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Jonction : c'est Berlin, 1945 !

 

Sur le vif - Dimanche 17.07.11 - 18.55h

 

C'est comme dans la chanson de Brel : dire qu'on traverse Genève, et qu'on croirait Berlin ! Berlin, mai 1945, ou Nuremberg, ou Dresde. Bitume éventré, tranchées béantes, tiens pour un peu, avec juste l'élévation vers le ciel de quelques pavés, ça pourrait faire barricades, Paris 1830, Paris 1848, Paris août 44, Paris mai 68. Mais bon, c'est juste Genève. C'est la Jonction, c'est les Deux-Ponts, c'est la Coulouvrenière. Et ça fait des années que ça dure. Et rien n'avance. Et tout le monde en a marre.

 

Que le futur tram, vers Bernex, soit une bonne chose, d'accord. Qu'il faille, pendant le chantier, passer par des moments difficiles, tout le monde en convient. Mais là, trop. Beaucoup trop. Fumisterie. Absence totale, depuis des années, de vision d'ensemble du chantier. Eviscérations parcellaires, juxtaposées, ici un trou, là un sillon, à deux pas une improbable métastase dans ce qui, naguère, fut goudron. La circulation, on la dévie à gauche, le lendemain à droite, un jour voie creuse, l'autre jour impasse. Ça n'a même pas le charme désespérant du labyrinthe : c'est  juste un monceau de microdécisions prises par personne, quelque part dans une Direction générale de l'Immobilité.

 

En Chine, on érige un gratte-ciel en dix jours. On travaille jour et nuit, les trois huit. N'en demandons pas tant. Juste un peu de cohérence. Là, du côté du pont de la Jonction, quand vous tentez  de vous frayer un passage, c'est aussitôt un festival de couleurs : un homme en jaune, l'autre orangé, ils surgissent, vous font signe de rebrousser chemin, surtout ne pas passer. L'idée même que votre trajet puisse un jour avoir une issue, d'un coup, se dilue, s'évapore. Il n'y aurait plus qu'à tourner, et tourner encore. Même pas en rond. En quinconce ! En tortue ! En escargot tellement heureux de sa nature hermaphrodite, qu'il ne lui resterait plus, comme ultime pamoison, que la jouissance par l'immobilité.

 

Heureuse Jonction : à part le Rhône et l'Arve, dans la quiétude de leur confluence qui est tout de même mouvement, plus rien ne bouge.

 

Pascal Décaillet

 

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