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Les initiatives nous dérangent ? Tant mieux !

 

Sur le vif - Lundi 08.07.13 - 15.36h

 

Singulière posture éditoriale en page 3 de la Tribune de Genève, qui semble effrayée par le nombre croissant d’initiatives qui fleurissent dans notre démocratie. Le titre, « Bienvenue au grand bazar des initiatives populaires ! », volontairement péjoratif pour ce procédé démocratique pourtant dûment prévu par notre Constitution, laisse apparaître une connotation chaotique, ou désordonnée, une forme de dysfonctionnement de l’ordre établi. Quel ordre ? L’ordre de qui ?

 

Il faut le dire ici, haut et fort : lancer une initiative, récolter des signatures, les déposer à la Chancellerie, puis faire campagne devant le peuple, n’a rien d’étrange, rien d’une aberration. C’est, au contraire, la sève même de notre démocratie directe, sa vitalité surgie d’en bas, la réponse des citoyens aux impérities, au manque d’écoute ou aux manquements des élus.

 

Au final, le peuple et les cantons tranchent. Et c’est une sélection naturelle sacrément sévère qui, la plupart du temps, désavoue les initiants. Comme le rappelle la TG, sur 184 initiatives populaires présentées en votation devant le peuple, seules 20 ont été acceptées depuis 1893. Détail révélateur : entre 1949 (Retour à la démocratie directe) et 1982 (Empêcher les abus sur les prix), aucun texte d’initiative n’a passé la rampe ! Comme par hasard, les Trente Glorieuses. Les années de grande confiance envers un Conseil fédéral qui n’était, à cette époque-là, pas avare de grands hommes, le socialiste Tschudi (1959-1973) ou le PDC Kurt Furgler (1971-1986), qui comptent assurément parmi les figures majeures de l’après-guerre.

 

Ce qui est de plus en plus pénible, dans notre presse, c’est précisément cette posture de systématique méfiance initiale, dès que vient à surgir une initiative. Comme si ça les "dérangeait" ! En cela, les commentateurs politiques, souvent basés à Berne (je connais !), se contentent au fond, par mimétisme dans l’ordre de la molasse, d’épouser l’énervement naturel des parlementaires face à l’exercice de la démocratie directe. En clair, face une redoutable rivale potentielle dans l’exercice de la fabrication de notre ordre législatif. Exemple le plus flagrant de cette connivence: le service public audiovisuel et nombre de journaux proches du pouvoir passent beaucoup plus de temps à nous informer de l'avis du Parlement sur une initiative que sur... l'intiative elle-même ! La parole est beaucoup plus donnée aux parlementaires qui la démolissent, qu'aux initiants.

 

Que le corps des élus soit irrité par la démocratie directe, on peut le comprendre. Mais la presse ? Faut-il à tout prix qu’elle épouse la vision du pouvoir en place ? Ne devrait-elle pas être davantage à l’écoute de ce pays profond dont les initiatives et les référendums viennent si souvent nous « déranger » ? Ne pourrait-elle pas, soyons fous, anticiper l’identification des malaises ? Pour cela, il faudrait qu’elle colle un peu moins d’étiquettes sur le petit peuple des mécontents, qu’elle a tendance à traiter bien vite de « xénophobes » dès qu’il est question de réguler les flux migratoires, de « conservateurs passéistes » dès qu’est proposé au souverain un texte sur la protection d’un marais, ou d’un paysage.

 

En cela, la page 3 de la Tribune de Genève de ce matin, au demeurant intéressante et riche de renseignements, se montre révélatrice de la profonde collusion de pensée entre la presse et le pouvoir en place, celui qui n’aime pas être « dérangé » dans le confort de ses prébendes.

 

 

Pascal Décaillet

 

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