dans l'interview, on a mieux construit, à Genève, à la fin du 19ème et au début du 20ème que dans les ignobles années 1960 ou 1970, avec ces cages à lapins suburbaines - voire urbaines ! - pour natifs du baby-boom et travailleurs immigrés. Avec quelques heureuses exceptions, comme les constructions du Bureau d'Architectes Honegger, auquel un ouvrage remarquable a été récemment consacré. Il se trouve précisément que ces années de belles constructions, entre 1880 et 1940 (période qui inclut le début des magnifiques réalisations de Maurice Braillard), correspondent à une époque où le souci patrimonial - avec tout ce qu'il impliquait de rapport au Heim, à la Heimat - était, chez les autorités, autrement important qu'aujourd'hui.
Je dis "chez les autorités", parce que la population suisse, elle, chaque fois qu'elle est consultée sur des sujets de ce genre, montre haut et fort son attachement à l'exceptionnelle qualité de ses paysages. Cette qualité, elle entend, au sens propre, la CONSERVER. Il s'agit donc, bel et bien, d'une démarche conservatrice. Le coeur, l'affect, le rapport au pays profond, la dictent tout autant, sinon plus, que la seule analyse intellctuelle. Initiative des Alpes, Lex Weber. Et je ne vous cache pas la surprise, seule contre tous, contre les autorités, contre la presse, contre les partis politiques, que pourrait bien nous réserver Ecopop. J'y reviendrai largement.
Pascal Décaillet