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Le journalisme en 2013, entre paravents et pleurnicheries

 

Dimanche 20.01.13 - 10.30h

 

Je me refuse depuis des années à accepter les invitations aux colloques de pleurnicherie sur l'état de la presse en Suisse romande. Où l'on passe des heures à se lamenter sur les méchants éditeurs, les méchants lecteurs, les méchants internautes qui tuent la presse papier. Comme si le papier était autre chose qu'un simple vecteur !

 

Le problème numéro un de beaucoup de journalistes en Suisse romande n'est pas là. Il est dans leur absence de curiosité, d'imagination, d'inventivité, de combativité pour évoluer avec les nouvelles techniques de notre temps, qui sont non seulement fascinantes, mais très propices au développement du journalisme. Mise en ligne. Travail en réseau. Interactivité immédiate, développement d'intelligences collectives. Ou alors, possibilité extraordinaire, pour les solitaires, les individualistes (pour peu qu'ils soient sacrément bosseurs), de proposer aux gens leur univers à eux, rien qu'eux, avec leurs textes à eux, leurs images à eux, leurs sons à eux, leur mise en page à eux. Chacun, avec les outils d'aujourd'hui et de demain, peut proposer son journal. Ensuite, les gens aiment ou non, adhèrent ou non. C'est une autre question.

 

Bientôt, on ne confondra plus journalisme avec journaux. On peut faire du journalisme sans cette intrication complexe qui s'appelle un journal papier. On peut, tous les jours, sortir un journal papier, sans que cela soit du tout du journalisme. Certains, en Suisse romande, s'y emploient à merveille.

 

De quoi sont nés, techniquement, les journaux ? De la nécessité, à l'époque, de concentrer une équipe rédactionnelle à proximité immédiate de l'équipe technique, autour de la rotative qui, à minuit, sort chaque jour le bébé. C'est exactement dans ces conditions, au reste fascinantes, que j'ai exercé mes premières années au Journal de Genève, rue du Général-Dufour: nous produisions le journal d'un bout à l'autre, et savions pratiquement tout faire nous-mêmes. Il y a une trentaine d'années, on a commencé à avoir la possibilité technique d'éloigner l'imprimerie. Aujourd'hui, on peut parfaitement éloigner les rédacteurs les uns des autres.

 

Mais on en est resté aux grosses équipes rédactionnelles, hypertrophiées, avec les rubriques, les chefs de rubriques, les sous-chefs de rubrique, les évaluations annuelles, les interminables conférences de rédaction, les ressources humaines, les horaires, les congés, les vacances, les propos venimeux de cafétéria les uns contre les autres, les rivalités internes, les ascensions des grimpaillons, toutes choses qui tuent la créativité, éloignent l'objectif premier qui doit être la création, la production, l'imagination. Et on laisse passer les années, et on se croit éternels, et un beau jour le quotidien meurt.

 

Le problème numéro un, c'est l'hypertrophie des structures, le poids des habitudes, l'incroyable lenteur lorsqu'il faut affronter des techniques nouvelles. Le reste, ce ne sont que paravents, prétextes et pleurnicheries.

 

 

Pascal Décaillet

 

 

 

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