Sur le vif - Lundi 15.08.11 - 10.48h
Je n'ai pas encore vu « Vol spécial », le film de Fernand Melgar, et ne manquerai pas, dès que j'en aurai l'occasion, de le visionner. Trois ans après « La Forteresse », ce film évoque les renvois forcés d'étrangers en situation irrégulière, en Suisse, et nous fait découvrir l'enceinte de « Frambois », établissement dont les Genevois ont souvent entendu parler. Sujet ultrasensible, on l'imagine.
Ce que nous savons, c'est que Paulo Branco, président du jury de Locarno, a gravement insulté cette oeuvre et son auteur, samedi, en parlant de « film fasciste ». Le mot est incroyablement fort, rappelle la rhétorique d'une certaine gauche des années 70, associe un créateur suisse de films documentaires à une vision totalitaire du monde. Tout cela, pourquoi ? Parce que Melgar, apparemment, y donne la parole, entre autres, aux « bourreaux ». Entendez les fonctionnaires chargés du sale boulot, celui qu'on ne veut pas trop voir, parce qu'il ne sent pas très bon. Mais boulot qu'une majorité du peuple, un certain dimanche, a légitimé. C'est cela, la démocratie : on prend des décisions, mais on se cache parfois les yeux lorsqu'on les applique jusqu'au bout. Melgar, lui, déjà dans son film précédent, a choisi de montrer ces choses-là. N'est-ce pas son honneur de cinéaste ?
Et puis, quoi ! Quand bien même la démarche serait « fasciste » (mais où donc, dans quel archaïque arsenal suintant le manichéisme lexical post-68, Branco est-il allé chercher ce mot ?), il y aurait peut-être argument à condamner moralement. Mais artistiquement ? Le président du jury d'un festival de films a-t-il pour mission de jouer les censeurs idéologiques ? Ces propos sont indignes de lui, de sa fonction. M. Branco ne s'est pas comporté en président. Mais en épurateur en chef. En grand inquisiteur, garant d'une ligne politique. Il n'y a certainement, à Locarno, aucun scandale Melgar. Mais un vrai scandale Branco,
Pascal Décaillet