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À propos du désir en politique

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Mardi 21.07.09 - 16h

Oser dire « Oui, j’aime le pouvoir. Oui, je le veux, oui j’en rêve. Oui, la braise de ce désir-là, depuis l’aube de mes jours, me réchauffe, m’illumine ». Avoir cette franchise, cette simplicité, cette rectitude dans l’énoncé de la convoitise, c’est ce qui fait défaut à certains ténors, nous l’évoquions dans notre billet de dimanche matin, dans l’actuelle course au Conseil fédéral. François Mitterrand, le prince de toutes les campagnes, mais aussi Jacques Chirac, ou même Pascal Couchepin lorsqu’il s’agissait de succéder à Jean-Pascal Delamuraz, ne faisaient, après tout, pas tant d’histoires. Les premiers, ils se déclaraient. Et au final, l’emportaient. Il est des occurrences, oui, où le désir est si calcinant qu’il ravale aux orties les pusillanimes artifices de la tactique.

Alors, ces (fausses) pudeurs de la campagne 2009, d’où viennent-elles ? Sont-elles cosmiques, ou simplement suisses ? Liées à l’aspect indirect de l’élection, convaincre 124 personnes, plutôt que plusieurs millions ? Cet aveu sans cesse reporté, si touchant lorsqu’il s’agit de transport amoureux, pourquoi commence-t-il, en cette espèce qu’on admettra plus prosaïque, à fatiguer l’opinion publique ? Y aurait-il des mystères du désir politique comme il existe des mystères de l’Ouest, une face cachée aux Lumières des exégètes ?

À ce stade, réitérons l’hommage à ceux qui, depuis le 12 juin, ont osé le message clair : ceux qui, même avec de faibles chances, se sont lancés dans la bataille. Ceux aussi qui, comme François Longchamp ou Pierre Maudet, ont fait savoir sans tarder qu’ils ne seraient pas de cette bataille-là.

Pour les autres, les princes noirs du désir retardé, qu’ils soient flandrins des glaciers ou apothicaires transalpins, ou encore hobereaux de terre vaudoise, il n’est pas sûr que cette école politique de la coulisse et de la dissimulation serve grandement les intérêts du pays, ni, plus simplement, la pérennité d’un système indirect qui vit peut-être ses dernières années.

Ainsi, la démocratie chrétienne. Nous l’avons dit et répété, cette famille politique est en droit de revendiquer le siège perdu par Ruth Metzler, en droit d’essayer en tout cas. Mais alors, puisqu’elle l’a annoncé, qu’elle le fasse. Avec clarté, courage, cohérence de programme, qu’elle se lance, oui, qu’elle défende ses couleurs, et que, le 16 septembre, le meilleur gagne. Au lieu de cela, que voit-on ? Des candidats putatifs qui rasent les murs, s’épient, attendent fraternellement que l’autre commette une erreur, aimeraient tant qu’on vienne les chercher, bref voudraient être conseillers fédéraux, mais n’ont pas envie d’être candidats.

De cet obscur marécage naît le surréalisme. Ici, c’est Cina qui voudrait prendre un siège, là c’est l’annonce que le candidat du parti ne sera connu que le…….. 8 septembre (Jour de la Nativité de la Vierge), soit huit jours seulement avant le jour j ! On voudrait discréditer définitivement le système d’élection par l’Assemblée fédérale, on ne s’y prendrait pas autrement.

À moins que la réalité soit plus rude. En politique, tout est affaire de désir. Et si la démocratie chrétienne suisse était, sur ce coup-là, désertée par le désir ? Parce qu’elle aurait fait ses calculs, aurait reconnu que, tout de même, les forces libérales-radicales sont plus importantes, donc plus légitimantes. Ou alors, plus simplement, la peur du péché. Le siège à reconquérir, comme fruit défendu. Fils de Caïn, fils d’Abel, les démocrates-chrétiens suisses seraient là, juste sous l’Arbre, à contempler l’Objet, paralysés. Panne de libido. Panne d’existence. Comme il y a des pannes d’essence.

Mais au fond, qu’y a-t-il, à l’Est d’Eden ? Un autre Paradis ? L’Enfer ? Ou alors, peut-être, la vraie vie ? Celle où les humains se salissent les mains pour mieux se laver l’âme, camouflent les plus impérieux de leurs désirs pour mieux les rejeter. Elle n’est pas simple, la politique. La vie, encore moins. Et nous ne sommes que le 21 juillet. Et il est encore si loin, le 16 septembre.

Pascal Décaillet

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