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Variations sur un été


Suite de mes entretiens avec le jeune écrivain Grégoire Barbey - Mardi 17.07.12 - 17.20h

 

PaD - Croyez-vous en l'été ? Croyez-vous au soleil ?

 


GB
- Qu'entendez-vous par croire ? L'été n'est qu'un terme pour nommer une période de l'année, mais le soleil, lui, est concret. Est-ce que je crois à la poésie que dégagent l'été et le soleil réunis, la chaleur de ces moments estivaux qui viennent caresser les plantes en fleurs et la cime des arbres ? Si c'est cela, alors oui, j'y crois. Et vous ?



PaD
- A dessein, je posais la question d'un acte de foi. Là où il n'y a, vous avez raison, que réalité mesurable. Il y a l'été réel (au reste magnifique, là où je suis, en ce mardi 17 juillet), il y a l'été comme accomplissement. Celui des romans bourgeois des dix-neuvième et vingtième siècle (jusqu'en 1914), celui qui nous forcerait à le percevoir comme perfection. Avec, à chaque fois, le risque de désillusion.



GB - La foi, je ne l'ai jamais eue. Je me sens plus proche du cartésianisme. Finalement, vous posez une question qui m'embarrasse plus que je ne l'aurais pensé. J'ai la sensation viscérale d'ignorer totalement ce que signifie croire. Je ne me rappelle pas l'avoir expérimenté un jour. Alors que la désillusion, elle...



PaD
- Non, non, rien de religieux. Juste l'idée de croire en l'été comme un passage obligé du bonheur. Il m'a fallu de longues, très longues années, pour aimer vraiment l'été. A votre âge, je m'engouffrais dans les musées d'Europe, je m'isolais à l'ombre pour dévorer les grands auteurs. Aujourd'hui, la présence d'un arbre et d'une colline, d'un livre et d'une rivière, me suffisent.



GB
- Je perçois parfaitement ce que vous dites. Chaque année, lorsque les premières couleurs orangées de l'automne se distinguent de la verdure propre à l'été, j'ai l'impression de n'en avoir pas profité. En vérité, je peine à m'offrir le temps - alors que j'en ai à revendre - pour me laisser choir sur une colline ou au bord de rivière et en profiter. Heureusement, je l'apprends petit à petit grâce aux conseils de la femme qui partage ma vie. Et aujourd'hui, je commence à croire en l'été, oui.



PaD - Et si l'été était un piège ? Un miroir de nos insuffisances ? Au moins, l'automne orangé nous ramène au réel, et au fond dissipe les angoisses. L'être humain n'est assurément pas fait pour le malheur. Mais est-il fait pour le bonheur ? Il y a, notamment chez Gide, d'incroyables pages sur cette attente, et finalement cette angoisse de l'été. Chez Thomas Mann, aussi.



GB - Je ne sais pour quoi nous sommes faits. J'aime à croire que nous faisons de notre vie, toutes proportions gardées, ce que nous voulons. L'été incarne peut-être l'idéal du bonheur, mais pas chez moi. J'accorde autant de saveur à l'automne avec ses arbres colorés, à l'hiver avec son manteau d'un blanc immaculé, au printemps et la renaissance de la nature qu'à l'été et sa chaleur étouffante. Il faut savoir s'émerveiller de tout. Ne pensez-vous pas ?



PaD - Il le faudrait assurément. Il est bien possible que l'été du bonheur soit une conception bourgeoise moderne, assez récente, depuis qu'existe la notion de vacances. Léon Blum a donné aux Français les premiers congés payés, cela n'était qu'à l'été 1936 ! Auparavant, la question ne se posait pas. Ainsi, mes parents, tous deux nés en 1920, avaient droit, dans le Valais de leur enfance, à six mois de vacances d'été. Mais c'était pour travailler, pas pour filer à la mer ! Je terminerai avec Rimbaud, tellement ces quelques syllabes sont sublimes, dans son poème « L'Eternité »: « C'est la mer allée avec le soleil ».



GB - Quant à moi, je préfère voir le soleil comme une métaphore de l'être aimé. Ce vers de Paul Éluard me convient donc parfaitement : « Tu es le grand soleil qui me monte à la tête quand je suis sûr de moi. »

 

GB + PaD



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